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Des marchés au rythme des émotions

Sous l’impulsion de nouvelles tensions commerciales initiées par Donald Trump, les marchés financiers américains ont connu une chute historique, avant de rebondir brusquement. Timur Turlov, PDG de Freedom Holding Corp, décrypte cette séquence d’extrême volatilité, ses causes et ses conséquences pour les investisseurs.

Une contribution de Timur Turlov, PDG de Freedom Holding Corp

Le marché américain s’est effondré de près de 15 % en seulement trois jours, enregistrant l’une des plus fortes baisses de son histoire. Cette chute brutale a été déclenchée par l’annonce de nouvelles taxes à l’importation visant les partenaires commerciaux des États-Unis, accompagnée de mesures de rétorsion sous forme de droits de douane réciproques. Ces décisions ont été prises dans le cadre de la « Journée de la libération » annoncée par le président Donald Trump le 2 avril.

Les logiques économiques traditionnelles ont été balayées : les marchés ont réagi avec une extrême nervosité. Dès le 9 avril au matin, les droits de douane imposés à la Chine avaient dépassé 100 %, incitant Pékin à riposter en imposant à son tour plus de 80 % de droits de douane sur les importations de biens américains.


En fin de journée, contre toute attente, Donald Trump a annoncé un report de 90 jours des nouvelles règles commerciales – à l’exception de la Chine. Cette volte-face a provoqué un rebond immédiat sur les marchés : en l’espace de trois heures, l’indice S&P 500 s’est envolé de +9 %. Une volatilité d’une telle ampleur n’avait pas été observée depuis la crise du COVID-19.

Ce qui rend la situation particulièrement remarquable, c’est que cette instabilité a été entièrement provoquée par des décisions politiques internes, et non par des facteurs exogènes. L’impact ne s’est pas limité aux marchés actions : le marché obligataire a également été durement touché, avec des ventes massives de bons du Trésor américain.

Sur le marché des matières premières, le cours du Brent a chuté de plus de 20 %, tombant à 59,31 dollars, un signe fort d’un retournement de tendance vers un marché baissier. Toutefois, à l’annonce de la suspension partielle des droits de douane, les prix ont rebondi de plus de 10 %.

La réaction positive des marchés s’explique principalement par l’atténuation des risques majeurs qui pesaient sur la conjoncture. Parmi ces facteurs désormais en recul figurent :

• l’accélération de l’inflation, surtout marquée aux États-Unis mais perceptible à l’échelle mondiale ;
• les craintes de pénuries de marchandises ;
• les risques de rupture des chaînes d’approvisionnement ;
• la menace d’une détérioration des relations économiques et commerciales entre les États-Unis et leurs partenaires ;
• le risque de basculement vers un marché baissier, accentué par des ventes massives d’actifs dans un contexte de destruction de l’effet de richesse (la baisse de la valeur des actifs affectant directement les dépenses de consommation et le taux d’épargne des ménages).

Bien que l’incertitude et la volatilité demeurent à court terme, notre vision du marché est désormais plus optimiste. En mars, je préconisais une réduction partielle des couvertures et une approche prudente dans la constitution de nouvelles positions. À présent, le contexte semble plus favorable : il est possible de réduire davantage l’exposition aux instruments de couverture et d’intensifier les achats d’actions, en particulier dans le secteur des grandes valeurs technologiques — massivement survendues ces derniers mois — pour les investisseurs disposant d’un profil de risque agressif.

Si vous adoptez une approche neutre ou conservatrice du risque, contentez-vous de maintenir votre plan initial, en veillant attentivement à la composition de votre portefeuille. Les actifs de qualité doivent en constituer la majeure partie.

Dans les prochaines semaines, la dynamique des marchés boursiers sera largement influencée par les avancées dans les négociations commerciales internationales, qui devraient reprendre après un assouplissement de la position de Washington.

La saison des résultats, qui a débuté le 11 avril, jouera également un rôle clé : elle permettra d’évaluer la manière dont les entreprises font face à la hausse des coûts, aux perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’à un affaiblissement de la demande.

Du point de vue des indicateurs techniques comme du sentiment de marché, toutes les conditions semblent réunies pour un rebond à court terme — un mouvement qui a d’ailleurs déjà commencé.

Cependant, cet optimisme ne signifie pas qu’un risque de correction est écarté. Il est important de garder à l’esprit que Donald Trump continuera de défendre sa position, mais également qu’il existe encore des garde-fous susceptibles de freiner ses initiatives. Celles-ci devraient permettre de limiter les dérives excessives sur les marchés. Dans ce contexte, la priorité reste de s’en tenir à sa stratégie et de garder la tête froide.

 


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