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Défaillance, investissements : quelles seront les conséquences de la hausse des taux pour les entreprises en 2024 ?

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WeWork, Bed Bath & Beyond et Mulle Automotive, voici les histoires boursières les plus folles en 2023. | Source : Getty Images

Entreprises | En raison des effets retardés du durcissement monétaire sur l’activité, les sociétés tricolores en subiront plus fortement les conséquences pour le nouveau millésime. Avec un impact négatif sur les défaillances et les investissements. 

« La situation est plus compliquée pour les entreprises en ce début de 2024, qu’à la même époque l’année dernière ». Tel est le constat établi par Denis Ferrand, économiste et directeur général de l’institut Rexecode. Pour cette nouvelle année, une autre problématique vient s’ajouter aux multiples difficultés (inflation, croissance atone, difficultés de recrutement dans certains secteurs) rencontrées par les entreprises : le renchérissement du coût du crédit. 

Pour faire face au retour de l’inflation en zone euro, la BCE s’est lancée dans le cycle de resserrement monétaire le plus rapide de son histoire : dix hausses de taux directeurs consécutives entre juillet 2022 et septembre 2023. Le taux sur les dépôts bancaires, sorte de référence pour la BCE, passait ainsi de 0 % à 4,5 %, un niveau jamais atteint depuis le lancement de la monnaie unique. L’objectif : mettre fin à « l’argent gratuit » pour freiner la demande.

Si la grande majorité des experts s’accordent à dire que la politique restrictive suivie par la BCE a eu un effet sur le reflux de l’inflation, d’aucuns considèrent qu’elle a appuyé trop fort sur le frein. Car mécaniquement, les banques répercutent cette hausse de taux sur leurs clients : les ménages et les entreprises. Ces dernières pâtissent ainsi de la baisse de consommation des premiers. 

 

« Tendance à la hausse »

Faut-il voir dans la remontée des défaillances d’entreprises – près de 55 000 en 2023, soit 34% de plus qu’en 2022 – un lien de causalité avec le resserrement de la politique monétaire ? Pas si vite… « Cela a pu être un facteur aggravant mais ce n’est pas la principale raison, souligne Gilles Moëc, chef économiste d’Axa. La tendance à la hausse a surtout été marquée par un phénomène de rattrapage, l’action publique ayant permis de maintenir de nombreuses entreprises à flot durant la pandémie. » 

En raison des effets retardés de la hausse des taux sur l’activité, compris entre 12 et 18 mois, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) table sur un impact négatif de 0,9% sur la croissance pour 2024. Pas de nature à endiguer la vague de défaillance, qui pourrait atteindre le nombre de 60 000 – niveau moyen durant la dernière décennie – selon Denis Ferrand.

Cependant, le constat est beaucoup moins morose qu’on pourrait le craindre. « Les entreprises avaient à disposition des ressources propres importantes fin 2022 (niveaux de trésorerie élevés par rapport à 2019, marges en hausse, solvabilité renforcée). Ces ressources internes ont été des atouts pour 2023 et pourront continuer à l’être en 2024 », souligne Émilie Quema, directrice des entreprises au sein de la Banque de France. En clair, seules « les entreprises les moins productives » continueront de disparaître. 

 

Certains s’en sortent mieux que d’autres. Pour l’entrepreneur Vincent Klingbeil, co-fondateur du conseiller en digital European Digital Group, le resserrement monétaire peut également être vecteur d’opportunités. « Lors de Leverage Buy-out (montage financier permettant le rachat d’une entreprise via une société holding, NDLR), cela peut permettre d’obtenir des sociétés à moindre coût ». Denis Ferrand pointe une autre occasion favorable : « L’argent de la trésorerie, pour les entreprises qui ont une, peut être placé et obtenir des rendements plus intéressants ».

 

Doublement des taux d’intérêts 

Reste que pour les sociétés, s’endetter coûte désormais plus cher qu’auparavant. Une société dotée de bases financières solides, qualifiées d’« investment grade » par les agences de notation, emprunte actuellement à un taux compris entre 4 et 6 %, contre une moyenne de 2 % observée au cours des dernières années. Pour les entreprises présentant un profil plus risqué, celui-ci peut grimper jusqu’à 8%. 

La question qui se pose désormais est la suivante : le renchérissement du coût du crédit aura-t-il un effet négatif important sur l’investissement des entreprises, facteur de croissance et de création d’emplois, alors qu’il est resté soutenu en 2023 ? « Les effets de la politique monétaire sur la croissance de l’investissement devraient atteindre leur maximum en 2024, avant de s’estomper à partir de 2025 », Observe Émilie Quema. En clair, de nombreux projets seront décaler de quelques mois, voire d’une année, espérant ainsi profiter d’une potentielle baisse de taux. 

Les multinationales, mauvais élèves de l’investissement 

Plus surprenant, une récente étude de la BCE démontre que les entreprises les plus enclines à reporter leurs investissements sont… les multinationales. Alors même que celles-ci peuvent bénéficier d’un coût de crédits moins élevé et sélectionner la source de financement la plus favorable. L’autofinancement, qui représente 42 % des montants investis pour les groupes cotés en bourse, tombe à 29% pour les sociétés qui n’y sont pas. Sans oublier que la majorité d’entre elles n’ont pas accès au marché obligataire (émission de titres financiers auprès d’investisseurs). « C’est assez curieux, souligne Gilles Moëc, elles doivent certainement bénéficier d’une meilleure situation de trésorerie »

Germain Simoneau, président de la commission financement de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), émet une autre hypothèse : « Les grandes entreprises ont des projets très coûteux. L’augmentation des taux d’intérêts peut peut induire un coût trop important au regard de la faisabilité du projet.  Ce n’est pas le cas pour les projets initiés par les PME, ceux-ci étant plus modestes en taille, l’impact du coût de financement plus marginale »

Une transition énergétique retardée ? 

Le mensuel Alternatives économiques calcule qu’un emprunt d’un million d’euros sur 5 ans à un taux de 2 % conduira à un remboursement de 17 528 euros par mois pour un total de 51 666 euros d’intérêt. Quand celui-ci passe à 5,5 % (ce qui est le cas actuellement), les échéances mensuelles passent à 19 101 euros et la facture totale du coût du crédit grimpe à 146 070 euros.

Suivant cet exemple, le dirigeant d’une PME remboursera dorénavant 1 573 euros d’intérêts en plus par mois, pour un total de 94 404 euros sur cinq ans.  Si la différence a de quoi donner le vertige, elle n’est pas de nature à faire infléchir « l’investissement productif car il génère de la rentabilité à court terme », estime Germain Simoneau. Et d’ajouter : « Certes celle-ci va être diminuée à cause du renchérissement du coût du crédit, mais cela reste acceptable pour une majorité des patrons ». 

Le président de la commission financement de la CPME évoque néanmoins une épine dans les pieds dans la mise en place du « plus grand défi de l’histoire des entreprises » selon Les Échos : la transition énergétique. « Les investissements de transition seront repoussés car, ils ne produisent pas la rentabilité à court terme qui permettrait d’assumer le surcoût du financement », souligne-t-il. Une très mauvaise nouvelle néanmoins nuancée par Emilie Quema : « Dans un contexte d’incertitude, le motif environnemental est stable. Ainsi la transition énergétique est clairement devenue un facteur différenciant et un avantage compétitif pour les entreprises. » 

 

Lire également : Inflation, pouvoir d’achat, croissance : quelles sont les perspectives de l’économie française pour 2024 ?

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