Depuis 2007, des taux d’intérêt restés trop bas trop longtemps ont créé une « bulle universelle ». Aujourd’hui, malgré le revirement de la normalisation de la politique monétaire de la Fed, on peut craindre un krach universel.
Mercredi 28 novembre 2018, Jerome Powell a laissé entendre que les hausses de taux pourraient ralentir après une normalisation commencée fin 2016.
« Nous savons qu’aller trop vite risquerait de fragiliser la croissance. […] Nous savons aussi qu’aller trop lentement – maintenir les taux trop bas trop longtemps – pourrait engendrer d’autres problèmes, comme une inflation plus élevée ou des déséquilibres financiers. Notre politique graduelle a été conçue pour équilibrer ces deux risques que nous prenons très sérieusement en compte. »
Jerome Powell, le 28 novembre 2018
Pour mémoire, le taux directeur fixe le coût de création de crédit supplémentaire par les banques commerciales. En effet, ces dernières prêtent de l’argent qui n’existe pas et payent pour cela un tribut à la Banque centrale qui est le taux directeur.
Par le passé, chaque tentative de normalisation de politique monétaire de la Fed a débouché sur un krach de la bulle que la période expansionniste précédente avait gonflée.
- Crise des caisses d’épargne américaines (savings and loans) et baisse de l’immobilier en 1989-1989
- Crise des pays émergents et du peso mexicain en 1995
- Bulle Internet en 2000
- Bulle du crédit immobilier subprime en 2007-2008
De bulle en bulle et de crise en crise, jamais le niveau précédent de taux directeur n’a pu être retrouvé. Chaque normalisation a avorté.
Evolution des Fed Funds Rate depuis 1971
C’est ainsi que les taux d’intérêt sont orientés à la baisse dans les pays développés depuis plus de 35 ans avec plusieurs conséquences :
- le crédit devient de plus en plus facile,
- le capital mort (celui qui ne rapporte rien) n’est jamais détruit mais grossit,
- les entreprises zombies, au lieu de faire faillite, survivent,
- la croissance s’amortit,
- les crises graves se multiplient.
Durant toute l’année 2008, le rendement des bons du Trésor américain se sont redressés mettant sous pression la « bulle universelle » gonflée à coup de taux zéros et de rachats d’actifs par les Banques centrales.
L’expression « bulle universelle » ou « everything bubble » qui commence à se vulgariser montre que les excès touchent presque toutes les classes d’actifs partout dans le monde : actions, obligations, immobilier. Crédit aux entreprises aux Etats-Unis, shadow banking en Chine, dettes publiques en Europe. Les valorisations des entreprises du secteur technologique ressemblent à celles de la glorieuse époque de 2000 ; dans les capitales l’immobilier est revenu à ses plus hauts niveaux.
Une déflation à taux zéro ?
Qui dit « bulle universelle » dit que le prochain krach devrait être lui aussi universel et toucher simultanément tous les actifs.
La crise de 2008 n’a pas surgi brutalement en 2008. De multiples signes avant-coureurs avaient déjà fait leur apparition et la Fed avait arrêté sa normalisation dès la fin de 2006.
Aujourd’hui, de multiples petits signes doivent nous alerter.
Aux États-Unis, les rendements sur la dette des entreprises mal notées s’envolent depuis septembre. En Italie, le dernier placement obligataire de l’État italien s’est très mal passé et les taux montent substantiellement sur la dette italienne. Sur les marchés des matières premières et des actions, le pétrole a fortement chuté récemment vers 50 $ le baril. Ceci met en danger les entreprises du pétrole de schiste – lourdement endettées et qui ont besoin de prix au-dessus de 60 $ le baril pour survivre. Les valeurs techs sont déjà entrées en marché baissier. L’effondrement du Bitcoin et des crypto-monnaies montre que l’humeur a changé.
Mais une déflation – une baisse de la valeur de tous les actifs – est-elle possible à l’ère des Banques centrales ? Ne peut-elle être contrée par une nouvelle manœuvre des banquiers centraux ? La Fed ne peut-elle encore, une nouvelle fois, répondre en baissant un peu ses taux ?
Les taux directeurs ne sont qu’une partie du tableau. Les taux d’intérêt à long terme sont la toile de fond importante à regarder : à quels taux empruntent les entreprises, les gouvernements, les ménages ? Peuvent-ils rembourser ?
Nous croulons sous les mauvaises dettes. Les deux plus importants fardeaux sont la dette des entreprises aux Etats-Unis et la dette souveraine en Europe.
Comparé au PIB américain, la dette des entreprises américaines est à un plus haut niveau et pèse plus de 45% du PIB.
Comme en 2000. Comme en 2008.
Quel que soit le taux d’intérêt d’une dette, une chose est certaine : si l’emprunteur ne peut pas rembourser, le titre de dette ne vaut plus rien. Même la dette des Etats, la dette souveraine.
Les garants de la dette, en dernier ressort, ce sont les contribuables. Or, s’il y a une chose que ne peut pas faire un banquier central, c’est créer des contribuables solvables.
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits