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Cryptomonnaies : La Corée Du Sud Prend Ses Dispositions

Cryptomonnaies
Source : Gettyimages

Mardi, les législateurs financiers de Corée du Sud ont donné le ton avec des réglementations strictes en matière de cryptomonnaies. Leur objectif est de pallier la surchauffe spéculative et les activités illégales en interdisant notamment aux étrangers et aux mineurs d’ouvrir de nouveaux comptes de cryptomonnaies.

 

Le vice-président de la Commission des services financier (FSC), Kim Yong-Beom, a annoncé des mesures visant à interdire les échanges intérieurs anonymes, ainsi que les échanges pour les ressortissants étrangers et les mineurs. Ces deux mesures prendront effet le 30 janvier.

Il s’agit des premières dispositions concrètes qui ont été prises depuis que le gouvernement a commencé à observer une surchauffe sur le marché en septembre. Selon Kang Young-Soo, directeur de l’équipe spécialiste des cryptomonnaies de la FSC interviewé par téléphone mardi après l’annonce, ce système a pour objectif de lutter contre le blanchiment d’argent et ses crimes, ainsi que les surchauffes dues à la spéculation du marché.

« Le gouvernement est préoccupé par la manipulation du marché et l’injection de fonds illégaux. De plus, les fonds du marché sont transférés sur des investissements spéculatifs, ajoute Kang Young-Soo. Nous constatons que les investissements des ressortissants étrangers et des mineurs ne font que contribuer à ses effets indésirables. »

 

Le département des médias étrangers a précisé que tous les étrangers, y compris les résidents, les non-résidents et les descendants de Coréens de nationalité étrangère ne pourront plus échanger de cryptomonnaies en Corée du Sud. Les mineurs sont concernés par cette interdiction car le Premier Ministre, Lee Nak-Yeon, pense que la frénésie qui entoure les cryptomonnaies pourrait inciter la jeunesse à la délinquance. 

Le mois dernier, le gouvernement avait tout d’abord suggéré d’interdire les échanges aux mineurs et aux étrangers non résidents. Mais la décision finale englobe tous les étrangers, peu importe leur statut. « S’ils n’ont pas la nationalité coréenne, ils peuvent investir dans leurs propres pays. Pourquoi voudraient-ils investir ici ? » explique Kang Young-Soo.

 

Le gouvernement subit une pression croissante pour s’expliquer sur ces mesures. La Corée du Sud dispose de l’un des plus grands marchés mondiaux en matière de Bitcoin, d’Ethereum et de Ripple bien que les incertitudes ont déstabilisé les prix mondiaux. L’échange de cryptomonnaies n’était pas du tout régulé dans le pays car il ne reconnaissait pas ces monnaies digitales comme produits financiers ou comme réelle monnaie. Mardi, le vice-président du FSC, M. Kim a redit que le gouvernement ne garantit pas la valeur des cryptomonnaies, en insistant sur le fait que les investisseurs agissent en connaissance de cause.

Ces derniers mois, les autorités financières et les procureurs ont élaboré des réglementations exhaustives contre le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale, la fraude et bien d’autres activités illégales. Ils ont même proposé d’interdire les ICO (Initial Coin Offering).

Le 11 janvier dernier, le Ministre de la justice, Park Sang-Ki, a mis le feu aux poudres en annonçant que tous les échanges de cryptomonnaies allaient être stoppés. Le gouvernement a ensuite précisé qu’il s’agissait d’une éventualité. Depuis, les citoyens critiquent violemment le gouvernement. Une pétition demandant une explication de la part de la présidence a même obtenu plus de 220 000 signatures.

Le gouvernement interdit aux étranger d’injecter de l’argent sur le marché des cryptomonnaies en Corée du Sud, explique Kim Jin-Hwa, coreprésentant de l’association de Blockchain coréenne, qui compte une trentaine d’entreprises membres, y compris quelques plateformes d’échange. Dans les conditions actuelles du marché, une offre plus grande engendrerait davantage de spéculation. »

« Les cibles de la dernière réglementation sont les investisseurs chinois qui ont inondé le marché des cryptomonnaies depuis que leur pays en a interdit l’échange l’an dernier, déclare BlockchainOS Choi Yong-Kwan, une startup basée sur la Blockchain. Les monnaies digitales chinoises entrent sur les marchés coréens, puis elles sont illégalement transformées en monnaies étrangères et sont renvoyées en Chine. »

Ces cas sont légion mais il est très difficile de les identifier ou de les suivre. Ces mesures peuvent être considérées comme une réponse à ses activités illégales, nous explique-t-il au téléphone, tout en insinuant que l’interdiction aura peu d’effet sur les investisseurs : «Il faut se focaliser sur les investisseurs chinois car ils représentent un problème majeur. »

 

Avec cette nouvelle réglementation, les investisseurs étrangers déjà présents pourront retirer leurs actifs, même après sa mise en application le 30 janvier, a expliqué la FSC. Mais ils ne pourront pas faire de nouveaux dépôts via leurs comptes.

Cependant, M. Kang a décelé une faille. Avec le nouveau système, les étrangers et les mineurs ne pourront pas investir car les comptes devront afficher leur identité. Mais ils pourront le faire en utilisant des comptes d’entreprises. « Il n’ a pas de limite de ce côté pour le moment. Nous n’avons pas pris de mesure pour interdire cette pratique car il n’y a pas de moyen de le faire à l’heure actuelle. »

 

La vérification de l’identité

 

Les investisseurs devront ouvrir un compte avec leur nom dans l’une des six banques coréennes. L’association coréenne de la Blockchain impose déjà un système de vérification de l’identité des utilisateurs créant de nouveaux comptes depuis le début de l’année, mais il sera remplacé par la réglementation du gouvernement lorsqu’elle entrera en vigueur. 

Le 30 janvier, six banques lanceront leur système de vérification d’identité pour les citoyens adultes afin de créer de nouveaux comptes de cryptomonnaies. Les comptes existants seront désactivé, selon Kim Yong-Beom.

Les informations des transactions des utilisateurs devront être partagées avec les banques pour les échanges de cryptomonnaies. Les régulateurs contrôleront si les banques stoppent bien les transactions anonymes dans le cas où les utilisateurs refusent de décliner leur identité, selon l’agence de presse Yonhap.

Les échanges de cryptomonnaies doivent se conformer aux nouvelles réglementations. Korbit, une plateforme d’échange, déclare qu’elle fermera les comptes virtuels ce mois-ci. Ses utilisateurs pourront créer des comptes authentifiés avec leur banque partenaire : Shinhan. La plus grande plateforme d’échange du pays, Upbit, en partie détenue par le géant d’internet Kakao, a signé un partenariat avec la Banque Industrielle de Corée. La plateforme Coinone qui se joint à la banque NH, a informé ses utilisateurs qu’elle allait bientôt expliquer comment les étrangers peuvent continuer à échanger sur leur plateforme.

 

Peu de contrôles

 

La réglementation a fait son apparition après que la FSC s’est aperçue que les sociétés de cryptomonnaies entretenaient des failles dans leurs systèmes. Mardi, les résultats d’une enquête ont également été annoncés, révélant que certaines entreprises gérant des cryptomonnaies se sont présentées comme étant des « galeries commerciales », mais les banques n’avaient pas les moyens de vérifier l’identité de leurs clients, selon la FSC.

De plus, les fonds de ces entreprises ont été déposés sur les comptes de leurs plus grands actionnaires ou de leurs employés. Il y a également eu des cas de dépôts par des entreprises.

La FSC explique qu’il s’agit de gestion illégale de fonds. Ces derniers sont suspects étant donné que les banques n’ont pas rapporté scrupuleusement toutes les transactions douteuses.

Mais, les législateurs financiers ont du mal à garder le cap. Une enquête révèle qu’au moins un responsable au courant des prochaines annonces du gouvernement, a utilisé des informations internes afin de tirer profits des ventes de cryptomonnaies. En réponse, le Premier Ministre a appelé à une meilleure conduite de la part des fonctionnaires, alors que Hong Nam-Ki, le Ministre de la coordination de la politique gouvernementale leur a demandé de ne pas échanger de cryptomonnaies pendant les heures de bureau.

 

Ce que cela veut dire

 

Le secteur local des cryptomonnaies s’attendait à des réglementations strictes depuis que le gouvernement avait proposé d’interdire les ICO en septembre dernier. Malgré l’incertitude, la plupart des projets coréens de blockchains ont effectué des ICO à l’étranger, notamment en Suisse et à Gibraltar.

Cela a également attiré l’attention du marché mondial sur les législateurs coréens, à cause des fluctuations du marché dues aux annonces de nouvelles propositions, vraies ou fausses. Lundi, les prix ont chuté à la suite de l’annonce de la mise en place d’une taxe de transfert, bien que le Ministère des Finances ait affirmé qu’il n’avait pris aucune décision concernant la taxation pour le moment.

Beaucoup applaudissent les mesures contre le blanchiment d’argent et pour l’authentification des utilisateurs. Mais les utilisateurs ont peur d’un éventuel excès de zèle de la part des législateurs. La Corée du Sud a connu des emballements dans d’autres secteurs. Par exemple, les impôts conséquents pour les multipropriétaires et l’interdiction pure et simple des jeux d’argent. Au même moment, les experts en blockchain affirment que le gouvernement ne connait pas bien les technologies qui se cachent derrière les cryptomonnaies. Bien que d’autres entités gouvernementales telles que le Ministère des technologies de l’information et de la communication rabâchent que la Blockchain est ce qui a permis la « quatrième révolution industrielle » du pays.

 

Le gouvernement doit trouver un équilibre entre encourager le potentiel de la Blockchain et des cryptomonnaies et lutter contre les comportements dangereux comme le piratage informatique ou la fraude. Les incertitudes et les réglementations strictes risquent de provoquer un raz de marée d’actifs et d’innovations.

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