Rechercher

Comment Lutter Efficacement Contre Les Retards De Paiement ?

retards de paiement

En octobre dernier, le centre de réflexion Terra Nova publiait un rapport pour renforcer la lutte contre les retards de paiement et en finir avec cette « culture ». L’association préconisait alors de généraliser les contrôles et les sanctions envers les mauvais payeurs afin de créer un fond d’aide aux PME financé par ces mêmes amendes. L’objectif est de générer un cercle supposé vertueux au profit des petites et moyennes entreprises qui représentent 95 % des sociétés en France et emploient 49 % des actifs. Par Raphaël Kakon.

Les retards de paiement constituent un frein au développement de l’économie française. Selon un rapport de l’Observatoire des délais de paiement de 2018, ces retards sont à l’origine des difficultés de trésorerie d’une PME sur quatre, les privant de 19 milliards d’euros de fonds. Plus largement, ce phénomène structurel cause 25 % des faillites des TPE-PME, et coûte à la France 0,2 % de PNB par an.

Bercy a pris la mesure du problème. Sur une ligne similaire à celle de Terra Nova, le Ministère de l’Économie lutte contre ce fléau à travers un arsenal juridique et des sanctions prisent contre les mauvais payeurs. Ainsi, 2 600 contrôles ont été conduits en 2017 pour 230 sanctions prononcées, dont certaines contre des groupes majeurs, comme EDF qui a écopé en 2019 d’une amende record d’1,8 million d’euros.

Les solutions envisagées, qu’ils s’agissent de celles du Gouvernement ou des pistes explorées par Terra Nova, ont le mérite de susciter un débat salutaire sur la question cruciale des retards de paiement. Il faut cependant aller plus loin en réfléchissant à des solutions opérationnelles permettant aux TPE-PME de se renforcer, consolidant de fait la croissance française.

 

La facturation est un risque opérationnel pour le fournisseur

Lorsqu’un partenariat commercial se noue entre un fournisseur et son client, c’est le fournisseur qui porte le risque de retard de paiement : il accorde des conditions de crédit à son partenaire en engageant une prestation pour laquelle il accepte d’être payé à postériori, c’est-à-dire une fois le travail réalisé.

La relation est par nature déséquilibrée au profit du donneur d’ordre et plus la différence de taille entre les deux acteurs est forte, plus ce déséquilibre s’accentue. C’est d’autant plus vrai que le premier objectif d’un fournisseur reste de préserver et de développer la relation, encore plus dans un environnement concurrentiel où chaque budget compte.

Ainsi, la facturation constitue un risque opérationnel pour les entreprises, au même titre que les événements naturels, la fraude ou la sécurité du travail. En raison de leur taille critique, les PME sont particulièrement vulnérables à ce risque opérationnel.

 

L’actuelle politique de contrôle et de sanction montre des limites

On l’a vu. Jusqu’à présent, pour dissuader les acheteurs de payer en dehors des délais, on a pénalisé les mauvais payeurs. En vérité, l’administration n’a pas assez de ressources pour contrôler les centaines de million de transactions commerciales effectuées chaque année sur le territoire français et le peu d’argent récolté ne couvre pas le montant astronomique des retards qui afflige les PME : 19 milliards en 2018.

A cause de ces limitations techniques, les autorités ont encouragé le « name & shame », une pratique anglo-saxonne qui consiste à dénoncer publiquement les entreprises dont le comportement est contraire à l’éthique. C’est d’ailleurs l’une des recommandations du rapport Terra Nova.

Or, même si elle a des avantages, cette démarche de contrôle-sanction montre de sérieuses limites. D’abord, elle est, je le crois, difficilement soluble dans la société française. Surtout, elle est contre-intuitive : on imagine mal un fournisseur dénoncer son propre client, au risque de le perdre en cassant leur relation de confiance. Enfin, ces mesures ne s’attaquent qu’aux mauvais payeurs et ne représentent pas une solution actionnable pour les PME victimes de la situation.

 

Comment réduire les risques de retards de paiements pour les PME ?

Si les retards de paiement forment un risque opérationnel pour les PME alors il faut les traiter comme tels, en appliquant les principes éprouvés de la gestion de risque : évaluer les dangers potentiels et mettre en place des processus pour en réduire l’impact.

Les sanctions imposées aux mauvais payeurs peuvent permettre de rassembler des fonds en vue de créer une plateforme d’information sur laquelle les entreprises seraient évaluées selon leurs bonnes ou mauvaises habitudes de paiement. Elle pourrait fournir aux prestataires des indicateurs de risque sur leur clients et prospects, leur permettant d’évaluer le risque potentiel d’une transaction et s’en prémunir avec l’aide de services adaptés.

On peut également mettre en place un système de classement semblable à celui qui mesure la solvabilité financière des nations. Quand aux meilleurs moyens de réduire les conséquences du risque lié aux retards de paiement, l’assurance à la facture constitue un levier efficace de résilience pour les entreprises qu’il faut pouvoir généraliser. Les PME sont aujourd’hui sous-équipées en outils financiers.

 

Par Raphaël Kakon, PDG et co-fondateur de Moment

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC