Rechercher

Comment La BCE Prépare (Sans Le Vouloir) Une Nouvelle Crise Bancaire

Impactées par les taux bas fixés par la Banque centrale européenne, les banques, pour restaurer leurs marges, envisagent d’investir sur des actifs plus rentables, mais aussi plus spéculatifs. Au risque d’une nouvelle crise financière.

La tension est à son comble ce 10 mars 2016. Au siège de la Banque centrale européenne, le Président de l’Institution Mario Draghi ajuste sa cravate bleue et se lance. « Nous avons décidé d’abaisser le aaux d’intérêt des opérations à 0,00% », annonce l’italien, devant les caméras du monde entier. Sans peut-être le savoir, l’ancien banquier vient de lâcher une bombe à retardement pour les banques.

Trois mois après, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les marges des banques européennes sont en nette baisse. La politique de taux bas de la BCE, censée relancer l’économie de la zone euro, impose des conditions de marché très difficiles aux banques. « La politique de taux négatifs pèse sur les marges nettes d’intérêt », relève un stratégiste chez Natixis. Cette situation laisse entrevoir une nouvelle crise bancaire.

Il est désormais loin le temps où les banques profitaient de l’argent presque gratuit de la BCE pour se remettre à flot. Les courbes de rendement des banques ont accentué leur plongeon depuis mars. « Les derniers résultats des banques (en mai, NDLR) soulignent l’impact négatif pour le secteur des taux zero/négatifs », explique un stratégiste de Natixis. « L’activité des banques est en plus contrainte par une réglementation plus exigeante. »

Les banques fragilisées

Le phénomène n’épargne aucun établissement. Les banques italiennes, espagnoles ou mêmes allemandes doivent faire face à l’aplatissement continue des taux. Cette situation est le résultat de la politique monétaire de la BCE, lancée au lendemain de la crise financière de 2008 et amplifiée depuis.

En l’espace de huit ans, la BCE, installée à Francfort en Allemagne, a abaissé progressivement son taux directeur de 4,25% à 0%. Avec pour conséquence de faire chuter les taux sur les emprunts et les actifs financiers (emprunts d’Etats et obligations d’entreprises notamment). « Le métier d’un banquier c’est de prêter de l’argent avec des intérêts. On fonctionne à l’envers lorsque le prêt ne rapporte plus rien », souligne un analyste parisien.

La baisse des taux a permis à la BCE d’éviter la déflation et de soutenir provisoirement l’économie, mais elle a fragilisé des banques en leur supprimant une importante source de revenus. Les plus vulnérables financièrement sont les premières victimes.

En Italie, plusieurs banques, écrasées par leurs dettes pourries (junk bonds), cherchent à fusionner pour augmenter leur puissance financière et rétablir leur marge. En Allemagne, certains établissements, à l’image de Commerzbank, veulent désormais garder leurs fonds pour échapper aux taux négatif de la BCE.

Depuis le début de l’année, l’indice européen des banques a reculé de près de 5%, après avoir déjà perdu 15% sur les deux premiers mois de l’année.

Une plus grande prise de risques

Pour retrouver des marges, les banques doivent repenser leur modèle économique. « Toutes les banques ne peuvent pas compenser la baisse de la marge nette par une hausse des volumes de crédits », souligne de son côté un stratégiste chez Barclays.

Elles sont donc prêtes à se tourner vers des actifs plus rentables, mais également plus risqués. « Les obligations et certaines actions étant moins attractives, les banques reviennent sur les actifs spéculatifs », souligne un stratégiste actions. « Ne vous étonnez pas si les banques se remettent à utiliser des produits financiers complexes. Il faut bien qu’elles trouvent du rendement », relève-t-il.

Sans compter que seules les banques les plus importantes sont en mesure de résister à une baisse prolonger des taux. « A la fin ce sont les plus gros établissements qui seront les seuls à résister », abonde un analyste parisien. « Il va falloir que les taux remontent », insiste-t-il.

Le risque à terme est que le secteur européen des banques soit quasi exclusivement composé de gros établissements investis sur des actifs risqués. Le meilleur moyen de faire exploser la bombe lâchée par “Super Mario”.

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC