Responsable Groupe de la Recherche Macroéconomique chez Saxo Bank, Christopher Dembik revient, pour Forbes France, sur les dernières semaines agitées des marchés ayant, selon lui, largement exagéré le risque politique. L’occasion également d’évoquer les diverses actualités boursières, comme la montée en puissance de LVMH désormais première capitalisation du CAC 40 ou encore la réforme fiscale de Donald Trump.
Les marchés, particulièrement soulagés par l’accession au second tour d’Emmanuel Macron, alors que le spectre d’un face-à-face Le Pen / Mélenchon n’était pas à exclure, se sont quelque peu enhardis au point de voir le CAC 40 signer sa meilleure performance hebdomadaire en 2017 la semaine suivant le premier tour. Avant de brusquement rentrer dans le rang. Comment l’expliquez-vous ?
Objectivement, les marchés ont beaucoup exagéré le risque politique. Pas simplement pour la dernière élection présidentielle française, mais également pour le risque populiste en Europe. Rétrospectivement, nous avions « en ligne de mire » plusieurs événements politiques à risques, depuis grosso modo les élections autrichiennes en fin d’année dernière, avec, pêle-mêle, le référendum en Italie ou encore les législatives aux Pays-Bas. Et, systématiquement, le risque politique a été surévalué parce que les investisseurs avaient encore en mémoire le traumatisme du Brexit et de l’élection de Donald Trump. Le risque politique, s’il a été le principal moteur des investisseurs depuis maintenant six mois, voire même davantage, n’est, aujourd’hui, plus un marqueur aussi important pour les investisseurs. Ce qui est, à mon sens, une excellente chose.
Le risque politique est-il pour autant véritablement écarté ? On a vu ce mardi l’action EDF surréagir à la nomination d’Edouard Philippe à Matignon… et ancien lobbyiste chez Areva.
Nous sommes sur des marchés qui restent, dans tous les cas, extrêmement fébriles. Néanmoins, les opérateurs ont des attentes extrêmement importantes notamment vis-à-vis du nouveau gouvernement français. La configuration politique actuelle est inédite par rapport à ce que l’on a pu connaître lors des précédents scrutins de 2012 et 2007 où « les forces en présence » étaient clairement définies. Cette « surréaction » est liée au profil de l’exécutif mais elle va rapidement retomber comme un soufflet. L’exemple d’EDF que vous évoquez est révélateur de cela, sous le simple prétexte que nous avons un nouveau premier ministre qui serait « nucléaire-compatible » au regard de son passé de directeur des Affaires publiques d’Areva entre 2007 et 2010. De plus, nous savons tous très bien que les grandes lignes de la politique de transition énergétique ne seront pas respectées dans le délai imparti. Divers éléments qui galvanisent les opérateurs.
Toujours en politique, pensez-vous que Donald Trump, après avoir essuyé plusieurs camouflets, ait les coudées franches pour mener à bien sa fameuse réforme fiscale ?
Il existe la possibilité qu’il réussisse une réforme fiscale a minima avec beaucoup de compromis, notamment avec les Républicains, mais je dirais que cette réforme ne va pas fondamentalement changer la donne, surtout avec la procédure d’impeachment qui plane au-dessus de lui. Plusieurs sénateurs et élus démocrates planchent sur le sujet même si, au regard des forces en présence au Congrès, il n’existe pas de possibilité que cette procédure aboutisse ; mais les démocrates ont davantage pour objectif d’immobiliser l’action Donald Trump plutôt que de le destituer. Mais, une fois de plus, la réforme fiscale ne va rien bouleverser. A la différence de la France de 2012 où la thématique de « grand soir fiscal » était particulièrement présente dans la campagne. Mais là, aux Etats-Unis, nous aboutirons à un compromis qui sera décevant pour tout le monde.
Dans tout autre registre, comment interprétez-vous le fait que LVMH soit devenu la semaine dernière la plus importante capitalisation du CAC 40 ?
L’économie française est extrêmement dépendante du secteur des services mais lorsque l’on regarde de plus près, le secteur du luxe fait partie des domaines d’excellence. Il s’agit d’un secteur qui performe très bien, malgré les inquiétudes que nous avons connues il y a deux-trois ans où certains plaidaient pour rendre le luxe plus « accessible » notamment aux populations des pays émergents. Cela reste, plus que jamais, l’un des points forts de l’économie française, notamment du fait d’une grande « concentration », le marché hexagonal des grandes marques de luxe étant « cannibalisé » par deux grandes familles (Arnault pour LVMH, Pinault pour Kering). Ce qui en fait un secteur extrêmement compétitif et un marqueur d’excellence pour l’exportation française. Tout cela pour vous dire que la montée en puissance de LVMH reflète davantage l’économie française en tant que telle que lorsque nous avions, par exemple, Total qui dominait le CAC 40.
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