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Ces Start-Up Qui Font Le Choix De Ne Pas Lever De Fonds

Les start-up mises en avant dans les médias le sont souvent à l’occasion de leur levée de fonds. Certains d’ailleurs dénoncent cet état de fait, cette tendance médiatique ayant élevé la stratégie de levée de fonds au rang de critère de succès, au détriment des autres jeunes pousses qui lèvent moins d’argent, voire pas du tout. Ces dernières n’ont soit pas réussi à convaincre les investisseurs ciblés, soit ont tout bonnement choisi de ne pas recourir à une levée de fonds. Illustration avec la fintech Bunq.

Chacun défend ses arguments avec conviction. Pour une start-up, lever des fonds permet de se développer plus vite, pour peu que le modèle d’affaires soit bon. Dans certains secteurs, il est difficile de faire sans, notamment si le marché ciblé est constitué de particuliers, ou bien quand la vitesse de pénétration de marché est un facteur de réussite déterminant.

Ceux qui déplorent l’importance donnée à ces levées de fonds estiment bien souvent que ce n’est pas parce qu’une start-up lève des fonds qu’elle va réussir. Entendons par là, établir un modèle qui génère du chiffre d’affaires, des emplois, une rentabilité, de façon pérenne. Lever des fonds n’est en effet pas une garantie inconditionnelle de succès. Il serait donc « plus louable » de se développer naturellement et en toute indépendance, en réinvestissant ses bénéfices ou en recourant à des aides et emprunts classiques. Parfois, les promoteurs de l’autofinancement peuvent être de mauvaise foi (voire un peu jaloux), mais c’est toutefois loin d’être le cas de tous. Certaines start-up font sciemment le choix de l’autofinancement, soit parce qu’elles n’ont pas particulièrement besoin de solliciter d’investisseurs pour se développer, soit parce qu’elles ne nourrissent pas d’ambitions de développement rapide ou sur un grand marché, soit par souci de gouvernance car les fondateurs souhaitent conserver une certaine indépendance. D’autres raisons à ce choix peuvent certainement venir enrichir la liste.

Focus : le choix de la néobanque Bunq

Il est intéressant ici d’approfondir le cas atypique de la start-up Bunq qui, en dépit de nombreuses propositions, limite volontairement son ouverture capitalistique sur fond d’indépendance et d’éthique. Dans le secteur bancaire, ce choix peut être vu comme contre-intuitif, rebelle, voire suicidaire… J’ai pu interviewer Ali Niknam, le fondateur de Bunq, pour mieux comprendre sa position.

En 2012, Ali Niknam a fondé sa start-up Bunq aux Pays-Bas, une banque digitale européenne. Fort du succès de ses précédentes entreprises, il a personnellement investi 39,9 millions d’euros (!) dans la construction d’une banque « qui ne vend pas ses clients ». A l‘heure où de nombreuses néo banques et Fintech cherchent à occuper le marché rapidement et lèvent des fonds pour soutenir leurs ambitions de conquête, Bunq dénote en faisant le choix de l’autofinancement et de l’indépendance.

Suite à la crise de 2008, et dérouté par le manque de responsabilisation des acteurs de l’industrie financière, Ali a estimé qu’il était de son devoir de créer et d’investir dans une banque qui valorise la transparence et l’innovation et à laquelle les gens veulent réellement participer. Il rêve d’« une banque que les gens aiment » et qui permet de fédérer une communauté de clients fidèles. Selon lui, la crise financière s’expliquait entre autres par l’existence de banques traditionnelles non diversifiées, fonctionnant à l’identique, sans remise en question et ne mettant pas leurs clients au centre de leurs activités, mais les profits et l’enrichissement des actionnaires.

Ali soutient que la seule façon de perturber le statu quo est de « recourir au pouvoir de la technologie ». C’est pourquoi il a fondé Bunq, la seule banque européenne entièrement autofinancée. A ce stade de développement, ne pas être financé par des sociétés de capital-risque, qui exigent une croissance agressive ou un retour sur investissement instantané, lui permet de se concentrer avant tout sur la création de valeur pour les clients, ce qu’il pense être le plus important. Convaincu que les banques doivent être transparentes et ouvertes, Bunq a totalement ouvert son API en 2017, bien avant l’introduction du PSD2, une directive européenne qui a obligé les banques du marché à davantage ouvrir leurs données via des API fin 2018, permettant ainsi l’essor de nombreuses applications Fintech.

Ali souhaite que Bunq propose un service simple qui réponde aux besoins de ses clients, qui les respecte et respecte leur argent. Il s’étonne de tant d’immobilisme dans le secteur bancaire. Aucun obstacle technique selon lui n’explique la difficulté à changer de banque. Cela devrait être aussi simple que la portabilité du numéro de téléphone entre opérateurs de télécommunications. Il déplore aussi le peu d’harmonisation des lois en Europe dès qu’il est question des banques.

Aujourd’hui la banque est présente aux Pays-Bas, Allemagne, Autriche, Italie, Espagne, Belgique et en France et compte 90 employés de plus de 20 nationalités différentes. Interrogé sur ce que les clients apprécient particulièrement dans les services de Bunq, Ali répond que les raisons sont variées et dépendant fortement de la culture bancaire de chaque pays. Par exemple, en Allemagne les clients apprécient particulièrement le respect des données personnelles, le fait de pouvoir tout contrôler et de gérer des cartes ou comptes multiples. En France, c’est davantage la facilité d’usage du service, son ergonomie, qui prévaut, sans doute dû au poids historique de la bureaucratie dans ce secteur.

Le prochain challenge de Bunq est de comprendre encore mieux les usages des Français et des Allemands pour fournir le meilleur service bancaire qui soit. Ali rêve aussi d’une harmonisation des lois sur ce secteur en Europe.

La position d’Ali Niknam dénote dans le milieu de la finance. Fréquemment sollicité, Ali refuse systématiquement les demandes d’investisseurs qui souhaitent entrer au capital. Pour lui, la priorité est d’aboutir à un produit et un service qui soient appréciés des clients et répondent à leurs besoins. Pour ce faire, il estime avoir besoin d’une pleine liberté d’action. Bunq n’a donc pas une ambition de croissance effrénée pour le moment et souhaite préserver sa liberté de développement en renonçant à l’entrée d’investisseurs à ce stade.

La stratégie évoluera peut être une fois la qualité de service souhaitée atteinte.

Nous constatons donc qu’outre la recherche du maintien de l’indépendance et le respect d’une vision qui aspire à plus d’éthique et de transparence du marché bancaire, Ali Niknam est aussi très axé sur la satisfaction et l’expérience client. L’avenir nous dira si cette position, aussi originale que radicale, de Bunq séduira une part croissante des clients des banques concurrentes, ou si à l’inverse, elle n’aura pas été un frein à son développement.

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