Dans un entretien à Reuters, l’ancien gouverneur de la banque de France, Christian Noyer, missionné par le précédent gouvernement pour se faire « le porte-voix de l’attractivité financière de la place de Paris », après la déflagration engendrée par le Brexit et l’exode de nombreux établissements bancaires, a fait état de certaines avancées en la matière.
Un bilan d’étape encourageant… peut-être encore davantage depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. « Il est évident qu’il est aujourd’hui plus facile de vendre la France grâce à Macron. Le contexte a changé », souligne Christian Noyer. Désigné par l’ancien gouvernement pour faire de la France une « terre d’accueil » pour les banques britanniques en déshérence après la déflagration engendrée par le départ du Royaume-Uni du giron européen, l’ex-gouverneur de la banque de France estime que « l’image » incarnée par Emmanuel Macron est rassurante pour ces potentiels nouveaux arrivants. En effet, au regard de ses pérégrinations professionnelles – associé-gérant chez Rothschild – et autres prérogatives ministérielles à Bercy où il a pu notamment tisser des liens avec de nombreux « décideurs » et d’autres personnalités influentes, l’image de la France, qui a longtemps pâtit, entre autres, d’une fiscalité peu incitative et de charges sociales élevées, se redore peu à peu. Paris a, dans l’intervalle, proposé un régime fiscal plus favorable pour les expatriés en créant une procédure accélérée pour obtenir une licence d’exploitation en France.
« Ce que les investisseurs redoutent, c’est notre instabilité et notre créativité fiscales. Il faut leur donner de la visibilité. Il faut aussi donner des gages en matière de simplification, et de baisse du coût du travail », soulignait, déjà, Christian Noyer dans les colonnes du Figaro, à la fin du mois de mai. Mais les mesures incitatives prônées par Emmanuel Macron dans son programme présidentiel, en faveur de la fiscalité des entreprises pourrait rendre Paris encore plus attirante aux yeux des investisseurs, davantage que Francfort ou encore Dublin… destinations que d’autres banques ont déjà choisies. « Les négociations avec les grands établissements sont toujours en cours, et les proclamations de victoire de certaines autres capitales me paraissent très prématurées », tempérait l’ancien gouverneur dans cet entretien au Figaro. Dans le détail, le nouveau président de la République s’est engagé pendant la campagne présidentielle à alléger les charges des entreprises, simplifier le droit du travail et réformer le système de retraite.
HSBC seule… pour l’instant
Pourtant, force est de constater que, pour l’instant, le grand vainqueur de cette « campagne d’accueil » n’est autre que Francfort, siège de la BCE. Ainsi, parmi les douze banques d’investissements les plus actives à Londres, sept d’entre elles (dont UBS et des grands établissements nippons ou américains) ont déjà décidé de prendre leur quartier dans la ville allemande. Comme évoqué plus haut, Francfort a une image « plus financière » que Paris, notamment au regard d’institutions qui y sont installées comme la banque centrale européenne. Pour l’instant, seul la banque britannique HSBC a fait état de sa volonté de « redéployer » une grande partie de son personnel –soit 1 000 personnes – de Londres vers Paris. Même si pour le moment, au regard de la lenteur des négociations sur le Brexit, personne ne semble très pressé de partir.
Mais Christian Noyer ne s’avoue pas vaincu pour autant. « Maintenant, avec ce programme de réforme, si tout se déroule comme prévu, d’ici trois ou quatre mois nous devrions avoir une meilleure flexibilité du travail qu’en Allemagne et ailleurs », a estimé Christian Noyer qui ajoute également que certains établissements ont déjà pris leur décision… mais refusent d’en faire l’écho. « Dans certains cas, des banques n’ont même pas besoin d’une licence. Certaines ont déjà obtenu des licences et ont décidé de ne pas l’annoncer », a-t-il observé. « Elles ont décidé de ne rien dire et je respecte leur décision. C’est un peu frustrant mais c’est comme ça », souligne l’ancien dirigeant de la banque de France à Reuters. Pour rappel, Christian Noyer a rencontré plus d’une centaine de responsables bancaires – issus de tous horizons – depuis qu’il a été désigné comme « VRP de luxe » de l’attractivité financière française pour les convaincre de venir s’installer à Paris.
L’autorité bancaire européenne très courtisée
Dans le même veine, l’Autorité bancaire européenne (EBA) va également quitter Londres, à cause du « Brexit », et ne manque pas de courtisans. Créée en 2011 en réponse à la crise financière de 2008, elle avait symboliquement pris ses quartiers à la City. Avec pour feuille de route l’établissement de règles communes à tous les pays de l’union afin de maintenir une stabilité économique homogène tout en permettant de conserver des conditions de compétition équitables. Une fois de plus, Francfort pourrait rafler la mise. « L’Allemagne se sent ‘très prédestinée’ pour accueillir cette autorité, de la même manière que le régulateur allemand du secteur financier, le Bafin, a ses locaux à Francfort » a déclaré Angela Merkel, le 31 mai dernier, lors d’un congrès des banques coopératives à Berlin.
D’autres prétendants se sont jetés dans la mêlée avec des arguments plus ou moins convaincants. Ainsi, le Luxembourg a fait valoir sa priorité d’accueil au titre d’un accord européen signé en 1965 et stipulant auprès des états membres l’installation des institutions et organismes communautaires européens au Luxembourg. Cet accord est considéré comme caduc puisqu’il n’a été signé que par les membres de l’époque, soit 7 pays, sur 28 aujourd’hui. Paris avance également discrètement ses pions dans ce dossier. La ville a exprimé son désir de fusionner l’EBA avec l’Autorité européenne des marchés (Esma) déjà hébergée dans la capitale, estimant plus nécessaire de rapprocher les autorités soutenant les marchés et les banques que les assurances (trop minoritaires au sein de l’union), comme le préconise l’Allemagne. La bataille ne fait que commencer.
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