Une réforme abaisse le seuil de détention permettant de mettre en œuvre un retrait obligatoire d’une société cotée en Bourse. Cela va rendre l’acquisition de sociétés cotées, via des offres publiques amicales ou hostiles, plus attractives tant pour des opérations de croissance externe que pour des fonds de Private Equity.
Rappelons que le retrait obligatoire de la bourse qui permet à la fois de sortir de la cote une société et de détenir 100% de son capital peut être mis en œuvre par le ou les actionnaires majoritaires d’une société à la suite soit d’une offre publique de retrait, soit de toute offre publique connaissant une suite positive, moyennant une indemnisation des minoritaires. S’agissant dans les faits d’une expropriation des actionnaires minoritaires au profit du ou des actionnaires majoritaires, cette procédure est strictement encadrée et contrôlée par l’Autorité des marchés financiers (« AMF »), notamment par l’obligation de recourir à une expertise indépendante.
Le retrait obligatoire qui, selon la Cour d’appel de Paris, satisfait à l’intérêt général du bon fonctionnement du marché boursier, a été introduit en 1993 sur le marché réglementé d’Euronext puis étendu en 2011 au marché d’Alternext (devenu Euronext Growth). Il n’a néanmoins jamais été mis en place sur Euronext Access.
Jusqu’à la loi Pacte, le seuil de détention par le ou les actionnaires minoritaires, permettant la mise en œuvre du retrait obligatoire, était fixé à 5 % du capital et des droits de vote de la société.
Ce seuil difficile à atteindre, notamment du fait de certains minoritaires (activiste ou non) souhaitant faire obstacle au retrait de cote, avait amené Euronext à créer un cas de radiation volontaire de la cote, dès l’atteinte du seuil de 90% des droits de vote, à condition de satisfaire une condition d’illiquidité. Néanmoins, les actionnaires minoritaires restaient actionnaires de la société, devenue non cotée, sans aucune liquidité pour leurs actions.
La loi Pacte du 22 mai dernier, et l’arrêté du 19 juin 2019 modifiant le règlement général de l’AMF, ont abaissé le seuil de mise en œuvre du retrait obligatoire de 95 % à 90% du capital et des droits de vote, détenus par le ou les actionnaires majoritaires, augmentant considérablement les chances de succès de sortie de la cote de l’émetteur.
Au surplus, en pratique, la mise en œuvre du retrait obligatoire de la bourse dès 90% permet dorénavant de s’assurer de pouvoir bénéficier automatiquement du mécanisme d’intégration fiscale. Ce point est souvent clé pour les acquéreurs, notamment les fonds d’investissements.
En contrepartie, la protection des minoritaires devrait prochainement être renforcée. L’AMF a rendu public, en septembre dernier, ses propositions de modifications de la réglementation résultant du rapport de son groupe de travail sur « les conditions de mise en œuvre du retrait obligatoire et l’expertise indépendante dans le cadre des offres publiques ». Les 18 recommandations visent notamment à renforcer le rôle des organes sociaux de la société et l’information fournie sur leurs travaux, à améliorer les échanges contradictoires avec les actionnaires minoritaires et la prise en compte de leurs observations, ainsi qu’à garantir l’indépendance et la transparence de l’expertise indépendante.
En pratique, depuis la réforme, deux actionnaires détenant de concert plus de 90% (mais moins de 95%) du capital et des droits de vote de la société SIPH ont lancé une procédure de retrait obligatoire de la bourse.
On peut également s’attendre à ce que les actionnaires minoritaires, bloqués avec des titres illiquides, demandent à l’AMF d’imposer à (aux) actionnaire(s) majoritaire(s), détenant 90 % du capital ou des droits de vote, le dépôt une offre publique de retrait, dont le seuil a corrélativement été abaissé.
Cette réforme qui répond à un besoin de la place de Paris rendra sans nul doute l’acquisition de sociétés cotées en bourse, via des offres publiques amicales ou hostiles, plus attractives tant pour des opérations de croissance externe que pour des fonds de Private Equity.
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