Le prochain locataire de l’Elysée va bénéficier d’une configuration conjoncturelle très favorable. Cela lui donnera des marges de manœuvre dans la gestion du quotidien ainsi que dans la préparation des réformes qu’il souhaite mettre en œuvre. Il est toujours plus facile de changer les règles de l’économie lorsque les contraintes sont plus réduites.
Le premier point d’optimisme est que la zone Euro va beaucoup mieux. La croissance va s’accélérer en 2017 par rapport au chiffre de 1.7% observé en 2016. L’Espagne, l’Allemagne et même l’Italie ont des trajectoires haussières convaincantes. La France suit la même dynamique. C’est pour cela que les échanges vont s’intensifier au sein de la zone Euro et accentuer l’expansion.
En effet, un produit européen est fabriqué pour partie en France et pour partie dans d’autres pays de la zone. Une amélioration de l’activité dans un pays a un impact positif sur les pays de cette chaîne de valeur. Ce phénomène engendre une dynamique globale plus dense qui se traduit par une accélération des échanges et de la croissance. C’est un des avantages de la mise en place de la zone Euro. Les entreprises n’ont aucun problème monétaire pour passer d’un pays à l’autre. On constate immédiatement l’impact qu’une rupture monétaire de la France avec ses principaux partenaires commerciaux aurait sur l’activité. Le retour au franc serait catastrophique créant une forte incertitude. La chaîne de valeur serait rompue et tous les pays participants seraient perdants.
Une raison majeure de cette amélioration conjoncturelle est la stabilité et la meilleure lisibilité des politiques économiques. En zone Euro et en France la politique budgétaire est neutre et parfois un peu expansionniste. Cette politique ne crée plus l’incertitude comme c’était le cas durant la mise en œuvre des politiques d’austérité entre 2011 et 2013. Les mouvements de la politique budgétaire ne conditionnent plus les comportements. La politique monétaire de Mario Draghi est claire. Il ne souhaite pas modifier sa stratégie monétaire de taux d’intérêt très bas car la croissance doit encore s’améliorer alors que l’inflation est toujours réduite.
Ce policy mix se traduit par une moindre incertitude et un horizon qui s’éloigne pour chacun des acteurs de l’économie. Cet horizon plus large incite à prendre davantage de risques. C’est pour cela que l’investissement retrouve une allure robuste. Dans le cas de la France, les commandes de biens d’équipement s’accélèrent à la hausse, c’est un signal d’une accélération à venir de l’investissement des entreprises françaises. L’enquête sur l’investissement dans l’industrie va dans le même sens.
L’emploi aussi accélère. On l’observe notamment dans le secteur marchand. Les perspectives plus robustes, l’incertitude réduite et l’horizon plus dégagé incitent à embaucher. C’est un signal fort des chefs d’entreprises. La hausse des revenus qui en résulte permet de renforcer la dynamique cyclique.
Avec des créations d’emplois plus fortes et un investissement qui s’accélère, le cycle devient vertueux et plus autonome. Il va même bénéficier d’un environnement international plus favorable puisque le commerce international accélère. Les échanges de la zone Euro avec le reste du monde vont s’intensifier, renforçant la dynamique de l’activité.
Comme Mario Draghi n’a aucune intention de modifier sa politique monétaire afin de ne pas créer de choc négatif sur l’activité, le cycle peut prendre de l’ampleur. On retrouve un peu les allures de croissance de la fin des années 80 et de la fin des années 90: l’activité mondiale se renforce et le cycle de la zone Euro est plus vertueux et autonome. A l’époque cela c’était traduit par une forte accélération des rythmes de croissance. On ne peut s’attendre à ce que la croissance en 2017 et 2018 atteigne le rythme d’alors mais on aura une croissance plus rapide que la tendance observée depuis 2013. Cette tendance est de 1.6% pour la zone Euro et de 1% pour la France. On sera bien au-dessus de ces chiffres.
Pour le nouveau locataire de l’Elysée, la situation économique est donc bien meilleure qu’en 2012. C’est aussi pour cela que l’on en attend davantage. A l’époque, en 2012, la croissance était proche de 0% sans donner de signaux d’une reprise rapide. Les pays partenaires de l’économie française au sein de la zone Euro étaient dans une situation difficile aussi; l’Italie et l’Espagne étaient en récession et l’Allemagne avait une croissance réduite. Les marges de manoeuvre pour François Hollande étaient réduites. Aujourd’hui la situation sera nettement moins contraignante.
Le nouveau locataire va être soutenu par l’enthousiasme populaire qui existe généralement après une élection présidentielle. Cet élan se traduit généralement par un parlement dont la composition est en faveur du nouvel élu. Les français sont légitimistes et donneront à l’élu un poids confortable à l’Assemblée Nationale. C’est ce que suggèrent les premiers sondages sur le vote du mois de juin.
Dans le même temps, le changement de politique économique pourrait être une source d’incertitude pour les ménages et les entreprises. Le cycle qui se développe actuellement repose en partie sur la réduction de l’incertitude. Il faudra éviter un choc afin de limiter le risque de rupture. Sur les raisons de l’incertitude, je pense ici aux mesures qui pourraient être prises par ordonnances sur le marché du travail en cas de victoire d’Emmanuel Macron. C’est un sujet très sensible comme cela a pu être constaté lors de l’adoption de la loi El Khomry.
Il faudra un effort d’explication très important, un peu à l’image de ce que fait la Federal Reserve aux Etats-Unis. Afin de ne pas créer de rupture la banque centrale américaine annonce, avec tambours et trompettes, le calendrier de ses relèvements de taux d’intérêt afin que les investisseurs puissent modifier leurs anticipations sans rupture. Cela fonctionne plutôt bien. La remontée des taux de la Fed n’a pas provoqué de remontée intempestive des taux d’intérêt de long terme ni de sortie de capitaux brutale des pays émergents. Le nouveau locataire de l’Elysée devra mettre en oeuvre une stratégie similaire pour éviter le risque de rupture qui serait préjudiciable pour tous. Il faut expliquer encore et encore pour emporter l’adhésion.
L’arbitrage, dans un pays très hétérogène et insatisfait, va être entre le soutien qui sera donné au nouveau président par le vote à l’Assemblée Nationale et le risque d’incertitude provoqué par la nouvelle politique économique. Au regard de la société française divisée, il n’y aura pas de round d’observation et les mécontents du premier tour ne laisseront rien passer. La stratégie pédagogique du nouveau locataire de l’Elysée sera donc essentielle pour que l’économie française voit sa croissance s’accélérer dans la durée. C’est cette impulsion qui est attendue.
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