Le président Macron a opté pour un report de la plupart de ses mesures fiscales (hors hausse de la CSG) et donné pour directives au gouvernement Philippe de parvenir, dès 2017, à 3% de déficit. A court terme, on ressort le bon vieux rabot. Et si on parlait d’évaluation des politiques publiques ?
La France présente une addiction à la dépense publique. Le premier ministre l’a rappelé haut et fort dans sa déclaration de politique générale du 4 juillet. Mais, de surcroît, il n’est pas déplacé d’affirmer que nombre de politiques publiques sont moyennement efficaces. Quand on pense aux dotations allouées à l’enseignement et quand on constate les résultats (classement Pisa, 110.000 » décrochés » par an), il y a bien une question civique à se poser : celle de l’efficacité des dispositifs.
Détection, élaboration, réponse, action
Quatre phases articulent une politique publique : il y a d’abord la détection du besoin concerné par les décideurs publics. Puis, il y a l’élaboration, la construction de la politique publique et sa future insertion dans notre dispositif juridique (circulaire, décret, loi). Vient alors le temps de la réponse au problème posé et détecté : autrement dit, la politique publique est-elle pertinente ? Puis vient le temps de l’action, du déploiement des mesures qui précède l’analyse de ce qui a été fait.
Premier constat
En France, la détection des besoins est faussée par la présence de signaux faibles (exemple : plus de 30% des personnes éligibles au RSA n’en font pas la demande), par l’omniprésence de groupes d’intérêts (exemples bien connus de l’agroalimentaire ou de la pharmacie), par la réceptivité exacerbée des élus qui disent vite oui à des demandes ponctuelles et gomment souvent la nécessaire hiérarchisation des besoins. (voir l’inflation des recrutements dans les collectivités territoriales pour cause de clientélismes).
Tant que nous ne serons pas plus habiles en matière de détection des besoins, la sélectivité sera imparfaite et les feuilles d’impôts lestées.
Souvenons-nous de la réforme des rythmes scolaires de Vincent Peillon budgétée à hauteur de 250 millions d’euros et qui a coûté, en réalité, 1,3 milliards !
Le temps de l’impact ou celui de l’audit mixte de performances ?
France Stratégie a émis une note sur l’évaluation des politiques publiques qui demeure académique et assez loin des exigences des normes des audits mixte de performances que les » Big Four » savent instruire et faire aboutir. Le guide pratique proposé par l’ancien commissariat au Plan ne serait que de peu d’utilité si on l’appliquait à la lutte contre la vétusté des écoles des quartiers nord de Marseille stigmatisée à raison par la sénatrice Samia Ghali ou au dérives financières du chantier des EPR d’Hinkley Point en Grande-Bretagne.
Pourquoi ? Parce qu’un raccourci analytique a biaisé le raisonnement et que ce document se focalise sur l’étude « d’impact » des politiques publiques en gommant le célèbre triptyque qui guide l’auditeur. Il faut en effet d’abord recenser l’efficacité qui se définit par un ratio : le rapport entre les gains réalisés et les gains escomptés doit être supérieur ou égal à 1.
Puis, il faut déterminer un deuxième ratio : celui de l’efficience qui se définit comme le rapport entre les outputs et les inputs (à maximiser) ou symétriquement par le fait de minimiser le rapport inputs / outputs.
Enfin, dernier aspect de ce triptyque salutaire pour qui cherche à atteindre la rigueur normative de l’auditeur, il y a bien entendu le fait de minimiser les inputs c’est-à-dire appliquer – de bon sens – le principe d’économie.
Cet ensemble de travaux permettent de répondre à des questions-clefs : avons-nous investi au juste prix ? Le rendement est-il au rendez-vous ? Le rapport qualité-prix est-il correct ?
La variable brûlante du temps
Dans la sphère publique, il y a un fossé entre les études d’impact préalables à une action d’aménagement du territoire (construction d’une ligne TGV) et les autres milliers de décisions prises sous l’emprise de l’urgence. Un exemple ? Celui de la structure de l’actionnariat des Chantiers de Saint-Nazaire vantée par Michel Sapin et François Hollande et dont le président Macron vient d’exiger la remise….en chantier.
L’Etat est un gestionnaire avisé sur le temps long, il alloue ses ressources de manière brouillonne dans le temps court. L’urgence n’est pas bonne conseillère, très clairement et l’étiologie de la dépense publique en atteste. Et nul ne tente d’intégrer le temps à un raisonnement qui devrait de surcroît systématiquement inclure le BSP : bénéfice social probable issu de la théorie des externalités.
L’évaluation des lois
« Parce que l’efficacité des politiques publiques est un enjeu majeur, la loi, lorsqu’elle instaure un nouveau dispositif, pourrait non seulement prévoir son évaluation, mais aussi les moyens nécessaires à cette évaluation… dans les règles de l’art. » (France Stratégie).
Je suis surpris de cette formulation qui gomme l’existence de clauses de revoyure dans certaines lois, qui omet une référence instructive au premier paragraphe de l’article 24 de la Constitution (précisément modifié en 2008) : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques » et qui occulte carrément le rôle opportun que détenait l’Office parlementaire d’évaluation des politiques publiques, créé par l’article 3 de la loi du 14 juin 1996, et hélas supprimé par l’article 94 de la loi de finances pour 2001.
Le thème de l’évaluation des politiques publiques est un enjeu à plus de 30 milliards d’euros soit le coût estimé – a minima – des décisions inopportunes. Comme le dit fort justement le Conseil d’analyse économique, il faut savoir détecter la frontière entre les corrélations et les causes tout autant que » la question de l’incidence où le bénéficiaire final de la politique n’est pas forcément celui qui est visé « . En ces temps de future hausse significative de la CSG, voilà un vrai sujet.
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