Jadis véritables institutions et révérées comme telles, les banques peinent à faire valoir leur rôle moteur dans l’économie. De nombreux observateurs du marché ont pris pour cible ce qu’ils considèrent être des dinosaures du financement, dépassés en termes d’offres et de service client. A contrario, avec 46% de croissance des fonds empruntés en 2016, les plateformes de prêt sont sur une dynamique très positive.
Le financement de projets d’entreprises par des particuliers n’est plus une idée baroque, ni pour les professionnels ni pour les épargnants. Les plateformes, sélectives dans les projets qu’elles soutiennent, se sont professionnalisées et ont prouvé qu’elles n’avaient rien à envier aux banques en termes de service client. Pour autant, la mise en concurrence « banques vs fintechs » est devenue quelque peu artificielle, car les offres ne sont pas les mêmes -voire sont complémentaires. N’aurions-nous pas tort, finalement, d’opposer des acteurs qui ont tout à gagner à créer des synergies communes ?
Le monopole bancaire s’essouffle…
Les banques ont toujours vécu dans un monde très concentré et surtout très spécialisé. La vision platonicienne de la société décrite dans La République s’est largement vérifiée : de même que le pilote d’un navire est pilote parce qu’il possède l’art du pilotage, de même le banquier est banquier parce qu’il possède la science du bon placement. Grâce à cette posture d’expert jamais remise en question, les banques ont bénéficié d’un contexte plus que favorable. Elles ont pu standardiser et mondialiser leur offre. Elles ont maximisé leur retour sur investissement sans faire du client leur priorité n°1 – en faisant du « push » produits plutôt que du conseil personnalisé. Toujours plus prospères, ne rencontrant pas de réelle concurrence, les banques se sont endormies sur leurs lauriers… et ont donc pris avec un temps de retard le train de la transformation digitale. Plus inquiétant : elles ont tardé à voir que les clients, y compris leurs cibles B to B, n’étaient plus dans une posture d’écoute passive vis-à-vis des grandes marques.
Ce retard pris par les banques incite largement les PME à faire appel à d’autres interlocuteurs pour couvrir leurs besoins de financement. Produits sur étagère, faible connaissance client, accès au crédit de plus en plus difficile… Les structures bancaires se révèlent peu adaptées aux petites entreprises. A cela s’ajoutent des délais souvent trop longs : un à trois mois pour obtenir un prêt en passant par une banque (contre quelques jours seulement via une plateforme de crowdfunding). Rapides et à l’écoute, les nouvelles plateformes de financement disposent de véritables avantages et impactent l’économie réelle.
Des PME peuvent, grâce aux fonds récoltés, diversifier leurs activités, s’étendre à l’international, et par conséquent créer des emplois. Les clients trouvent une réponse adaptée à leurs besoins, tandis que les investisseurs donnent un sens à leur épargne Ces derniers peuvent en effet choisir les entreprises dans lesquelles ils investissent en soutenant des PME locales. Un Breton peut encourager la production de cidre, boisson régionale par excellence, en investissant via WeShareBonds dans Cidres Premium, par exemple ! Bref, chacun y trouve son compte.
…Alors que d’incontournables synergies sont en cours…
N’enterrons pas pour autant le rôle des banques trop vite : si leur modèle est sérieusement concurrencé par des offres alternatives, elles ont toujours le monopole des flux. De manière générale, banques et plateformes sont positionnées sur des segments distincts voire sur des étapes de financement différents et ne sont donc pas réellement concurrentes. Les PME peuvent même convaincre les banques de les financer parce qu’elles ont au préalable sécurisé un financement auprès d’une plateforme de crowdlending.
Lorsqu’un entrepreneur réussit à lever des financements via une plateforme, il montre qu’un marché existe, il fait parler de son projet : cela peut encourager des banques, de prime abord frileuses, à prêter de l’argent. Banques et plateformes de prêts ne s’excluent pas, bien au contraire : ces deux acteurs vont jusqu’à mobiliser des instruments communs, comme les API, qui permettent aux banques d’exposer leur système à des applications tierces. Ces interfaces de programmation témoignent d’un réel changement de culture et de l’ouverture d’un monde toujours plus interconnecté.
Coopérer pour innover, l’écriture d’un futur commun
L’avenir des services financiers n’est pas à une lutte acharnée des petits contre les gros, ni à la ringardisation inéluctable de ces derniers : il est à la création de nouveaux services épousant les mutations des besoins clients. Dans cette perspective, les fintechs et les plateformes de financement sont en première ligne pour aider les banques à prendre le tournant du numérique. Beaucoup de partenariats existent déjà en ce sens : le Crédit Agricole et son village de start-ups et d’entrepreneurs, BNP Paribas et ses accélérateurs…
Disposant de solides bases de projets et d’investisseurs, les banques représentent également un allié de choix pour les plateformes de prêts. En outre, leur infrastructure et leur expérience permettent de développer des dispositifs antifraudes pertinents pour tous les acteurs de la finance, car tous sont concernés. Collectivement, fintechs et banques seront plus fortes pour protéger leurs clients.
Banques et plateformes ont donc tout à gagner à créer des partenariats gagnants-gagnants qui vont se généraliser pour continuer à développer des offres vraiment orientées clients. C’est tout un état d’esprit qui change : au lieu de penser en termes de produit à délivrer, on réfléchit en termes de services.
C’est ce qui fait tout le succès des nouveaux entrants, comme Atom Bank ou Number 26, qui utilisent la puissance du digital pour réellement simplifier la vie de leurs utilisateurs. Le consommateur, grand oublié de ces dernières décennies, devient enfin la cible de toute velléité d’innovation.
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