Emanation de Benchmark Capital, « capital-risqueur » californien notamment réputé pour ses investissements dans eBay ou Twitter, Balderton vole de ses propres ailes depuis maintenant une dizaine d’années et continue de tisser sa toile sur le Vieux Continent. A la tête de ce fonds spécialisé dans les nouvelles technologies, qui a annoncé ce matin l’ouverture d’un sixième fonds d’un montant de 375 millions de dollars, Bernard Liautaud, héraut de la French Tech et maître d’œuvre de Business Objects. Ce dernier dévoile l’ambitieuse stratégie de Balderton Capital.
« Contrairement aux idées reçues et autres poncifs éculés, le métier d’investisseur n’est pas un métier plus reposant que celui d’entrepreneur. Surtout en Europe ». D’emblée, Bernard Liautaud, architecte de Business Objects, cet éditeur de logiciel qu’il a emmené jusqu’au « saint des saints » Nasdaq dans les années 1990 avant de le céder à l’Allemand SAP pour 4,8 milliards d’euros, tord le cou à un cliché qui a la vie dure dans l’écosystème. Entrepreneur de métier s’il en est, il a franchi le « Rubicon » le séparant du capital-risque avec une certaine maestria et œuvre, depuis près de deux ans, à façonner Balderton Capital, un fonds d’investissement recelant pléthore de pépites basé à Londres. Niché dans le havre de paix – du moins en apparence – que constitue Britannia Street, à quelques encablures du siège de Google UK, Balderton se veut proche de ses entrepreneurs et des start-up dont il a adopté les « us et coutumes » jusque dans ses nouveaux locaux (auparavant situés à Mayfair). En franchissant le pas de la porte, l’atmosphère est en effet empreinte d’une formidable énergie d’entreprendre et le panorama proposé s’apparente davantage à un espace de coworking, aux antipodes de l’ambiance austère et feutrée d’un fonds d’investissement traditionnel.
« Nous ne voulions pas être un fonds de capital-risque classique comme tant d’autres et distant de ses entrepreneurs, et surtout qui ne mènerait pas la même vie qu’eux. Nous disposons d’un environnement de travail plus ouvert avec moins de bureaux fermés et plus d’open-space – même si nous avons parfois besoin de davantage d’intimité – ce qui crée une ambiance de travail où tout le monde se sent associé à ce qu’il se passe », abonde Bernard Liautaud, entré chez Balderton en 2008 en tant que General Partner et qui préside aux destinées de ce fonds pan-européen depuis maintenant près de deux ans. Un fonds spécialisé dans les nouvelles technologies et doté d’une feuille de route limpide, faisant la part belle aux « héros inconnus», selon le vocable en vigueur.
« Héros inconnus »
« Notre ADN nous incite à travailler avec des entrepreneurs qui ont de grandes ambitions. Nous ne cherchons pas forcément les sociétés les plus visibles. Nous avons en portefeuille des « héros inconnus », à savoir des sociétés qui jouent un rôle très important et qui travaillent sur des technologies très compliquées qui permettent à l’écosystème de fonctionner », raconte l’ancien artisan de Business Objects. Soit, de facto, un tropisme particulier pour le « B to B » ? « Il est vrai que nous apprécions particulièrement le B To B, mais pas seulement », précise l’investisseur qui, en revanche, concède l’appétence particulière de Balderton pour des projets en série A. « Même s’il nous arrive, parfois, d’accompagner des projets en série B ou C ». Mais les différents « Partners » apprécient particulièrement – d’où le « focus » Série A – assister à « l’ensemble » du modus operandi, à savoir la mue d’une jeune pousse en pépite à fort potentiel, à vocation internationale.
Et les réussites sont légion. Citons pêle-mêle, Vestiaire Collective, MySQL, Bebo et surtout Talend, éditeur de logiciels, qui ne réalisait « que » 4 millions de dollars de chiffre d’affaire au moment du premier investissement de Balderton et qui, aujourd’hui, a dépassé les 100 millions (106 millions de dollars en 2016 et 700 salariés) et est coté au Nasdaq depuis 2016. « Balderton nous a apporté un financement et Bernard Liautaud nous a apporté de l’expertise », souligne François Méro, vice-président Europe de Talend. Et d’ajouter. « Il a lui-même expérimenté le développement d’une société à l’international dans le logiciel. Il avait également la réputation d’être un pionnier sur son marché et d’innover là où les autres pensaient avoir déjà tout fait. Son expertise et son expérience nous ont permis de faire moins d’erreurs, d’éviter certains écueils et, surtout, de prendre les bonnes décisions ». Aujourd’hui Balderton peut se targuer de posséder plus d’une soixantaine de sociétés actives en portefeuille pour plus de 2,3 milliards de dollars investis au total.
Grandes ambitions
Et la « Team Balderton » ne compte pas s’arrêter en si bon chemin comme en atteste l’annonce ce lundi de l’ouverture d’un sixième fonds d’un montant de 375 millions d’euros – ce qui porte donc le total investi à 2,6 milliards de dollars « pour soutenir une nouvelle génération d’entreprises technologiques européennes d’envergure internationale ». « Le Vieux Continent a déjà fait émerger de nombreuses entreprises technologiques qui ont, à leur manière, fait avancer les choses, mais nous attendons toujours l’apparition d’un Google, Facebook ou Amazon en Europe », développe Bernard Liautaud qui espère que Balderton pourra apporter sa pierre à l’avènement de ce « géant » qu’il appelle de ses vœux. Et de rappeler, à juste titre, les faits d’armes de son fonds. « Balderton a fait ses preuves en soutenant des sociétés innovantes allant de MySQL à Betfair, en passant par The Hut Group et Yoox Net-a-Porter, et a investi ces dernières années dans des entreprises technologiques parmi les plus dynamiques d’Europe ».
Une future pépite qui ne devrait pas échapper à Balderton, tant le radar du fonds, sur l’ensemble du Vieux Continent, est constamment en alerte. Et pourquoi pas en France ? « L’élection d’Emmanuel Macron, qui connaît et comprend parfaitement ce monde, entretient clairement une dynamique. La France est largement en mesure de créer les conditions de l’attractivité et beaucoup de personnes ont une perception positive de notre pays. Un sentiment renforcé par des initiatives comme Station F ou l’école 42 alors que le Brexit, à l’inverse ici à Londres, suscite énormément de défiance. Toutefois, cela ne nous affectera pas particulièrement puisque nous sommes, je le répète, un fonds pan-européen », développe Bernard Liautaud. Mais le « ticket d’entrée » chez Balderton n’est pas à portée de tous. « Nous procédons à 10 ou 12 investissements dans l’année pour près de 2 000 dossiers », concède le chef d’orchestre de Balderton. Le juste prix de l’exigence. Et de la réussite.
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