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Axel Springer : Le PDG Compte Éviter Une Note Fiscale De 500 Millions De Dollars

Axel Springer
Crédit photo : Unsplash

La question de l’héritage dans un empire médiatique mondial est toujours épineuse, et pourrait même faire l’objet de séries bien ficelées. Mais pour céder un milliard de dollars d’actions, il semblerait que la succession en douceur soit aussi une option. C’est le cas chez Axel Springer, le groupe de presse allemand.

La semaine dernière, en Allemagne, la milliardaire Friede Springer, héritière du groupe Axel Springer, a réduit de moitié sa participation de 43 %, soit 3 milliards de dollars. Elle a transféré une généreuse participation de 15 % au fidèle PDG Mathias Döpfner, et lui a vendu 4,1 % supplémentaires de la société, afin d’assurer une succession « en douceur » de l’empire fondé par son défunt mari. Mathias Döpfner a reçu des actions d’une valeur de près de 1,2 milliard de dollars, sur la base du prix unitaire de 63 € déboursé par le géant de l’investissement KKR pour la privatisation d’Axel Springer en avril dernier. Ce transfert d’actifs est sans doute l’un des plus onéreux de l’histoire moderne pour une tierce personne non membre de la famille.

Friede Springer a déclaré qu’elle tenait sa promesse « d’assurer la continuité » et de « préserver l’avenir d’Axel Springer », ajoutant qu’elle était « très heureuse et reconnaissante d’avoir trouvé [son] successeur en Mathias ».

Les publications d’Axel Springer comprennent les journaux allemands de premier plan Bild et Die Welt, ainsi que le journal numérique Business Insider, basé à New York. Le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 4 milliards de dollars en 2019. Friede Springer, aujourd’hui âgée de 78 ans, a hérité de l’empire de son mari Axel après sa mort en 1985. Selon une annonce de la société, elle a également renoncé aux droits de vote pour toutes ses actions. Ceux-ci reviennent désormais à Mathias Döpfner, faisant du PDG, avec 44 % des droits de vote, le deuxième actionnaire le plus puissant après KKR, qui en détient 47,6 %.


Selon des fiscalistes allemands, le don de 15 % de participation pourrait induire une facture d’impôts faramineuse de 420 millions d’euros pour le PDG. Selon Thomson Reuters, le taux d’imposition en Allemagne pour les transferts provenant de personnes qui ne sont pas membres de la famille varient entre 30 et 50 %, selon l’importance du montant. Cela représente donc une imposition de l’ordre de 300 à 500 millions de dollars. Bien que Mathias Döpfner soit très bien payé pour ses diverses fonctions, y compris un siège au conseil d’administration de Netflix, il n’est pas issu d’une famille historiquement riche. En effet, il a gravi les échelons pendant 22 ans chez Axel Springer après avoir travaillé dans le journalisme, étant d’abord rédacteur en chef de Wochenpost de 1994 à 1996, puis du Hamburger Morgenpost de 1996 à 1998, avant d’arriver chez Axel Springer en 1998 en tant que rédacteur en chef de Die Welt. Il est nommé PDG d’Axel Springer en janvier 2002 ; son salaire pour ce poste n’a jamais été divulgué.

La raison pour laquelle Mathias Döpfner veut y voir plus clair avec cette énorme facture fiscale est évidente : tous les cadeaux n’arrivent pas avec une note fiscale de 500 millions de dollars. Il y a peu de chances qu’il vende ses actions Axel Springer, car la succession n’aurait alors plus d’intérêt. Pour payer un taux d’imposition de 50 %, Mathias Döpfner devrait vendre la moitié de ses actions et perdrait donc son droit de vote. Un porte-parole du groupe a confirmé qu’il n’y aurait plus de vente d’actions par le PDG ou par Friede Springer, mais n’a pas précisé de délai.

Selon Helge Schubert, spécialiste en droit fiscal du cabinet d’avocats Rose & Partner, basé à Hambourg, l’option qui a le plus de chances d’être choisie par Mathias Döpfner est d’effectuer un test d’exemption. En effet, dans le cas où le paiement d’un impôt entraînerait la sortie d’une somme importante des caisses d’une entreprise, une exonération fiscale pourrait être accordée. Il explique qu’en Allemagne, des règles spéciales empêchent désormais le retrait d’importantes sommes des fonds d’une entreprise : « Si vous recevez plus de 26 millions d’euros, nous examinons alors votre fortune personnelle. Avez-vous des biens privés que vous pourriez vendre afin de payer l’impôt sur les donations ? C’est clairement le cas de Mathias Döpfner ».

Selon ce scénario, Mathias Döpfner devrait donner des informations aux autorités fiscales concernant ses propriétés et ses biens de valeur (à l’exclusion de la participation d’Axel Springer), qui seraient imposés à hauteur de 50 % de leur prix.  

Selon Helge Schubert, si cette succession est planifiée méticuleusement et que les actifs sont transférés dans des fiducies ou au nom d’un membre de sa famille proche, Mathias Döpfner pourrait finir par payer un montant bien inférieur aux 500 millions de dollars évoqués. En d’autres termes, il paierait 50 % d’impôts sur la fortune privée restant à son nom, tandis les actifs qui restent à son nom sont facilement modifiables. Helge Schubert ajoute : « En principe, on peut supposer qu’il ne devrait pas y avoir d’impôt sur les donations. Ou alors, un montant ridiculement bas d’impôt sur les donations par rapport à maintenant ».

Stefan Bach, de l’Institut allemand d’études économiques, est du même avis, évoquant la réforme de 2016 sur les privilèges des entreprises allemandes et ajoutant que Mathias Döpfner dépensera probablement 50 % de sa richesse privée, à l’exclusion des actifs commerciaux, pour payer la facture fiscale : « Le montant excédentaire est exonéré, donc la charge fiscale effective pourrait être plutôt faible ».

Le fiscaliste Helge Schubert explique que pour bénéficier de l’exonération fiscale, pendant les sept prochaines années les dépenses salariales d’Axel Springer ne peuvent pas diminuer, les actifs de l’entreprise et les actions ne peuvent pas être vendus, et aucun retrait ne peut être effectué qui dépasse les bénéfices et les apports en capital. Si un seul de ces critères n’est pas rempli, l’exonération fiscale du PDG sera annulée.

Le groupe Axel Springer a répondu à des questions sur la fiscalité, mais n’a pas commenté plus en détail les plans fiscaux personnels de Mathias Döpfner, bien qu’un porte-parole ait souligné que le don sera « bien sûr » correctement imposé selon les règles fiscales applicables.

KKR, actionnaire majoritaire d’Axel Springer, n’a pas souhaité faire de commentaire.


Fondée en 1946, Axel Springer est l’une des plus grandes maisons d’édition d’Europe, avec plus de 16 000 employés. Le groupe a joué un rôle de premier plan en plaidant pour la réunification de l’Allemagne et en défendant les principes du marché libre pendant l’après-guerre en Allemagne de l’Ouest. 

Comme de nombreuses familles de milliardaires (telles que la famille Albrecht, du groupe Aldi et, plus récemment, les frères Barclay au Royaume-Uni), les Springer ont rencontré des difficultés pour transmettre leurs entreprises et leur fortune à la jeune génération. En 2012, le petit-fils du fondateur, Axel Sven Springer, a choisi le 100e anniversaire de son grand-père pour publier un livre expliquant les raisons pour lesquelles il avait, selon ses propres termes, « passé sept ans à se battre pour mon héritage devant les tribunaux ». Forbes n’a pas réussi à contacter directement ces héritiers.

Il est à noter que la succession pourrait instituer deux milliardaires à partir d’une seule fortune. Lorsque KKR a racheté 47,6 % de l’entreprise pour 3,8 milliards de dollars en avril dernier, retirant Axel Springer de la bourse de Francfort, la participation de 42,6 % de Friede Springer valait 2,9 milliards d’euros.

En faisant don de la plupart de ses actions à Mathias Döpfner et en lui vendant le reste, Friede Springer a réduit sa participation à 22 %, ce qui fait chuter sa fortune nette d’environ 1,4 milliard de dollars, mais elle conservera tout de même son statut de milliardaire. Forbes estime aujourd’hui la fortune de Friede Springer à 3,1 milliards de dollars. Selon l’habilité avec laquelle Mathias Döpfner détourne la facture fiscale qui lui est adressée, il pourrait également rejoindre le club très select des milliardaires de ce monde.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : David Dawkins

 

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