Les start-up de la finance, ou « FinTech », contraction de « finance » et « technologie », attirent les géants de la banque et de l’assurance. Depuis le rachat en 2015 de la cagnotte en ligne Leetchi par Le Crédit Mutuel Arkéa, c’est Pot commun et Fidor qui sont passées sous pavillon BPCE, Compte-Nickel chez BNP Paribas, etc. Outre les rachats, les banques investissent de plus en plus dans ces petits poucets, une manière de ne pas rater de nouvelles tendances et toucher de nouveaux clients.
C’est probablement l’achat qui a ouvert la voie à tous les autres. En septembre 2015, le Crédit Mutuel Arkéa annonçait le rachat de 86% du capital de la cagnotte en ligne Leetchi fondée par Céline Lazorthes, notamment pour accélérer le déploiement international et son offre Mangopay.
Les grands de la banque et de l’assurance, après quelques réticences, voient dans les jeunes pousses de la finance des potentialités de nouveaux marchés. A tel point que chacun cherche sa fintech. « Au départ, les grands groupes riaient des start-up, maintenant ils s’y intéressent car les start-up s’autorisent le droit à l’erreur, au pivot, à l’innovation », constate Alain Clot, président de l’association France FinTech.
Fintech, combinaison de « finance » et de « technologie », regroupe sous une même bannière les start-up du secteur de la finance, au sens large : paiement, épargne, crowd (equity-funding-lending, etc), bourse, placement et désormais, crypto, mais aussi assurance.
Après Crédit Mutuel Arkéa, d’autres ont emboîté le pas avec l’acquisition par le groupe BPCE en 2015 de Pot commun, l’équivalent de Leetchi, et en juillet 2016, de l’allemande Fidor, une autre banque entre amis, communautaire et mobile. Au point que le PDG du groupe BPCE affirmait en janvier 2017 au Paris Fintech Forum que « les fintech, c’est une partie de notre R&D et de notre capacité d’innovation ».
Capacité à innover
« Le secteur bouge et les banques se posent des questions sur leur capacité à innover. Nous avons été démarchés et avons rencontré plusieurs Comex », raconte Hugo Sallé de Chou, cofondateur de Pumpkin. « Les banques étaient très curieuses et nous avons échangé sur le modèle et les enjeux. » Un modèle qui est bousculé par de jeunes acteurs très agiles. Ainsi, pour 67% des Français, les banques ne sont plus adaptées aux nouveaux besoins des clients, selon une étude Wavestone & Elable menée en mars 2018 [voir ci-dessous]. Depuis quelques années, les banques et assurances prennent la mesure du bouleversement de leur secteur.
Outre Leetchi, Crédit Mutuel Arkéa a également pris, l’été dernier, 80% du capital de Pumpkin, laissant 20% à ses cofondateurs. 15 millions pour transformer en trois ans la start-up en néobanque. Avec Pumpkin, Le Crédit Mutuel Arkéa espère ainsi un accès direct aux jeunes, les 16-25 ans accrochés à leur smartphone, même quand il s’agit de s’attaquer à leur porte-monnaie. Ce n’est qu’au moment de lancer une troisième levée de fonds que Pumpkin s’est laissée avalée par le poisson. « Nous avions trois ans, l’activité générait de la traction et de nouveaux utilisateurs, mais elle devait à nouveau être financée, après deux levées de fonds, l’une de 600 000, l’autre de 2 millions d’euros. » Un soulagement pour la jeune entreprise qui peut désormais se concentrer sur son offre. « Arkéa a compris la stratégie à long terme et nous a donc proposé de pouvoir dérouler cette stratégie », complète l’entrepreneur dont le service est gratuit pour ses utilisateurs, mais payant pour les structures.
« La prise de contrôle est conjoncturelle. La banque prend le contrôle car il y a une course aux nouvelles technologies, aux nouvelles cibles et à la communication », analyse Alain Clot. C’est en effet ce qui a conduit Arkéa à passer le cap. « Le comportement des clients a changé », indique Anne-Laure Navéos, directrice croissance externe et partenariat chez Arkéa. « Aujourd’hui pour les banques, le risque est de voir partir les jeunes chez des acteurs non bancaires. Leur conquête est donc importante pour construire avec eux une première expérience bancaire », ajoute-t-elle pour expliquer ce qui a motivé Arkéa dans l’achat de Pumpkin.
Partenariats
Crédit Mutuel Arkéa ne se contente pas d’acheter des start-up. La structure a déjà investi dans Fluo (2 millions), Grisbee (3 millions), Yomoni (5 millions), Linxo, Younited Credit, et collabore ponctuellement avec d’autres. « Il y a énormément de partenariats sans prise de contrôle. Plus de la moitié des fintech membres ont un ou plusieurs partenariats avec des banques et assurances », indique Alain Clot de France Fintech. « Le modèle traditionnel de la banque est un modèle propriétaire où tout est fait en interne. De plus en plus, banques et assurances utilisent des produits de start-up sous marque blanche. Et commencent à le revendiquer. »
Anne-Laure Navéos, d’Arkéa, confirme : « Nous réalisons des prestations en marque blanche. De nombreux acteurs viennent chercher des services de paiement ou de banque « powered by » Arkéa. Ils cherchent notre savoir-faire ou celui de nos start-up. Au départ par exemple, les grandes entreprises étaient rassurées qu’Arkéa soit derrière Mangopay. »
De plus en plus, les start-up se diversifient, osent aller sur des sentiers plus hauts de gamme ou B2B. Un gain de confiance qui ne peut se faire sans l’aide de grands acteurs, les prestations étant souvent réglementées. « Beaucoup, comme Pumpkin, font du service direct, mais les start-up se lancent dans le crédit, la succession, elles réinventent l’apport de solutions et le parcours clients », souligne Anne-Laure Navéos. « Nous ne sommes pas un centre de recherche et développement, nous voulons voir en quoi leur solution s’impose comme une évidence pour le client particulier ou professionnel. » Même constat chez Alain Clot, selon lequel la fintech est passée d’usages simples à des produits beaucoup plus complexes.
« La fintech française va bien. Elle est en phase d’accélération », poursuit-il. Cette accélération n’est pas assez rapide pour le président de France Fintech selon lequel la France a les compétences, notamment autour de la donnée, pour créer ce qu’il nomme des « champions » de la FinTech, mais ne met pas encore les moyens pour faciliter leur développement. Or, le temps presse, selon lui. « La finance est un sujet de souveraineté. Demain, votre banquier sera Google. Il est donc indispensable de créer des champions internationaux du secteur. »
Six françaises dans le top 100 des fintech
Les start-up françaises de la finance font leur place dans le monde. En 2017, six françaises apparaissaient dans le classement annuel des 100 fintech les plus innovantes dans le monde, réalisé par le cabinet KPMG. La plate-forme de prêts aux PME Lendix se hisse à la 45ème place, tandis que les cinq autres font partie des « emerging 50 ». Il s’agit de la start-up d’assurance santé Alan, de la solution de gestion de paiement internationaux iBanFirst, de l’application de paiement Lydia, de la solution de paiement automatique Payfit, et de la néobanque pour PME Qonto.
Les Français et la banque
Dix ans après la crise des subprimes, les Français semblent avoir envie de dépoussiérer le secteur de la banque. Selon une étude Wavestone et Elable réalisée en mars 2018, 67% d’entre eux considèrent que les banques ne sont plus adaptées aux nouveaux besoins des clients. Et 84% estiment que les banques devront changer de modèle pour répondre aux nouvelles aspirations de la société. Pour 54%, les banques devront élargir leur offre bien au-delà des services financiers. Une tendance très nette chez les 18-24 ans qui souhaitent, plus que leurs ainés, être accompagnés lors d’un licenciement (54% contre 42% chez l’ensemble des Français), lors de la naissance d’un enfant (40% vs 23%), lors d’un mariage (29% vs 17%) ou lors de vacances (22% vs 13%). Surtout, les Français attendent plus de transparence (55%), d’efficacité (33%), et de proximité (31%) de la part des banques.
Article publié dans le 3ème numéro de Forbes France, été 2018
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