Par Florence GABAY, responsable des relations extérieures à l’Agence d’Information d’Afrique Centrale et Sébastien Laye.
S’il semble prématuré d’affirmer comme d’aucuns que l’Afrique est la Chine de demain, le continent consolide son attractivité auprès des investisseurs.
Une nouvelle donne s’impose progressivement sur le continent africain : les fonds privés se substituent aux bailleurs de fonds multilatéraux ou publics et les investisseurs des pays du Sud remplacent ceux du Nord. Mais surtout, les Africains deviennent eux-mêmes les premiers entrepreneurs et pourvoyeurs de leurs économies.
Victimes des mesures de restrictions budgétaires et de finances publiques souvent problématiques, les Etats traditionnellement pourvoyeurs d’aide publique au développement (EUA, EU, Japon à hauteur de 60 milliards de dollars) ne parviennent pas à combler le fossé nécessaire aux Etats Africains pour renouer avec la croissance. Dès lors, les autres ressources ne peuvent être que d’ordre privé. Les principaux postes de financement de l’investissement privé sont les envois de fonds des travailleurs africains émigrés (67.5 milliards en 2016 d’après la Banque mondiale) et les investissements directs étrangers (IDE). Le constat est encourageant : entre 2000 et 2015, le montant des IDE a été multiplié par six selon la CNUCED et les estimations de l’ONU tablent sur une nouvelle augmentation de près de 10% en 2017- (65 milliards de dollars).
Cet accroissement des afflux de capitaux est sans précédent. Il est déterminé à la fois par des facteurs endogènes et exogènes. L’attractivité de l’Afrique s’explique d’abord par une meilleure gestion macro-budgétaire des Etats. Les ajustements structurels engagés par le FMI dans les années 1990 et l’initiative PPTE, ont permis aux Etats africains d’assainir leurs comptes et de réduire leur dette publique. Par ailleurs, le développement de la lutte anti-corruption a permis de réels progrès en termes de gouvernance. De nouveaux indices auscultent la politique et l’économie de l’Afrique, tels que la fondation Mo Ibrahim, le Doing Business de la Banque Mondiale et l’agence Freedom House. Enfin, l’Afrique a bénéficié de la hausse du cours des matières premières jusqu’en 2014. Ce qui lui a permis de bénéficier de taux de croissance moyen de 5% depuis l’an 2000.
Qui plus est, la demande d’investissement est très forte : par exemple dans le secteur de l’énergie, l’écart entre les besoins en capitaux de ce secteur et les dépenses effectives est de l’ordre de 23 milliards de dollars par an, selon l’Africa Infrastructures Country Diagnostic. Une telle dichotomie ne peut que susciter un effet d’attractivité pour les investisseurs privés : l’effet d’éviction par des programmes publiques par exemple, n’est pas un souci pour les entrepreneurs privés qui investissent dans l’énergie ou les infrastructures en Afrique. Si le taux de bancarisation des Africains reste faible à cause du poids important du secteur informel (en Afrique Subsaharienne il varie entre 5% et 15%), le risque d’investissement n’est pas si élevé ; le taux des prêts non remboursés en Afrique est de 0.7% alors que ce pourcentage s’élève à 1.9% au Moyen-Orient et à 5.1% en Europe de l’Ouest.
Enfin, les Africains croient en leur capacité de croissance endogène et s’affirment comme les premiers investisseurs sur leur continent. De nombreux champions industriels émergent dans une multitude de secteurs, du ciment nigérian aux télécoms sud-africaines ou égyptiennes. De 2003 à 2012, le volume des projets interafricains a augmenté de 20% par an. Cette demande est indirectement stimulée par des projets colossaux engagés par la Chine, qui est devenue en 2017 le principal investisseur en Afrique devant les Etats-Unis, engageant près de 36.1 milliards de dollars en 2016.
Il ne faut cependant pas faire fi de certains facteurs bridant encore la croissance en Afrique. La faiblesse de l’épargne locale, l’insuffisance des infrastructures et le sous-développement du système bancaire pénalisent les entreprises, et notamment les PME, sources d’emplois. La diversification des économies, principalement dans les Etats du Sahel, reste un défi pour les gouvernements. Cela ne pourra se traduire que par une meilleure intégration du secteur informel dans le tissu économique et l’accroissement de la productivité.
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