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30 licornes et 0 décacorne : la France a-t-elle atteint son plafond de verre ?

30 licornes et 0 décacorne : la France a-t-elle atteint son plafond de verre ?

En 2022, à Vivatech, Bruno Le Maire exprimait une ambition forte : « Je souhaite que nous ayons 10 décacornes françaises en 2030, 5 en 2025 ». Nous sommes en 2025, et pourtant, ce chiffre reste bloqué à zéro. Une question s’impose : la France a-t-elle les moyens de réaliser cette vision, ou a-t-elle atteint son plafond de verre ?

Une contribution de Pierre-Arnaud Coquelin, co-fondateur et CEO de Wheere

 

Lorsque j’ai fondé McLloyd en 2013, Criteo venait tout juste de faire son entrée au Nasdaq, devenant ainsi l’une des premières licornes françaises. Cet événement a marqué un tournant pour l’écosystème entrepreneurial français, ouvrant la voie à une nouvelle génération de startups prometteuses. Parmi elles, quatre entreprises issues de ma promotion d’incubation chez Agoranov ont suivi cette trajectoire et sont devenues des licornes cinq ans plus tard : Doctolib, Dataiku, Shift Technology et Ynsect


Fort de ce succès, la French Tech s’est autorisée à rêver plus grand : faire naître des décacornes. Mais le rêve semble à présent suspendu. Alors, s’est-on emballé ?

 

Financement : les fonds français sont-ils à la hauteur ?

 

Pendant longtemps, le financement était perçu comme le facteur limitant : on doutait de la capacité des fonds d’investissement français à injecter les montants nécessaires pour faire émerger une licorne. À présent, cet obstacle est derrière nous : nos fonds savent mobiliser plusieurs centaines de millions d’euros, et soutenir dans la durée les pépites sur lesquelles ils ont misé.

Un exemple frappant : la levée récente de Mistral AI, d’un montant de 105 millions dès son tour de « seed ».

 

Produit et marché : la véritable épreuve de force

 

Une licorne peut naître sur des promesses : Ynsect l’est devenue avec un chiffre d’affaires dérisoire. Une décacorne, en revanche, exige un produit abouti et une traction commerciale avérée.

C’est ici que l’Europe rencontre selon moi ses limites. L’appétence des consommateurs du vieux continent pour les innovations de rupture est historiquement faible. Contrairement aux Américains, qui adoptent et testent rapidement les nouvelles technologies, les Européens préfèrent attendre qu’elles soient éprouvées ailleurs. De plus, la taille de notre marché domestique est bien inférieure à celle des États-Unis, ce qui constitue un frein à une croissance exponentielle lors de la phase de scaling, généralement située entre 3 et 5 ans.

Les exemples abondent : Viadeo contre LinkedIn, DailyMotion contre YouTube, Fitbit contre Withings. À produit équivalent et moyens similaires au départ, nos entreprises se retrouvent souvent distancées.

 

Talents : la fuite des cerveaux

 

L’IA, le quantique et la fusion nucléaire comptent parmi les secteurs au plus fort potentiel pour l’émergence de décacornes, d’autant plus que la barrière de la frontière physique n’a que peu d’impact sur ces secteurs. Pourtant, nos meilleurs ingénieurs préfèrent travailler pour des entreprises comme OpenAI ou Google, attirés par la force de ces marques et par des salaires trois à quatre fois supérieurs à ceux offerts en France.

Sans les talents nécessaires, il devient difficile de rivaliser sur les thématiques “trendy”. La France peine ainsi à attirer ou à retenir ces experts face à une concurrence mondiale toujours plus féroce.

 

Et si la solution était ailleurs ?

 

Pour répondre à ce défi, et si on prenait le problème à l’envers ?

La France doit se positionner sur des secteurs sur lesquels elle a un avantage compétitif unique. Un terrain sur lequel nous pouvons nous battre avec des armes singulières, en allant là où on ne nous attend pas. La solution pourrait ainsi résider dans l’identification de « niches » à haut potentiel, des marchés à fort impact mondial, mais sous-exploités.

Un exemple prometteur : la localisation indoor, un marché estimé à plus de 100 milliards d’euros. Une thématique à fort potentiel, sur laquelle les projecteurs ne sont pas braqués, et qui offre à la France l’opportunité de faire émerger des champions mondiaux.

Historiquement, nous avons su adopter cette stratégie. Lorsque le général De Gaulle a fait le pari du nucléaire, ou encore dans le domaine du luxe avec Bernard Arnault et François Pinault, la France s’est imposée en développant une vision unique et différenciée.

 

Nous devons inventer notre propre trajectoire

 

Pour donner naissance à des décacornes, la France doit arrêter de courir après les modèles américains et se concentrer sur ses forces uniques. Identifier les marchés à haut potentiel sur lesquels les autres ne sont pas encore, et y investir massivement.

À nous de construire une vision audacieuse et singulière, capable de faire de la France un acteur incontournable de l’innovation mondiale.

 


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