A l’antenne, c’est un véritable show à l’américaine qu’elle livre chaque week-end dans ses émissions. D’abord L’Expresso, Happy Sports, et plus récemment BeIN Center, Vanessa Le Moigne : ça réveille ! La journaliste sportive star de la chaîne BeIN Sports nous branche sur le canal bonne humeur à grand renfort de punchlines bien inspirées, de chorégraphies et de performances athlétiques qu’elle exécute elle-même. Sans transpirer. Le tout en décryptant l’info face aux sportifs qui font l’actualité. Son style décidément unique et sa passion communicative font les beaux jours de la chaîne qatarie. Entretien survitaminé avec l’une des reines du PAF à l’origine d’une belle success-story.
Vanessa Le Moigne est aussi à l’aise quand elle interviewe Karim Benzema en exclusivité pour son grand retour chez Les Bleus que lorsqu’elle remet un confrère à sa place après une remarque sexiste. Tantôt femme fatale, tantôt garçon manqué, mais, surtout, libérée, la surdouée du PAF appartient aujourd’hui à ces rôles modèles que l’on invite à s’exprimer bien au-delà de la sphère médiatico-sportive. Dans un milieu d’hommes peu enclin à céder du terrain, la présentatrice fait le job. Incollable sur le Tour de France, le Dakar, Roland Garros, le football ou encore le patinage artistique, cette enfant de la télé peut zapper d’un sujet à l’autre avec la même aisance. Un OVNI. La belle blonde, biberonnée au Club Dorothée et à Stade 2 à qui tout sourit, a pourtant eu mille raisons d’abandonner. Son parcours est une belle leçon de résilience et d’humilité. Ceux qui la côtoient sont unanimes : Vanessa Le Moigne est une bosseuse acharnée qui s’impose la même discipline que les dieux du stade qu’elle interroge.
A l’âge où l’on jouait à la corde à sauter et l’on apprenait à compter, la native de Saint-Germain-en-Laye (78) n’avait d’yeux que pour PPDA ! Le roi de l’info incarnait tout ce dont elle rêvait : la connaissance, la prestance, la connivence avec le public. « J’avais l’impression qu’il faisait partie de ma famille ! Bien que je ne comprenais pas forcément tout ce que j’entendais, j’étais fascinée par sa puissance télévisuelle. Chaque Français avait ‘rendez-vous’ avec lui le soir venu. », se remémore la reine de l’info sportive. Mais ce qui interpelle, c’est sa façon de consommer l’info car l’écolière décortique toute la mécanique, la scénographie cathodique : précocement, elle comprend que la télé est un outil qu’il faut avant tout maîtriser pour y exceller.
Elle se prend également de passion pour les émissions spécialisées telles que Téléfoot, Stade 2… absorbant immodérément les programmes. « Quand je voyais Nadia Comăneci, je descendais en bas de chez moi pour faire des roues, des sauts à gogo ! Idem, quand c’était Surya Bonaly, j’enfilais mes rollers avec le même entrain ! Les retransmissions sportives me faisaient vibrer ! », raconte-t-elle. Véritable boule d’énergie, la petite Vanessa prévient son monde : elle sera journaliste pour être au plus près de ses héros.
Ce goût effréné pour cette profession intellectuelle a aussi des racines plus profondes. Il y a d’abord sa mère venue d’Algérie qui a appris le français sur le tard, mais aussi les origines modestes de la famille. Son père breton a quitté le foyer très tôt. La famille monoparentale réside dans un quartier populaire bien loin des villas cossues de la riche ville des Yvelines profondément marquée par l’empreinte de Louis XIV. Les médias, la presse, ce noble métier de lettres, est une chance de prendre l’ascenseur social à ses yeux. Heureuse, mais consciente, la fille des cités grandit avec l’idée de prendre une revanche sur la vie. Il faut dire qu’elle bénéficie du cadre parfait dans cette commune à la forte culture associative : « Saint-Germain-en-Laye a toujours accordé des dotations importantes à la culture et aux sports. J’ai donc pu pratiquer énormément d’activités qui m’ont forgées. Le Camp des Loges était l’épicentre des jeunes, il y a tellement de souvenirs autour de ce lieu incontournable… L’entraînement des joueurs du PSG côté coulisses, le sandwich merguez-frites. C’était la sortie familiale du week-end par excellence ! », rembobine-t-elle.
Sa mère, avec laquelle elle entretient une relation fusionnelle, l’encourage sur cette voie à la condition d’être « fonctionnaire comme elle ». Aide-soignante à l’hôpital, la matriarche insiste sur le côté « sécurité » de l’emploi. Ainsi, elle l’invite à rejoindre France TV, un conseil qui la marquera.
Bonne élève, Vanessa Le Moigne décroche son Bac à 17 ans et rejoint les bancs de la Sorbonne. Parallèlement à son cursus littéraire, elle fait des stages dans l’objectif de se payer des études de journalisme. On lui répète que c’est un métier de « réseau », qu’elle devrait ‘grandir’ et faire le deuil de ses rêves. Impossible pour l’étudiante qui est programmée depuis toute petite pour « faire de la TV » ! Bientôt, elle découvrira que la profession est surtout une histoire de rencontres. Providentielles par moment. Alors qu’elle travaille à mi-temps dans une boutique de prêt-à-porter, son patron lui présente une connaissance… un certain Karl Olive.
« Ta pire ennemie, c’est toi ! »
L’homme est directeur de la chaîne Yvelines Première, il est introduit partout. Vanessa Le Moigne se fait très vite remarquer grâce à son savoir encyclopédique sur le foot et le sport. Le décideur lui offre sa première opportunité professionnelle, mais plus encore il lui dira ce qu’on ne lui avait jamais dit : « Oui, il est possible pour une femme de cumuler ses deux passions – le journalisme et le sport – en devenant journaliste sportive ! ». Et pour preuve, il l’emmène à Canal plus où il est recruté pour diriger cette rubrique. Il organise une rencontre avec Nathalie Ianetta, l’une des rares femmes à ce poste dans le paysage audiovisuel français. C’est un choc télévisuel pour l’apprentie qui, entre temps, a intégré l’école de journalisme ISCPA.
Le temps d’une émission, elle passe au crible la technique d’expression de la présentatrice : « J’ai analysé ses prises de parole, sa communication non verbale et sa manière de prendre le lead sur ses collègues masculins qui monopolisaient la parole. J’ai vu que Nathalie Ianetta profitait de chacune de leur respiration pour contre-attaquer en mode guerrière ! J’étais admirative. », raconte-t-elle. Trop junior, trop émue, trop tôt, Vanessa Le Moigne passe à côté de cet entretien déguisé en rendez-vous immersif. Elle s’en veut, doute. Le déclic vient de la figure maternelle, une figure prépondérante dans sa vie. Sa mère la met en garde : « Ta pire ennemie, c’est toi ! Gère ton émotion, tu veux être journaliste ? Sois journaliste ! », assène-t-elle.
Décomplexée, la vingtenaire aborde chaque stage, chaque pige comme un combat. Dans l’émission PSG, côté coulisses, elle se distingue en décrochant des interviews de joueurs ; elle joue les prolongations partout où c’est possible (plateaux TV, stades, rencontres sportives…) en embarquant sa caméra pour décortiquer chaque séquence enregistrée. Pas question pour elle de rester éloignée de ce monde car c’est en s’affichant qu’elle montrera sa niaque ! Sa stratégie s’avère payante. Elle se voit proposer un poste à la production chez Cauet, l’émission phare des années 2000. La méthode Cauet cartonne, ouvrant la voie aux Cyril Hanouna d’aujourd’hui.
Bien qu’elle ne prend pas la lumière, ce boulot lui permet d’accélérer son apprentissage : « Je m’occupais de créer des petits instantanés pour montrer les coulisses, à l’époque les réseaux sociaux étaient à leurs balbutiements. Pour m’inspirer, j’ai beaucoup regardé Friends afin de monter des passages drôles. A ce moment-là, je suis en train d’apprendre tout ce qu’il faut savoir sur le son, la lumière, le cadre, la réalisation… des compétences clefs quand on aspire à faire de l’antenne. Je continue aussi à bosser la nuit pour payer mon école de journalisme… Je ne dors quasiment plus ! Un jour, je m’accroche avec la co-star Cécile de Ménibus qui me reproche de ne mettre en avant que les hommes. Je le prends très mal d’autant que Cauet laisse faire. », s’émeut encore Vanessa Le Moigne.
Seulement 18% de temps d’antenne allouée aux journalistes sportives
L’aspirante journaliste le vit mal car elle est toute dévolue au programme. Cependant, avec le recul, l’animatrice vedette de BeIN Sports a compris le mal-être de sa consœur. La télé a enfermé bien des femmes dans le rôle de faire-valoir, et a y bien regarder, quasiment aucune n’a eu sa propre émission, encore moins dans les sports ou à des heures de grande écoute. Rétrospectivement, quand Cécile de Ménibus s’est exprimée sur la manière dont elle a vécu la séquence du baiser volé par la star du porno, Rocco Siffredi, Vanessa Le Moigne a réalisé que le sourire crispé de sa collègue dissimilait en fait une atteinte réelle à sa dignité de femme. « L’injonction du ‘sois belle et tais-toi’, de ‘la femme-objet’ était tant un problème sociétal qu’une réalité médiatique. Jusqu’à #meetoo. », expose celle qui allait bientôt se confronter à la même problématique.
Nous sommes en 2012, Vanessa Le Moigne a l’occasion de rebondir après cet échec avec l’arrivée d’une nouvelle chaîne : BeIN Sports. La chaîne qatarie s’attache les services d’une pointure : Charles Bietry. L’ancien boss du service des sports de l’AFP, puis de France Télévisions, dont il conseille la présidence, a la charge de propulser ce nouveau venu très ambitieux. Il connaît l’Yvelinoise dont il apprécie la combativité, le bagout et le savoir-faire. Il la recrute pour rejoindre ce qu’il appelle : « l’Equipe de France espoir des journalistes sportifs ». La gamine de Saint-Germain-en-Laye, désormais pleine d’assurance, relève le gant en participant à installer le média dans l’offre audiovisuelle hexagonale. Pour la première fois, elle a carte blanche pour être elle-même. Ainsi, elle crée un concept inédit à la télé en mettant le sport à la sauce de l’infotainment.
La journaliste-présentatrice-show girl crève l’écran dans les émissions L’Expresso (7h-10h, de 2012 à 2016) avec Thomas Villechaize puis Happy Sports (18h30-20h entre 2016 et 2018 avec une petite pause maternité), puis L’Expresso Latte, où elle est seule aux commandes. Devenue bankable, elle accède à l’élite de la profession.
Un microcosme où les femmes se comptent sur les doigts de la main. Les voitures avec chauffeur, les prêts de vêtements griffés, les témoignages d’affection de fans dans la rue ne la déconnectent pas de la réalité. Bien au contraire ! Vanessa Le Moigne a à cœur de prendre position pour dénoncer le sexisme entretenu par certains du milieu. Elle n’hésitera pas à mouiller le maillot en s’exprimant dans le documentaire retentissant de Marie Portolano au titre éloquent : « Je ne suis pas une salope ». Vanessa Le Moigne n’a pas tremblé quand il a fallu mettre un carton rouge à un collègue qui colportait que ses interviews de champions n’étaient possibles que parce que c’était une belle femme. Faisant fi de ses compétences avérées.
Son pouvoir médiatique, elle l’utilise aussi pour inspirer les jeunes des quartiers défavorisés désireux de s’accomplir dans le sport ou les médias. Elle multiplie les interventions en milieux scolaires et associatifs pour aiguiller ces enfants qui n’osent pas croire en leurs rêves.
« Dream Big » (rêver grand) ! Un motto que Vanessa Le Moigne partage à l’envi et qui lui a bien réussi.
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