Elle a donné la priorité à son travail plutôt qu’à ses enfants. Lara Bazelon, mère divorcée avec de jeunes enfants, avocate, professeure de droit et autrice, a publié un article d’opinion dans le New York Times cette semaine expliquant comment faire passer son travail avant ses enfants l’avait forcée à manquer quelques-uns des anniversaires de ses jeunes enfants, des évènements scolaires, ainsi que des moments agréables à la maison en compagnie de ses enfants. Plus de 1 300 lecteurs ont commenté l’article, révélant que le débat sur les mères au travail faisait toujours rage, mais leurs remarques montrent combien la discussion a évolué par rapport aux décennies précédentes.
Dans les années 1980 et 1990, on se demandait si les enfants à la crèche s’en sortaient aussi bien que leurs camarades avec des mères au foyer (c’est le cas), et s’il était égoïste de la part des mères aisées de choisir de travailler plutôt que de rester à la maison (ça ne l’est pas). En 2019, il semble que nous soyons à l’aise avec l’idée que les mères travaillent, mais le débat s’est maintenant déplacé sur leur temps de travail.
Dans son article la semaine dernière, Bazelon a décrit combien elle aime ses enfants, et combien elle se sentirait vide sans son travail. Elle raconte les fois où elle a dû faire des choix difficiles – entre les fêtes d’anniversaire de ses enfants et les besoins de ses clients. Quelques fois, elle a choisi ses clients, car « ils avaient plus besoin de moi que mes enfants », dit-elle. Même lorsqu’elle était à la maison, elle évoque combien de fois elle n’était pas entièrement présente, souvent au téléphone pour régler un problème ayant trait au travail. Bien qu’elle ait choisi de faire passer son travail avant ses enfants, il est important de noter que ces derniers n’étaient pas des enfants laissés à eux-mêmes pendant de longues heures. En l’absence de Lara Bazelon, ses enfants recevaient les soins attentionnés de leur père, leur grand-mère ou d’une baby-sitter.
Son article a déclenché les réponses passionnées des lecteurs. Beaucoup ont pris le parti de soutenir les choix de Bazelon, arguant du fait que ses enfants auront l’opportunité de développer une bonne éthique de travail et seront fiers des succès de leur mère. D’autres ont fait remarquer qu’il est courant pour les pères de manquer un anniversaire ou de ne pas passer beaucoup de temps avec leurs enfants en raison de leurs obligations professionnelles, et qu’il ne devrait donc pas y avoir deux poids, deux mesures lorsqu’il s’agit des mères. Certains ont souligné le fait que la plupart des femmes ayant une activité professionnelle ne possède pas une stabilité financière suffisante pour faire le choix de privilégier leur famille ou leur travail. Ces dernières travaillent pour mettre du pain sur la table, et elles se rendent au travail aussi souvent que l’exige leur carrière. Faire passer le travail avant leurs enfants est une nécessité, et pouvoir faire le choix d’assister à un évènement scolaire ou à un anniversaire au lieu de se rendre au travail n’est disponible que pour une minorité chanceuse.
Néanmoins, la majorité des commentaires désapprouvait les décisions de Bazelon. Le plus intriguant d’entre eux mettait l’accent sur le rôle du choix de carrière dans la priorité donnée au travail sur la famille. En général, il semblerait que les gens ne souhaitent pas que les pompiers ou les chirurgiens délaissent leur travail et courent assister à l’entraînement de football de leur enfant. Laisser vos enfants à une baby-sitter est socialement accepté si vous le faites pour aller éteindre un feu, mais les feux à caractère légal de Bazelon ne semblaient pas posséder le même degré d’importance aux yeux de nombreux lecteurs. L’un des anniversaires qu’elle a manqués, Lara Bazelon l’avait passé au procès d’appel d’un homme qui avait passé 34 ans de sa vie en prison pour un meurtre qu’il n’avait pas commis. Apparemment, pour certains, ce n’était pas une excuse suffisante pour manquer l’anniversaire d’un enfant.
Certains commentateurs ont également voulu alerter sur le fait que Bazelon pourrait avoir des regrets en vieillissant, à cause du manque de temps privilégié passé avec ses jeunes enfants. D’autres ont voulu l’avertir que ses enfants ne seraient probablement pas assez proches d’elle par la suite, ou ne s’occuperaient pas forcément d’elle dans ses vieux jours. D’autres encore suggère que Bazelon n’aurait pas dû coucher par écrit son choix de donner la priorité à son travail, car cela résulterait certainement en ressentiment et plusieurs années de psychanalyse pour ses enfants.
La bonne nouvelle que l’on peut tirer de ce dialogue, c’est que nous n’en sommes plus à nous demander si les mères devraient travailler ou rester à la maison avec leurs enfants toute la journée. Nous avons accepté les mères au travail et sommes passés à autre chose.
La mauvaise nouvelle est que, sans surprise, certains jugent encore les choix parentaux des autres à l’aune de leurs propres valeurs, et il se pourrait bien qu’ils jugent les mères plus durement que les pères lorsqu’il s’agit de choisir de faire des heures supplémentaires ou d’exercer des emplois exigeants. Cela peut avoir de sérieuses répercussions lorsque l’occasion se présente de placer des femmes à des postes à responsabilité, que ce soit dans le secteur privé ou public. Aspirant à la fonction présidentielle, Kirsten Gillibrand est mère de deux enfants, et elle devra certainement faire passer son travail avant ces derniers si jamais elle devient Présidente des États-Unis. Cela aura-t-il un impact sur ses chances d’élection si la société trouve ce choix inapproprié pour une mère ?
Si nous voulons porter un jugement critique sur le temps que les parents consacrent au travail, nous devrions au moins nous assurer de ne pas laisser les préjugés sexistes s’infiltrer dans nos réflexions. Nous ne devrions pas imposer aux mères des normes différentes de celles appliquées aux pères – mères comme pères devraient être jugées avec les mêmes critères.
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