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Terry De Gunzburg : « La Femme-Entrepreneure Doit Etre Comme Un Joueur d’Echec : Penser Deux Coup A l’Avance »

Elle a travaillé 15 ans chez Yves Saint-Laurent avant de lancer ses propres cosmétiques haut de gamme. By Terry, sa marque, annonce depuis 5 ans des croissances à deux chiffres, qui dépassent les 20%. Terry de Gunzburg nous a ouvert les portes de sa maison parisienne pour nous parler de long terme, d’entrepreneuriat et de savoir-faire au féminin. Entretien de femme à succès.

 

Passer de salarié à entrepreneur est un grand saut. Pouvez-vous nous raconter vos motivations ?

A l’époque, je savais qu’Yves Saint-Laurent allait arrêter et je ne me voyais pas travailler avec d’autres créateurs. Mais j’ai été également très encouragée par mon père, par mon mari – j’avais presque 40 ans – à penser autrement. Je ne voulais plus faire de politique dans l’entreprise mais mettre mon énergie à réussir des projets (personnels, ndlr). Et pourtant je n’ai jamais été formatée par un plan de carrière, les choses se sont faites par volonté, elles se sont succédées et sont venues à moi grâce aux réussites remportées (le secteur du cosmétique a été l’un des plus fructueux du secteur beauté chez YSL pendant son parcours dans la maison, ndlr).

De créatrice à entrepreneur : les difficultés majeures ?

C’est un vrai challenge. En ce qui me concerne, c’était vraiment périlleux. On accorde très peu de crédit entrepreneurial à un créateur surtout quand il a fait ses preuves dans des grandes maisons. Je me suis donc imposée une obligation de résultats, de croissance et de fédérer mes équipes autour d’un même projet. Je crois dans l’obligation de résultats pas seulement pour l’entrepreneur mais aussi pour ses équipes. Quand j’ai commencé by Terry (en 1998, ndlr), j’ai débuté petit : je n’avais pas de velléité d’entreprise internationale. Mais j’arrivais avec un concept complètement révolutionnaire qui était le « sur-mesure », la « haute couleur » et je voulais repositionner le cosmétique comme une valeur fondamentale de l’univers du luxe, comme l’était le parfum. Parce que ce n’était pas le cas.

Pensez-vous que cette rupture de code a été la clé de votre succès ?

Complètement. J’ai été la première à ouvrir ma boutique à mon nom, j’ai créé mon réseau de distribution à travers des boutiques et non pas à travers de grands magasins. Mon idée était totalement marginale et en rupture de tous les codes de l’époque : aussi bien au point de vue esthétique, qu’au point de vue du pricing, qu’au point de vue de la méthodologie des offres (c’est à dire fabriquer autrement, en petites unités). J’ai adapté les pratiques de la haute couture à un rouge à lèvre ou un soin.

Comment avez-vous envisagé et envisagez-vous la croissance de votre entreprise ?

J’ai eu des business plans mais aujourd’hui je ne crois pas au business plan. J’ai toujours eu un slogan : « le papier ne refuse pas l’encre. » Parce que sur le papier vous pouvez aligner tous les chiffres et leurs correspondants. J’ai une vision à long terme : d’entreprise à long terme, créative à long terme. Je n’ai pas fait cela pour vendre au plus offrant. Mon rêve est de créer un groupe de luxe transgénérationnel, que mes petits-enfants vont reprendre. D’ailleurs, mes cadres dirigeants sont ceux qui avaient commencé en tant que stagiaires et j’adore cela. C’est également une des missions de l’entreprise : faire grandir ses salariés.

Récemment, Trump aidant, on parle beaucoup de la place de la femme dans nos sociétés modernes, de l’importance de la parité. Avez-vous remarqué une évolution et/ou avez-vous vécu ce clivage de genre ?

Oh oui. L’évolution, je pense, nous vient des femmes dans la politique et le fait qu’on a eu en France des femmes comme Laurence Parisot, au Medef, ou encore Anne Lauvergeon. Ce sont, pour moi, des grandes pionnières du power task. Ce sont des femmes qui, à force de travailler, ont pris la place des hommes. Car je crois que (certains, ndlr) hommes postulent pour des positions, alors que les femmes sont là pour le travail. D’ailleurs, c’est très intéressant, quand vous recrutez des hommes, ils vous posent des questions que les femmes ne poseront jamais : quel genre de voiture vont-ils avoir, quel type de bureau, de qui dépendront-ils, si des hommes font partie du comité directoire (surtout si c’est une femme qui est PCa) : cela arrive très vite. J’ai eu (nous ne l’avons pas gardé) un PdG qui avait un mal fou à me reporter les informations, il s’adressait uniquement à mon mari (qui fait partie du comité directoire, ndlr) qui lui répondait « mais ce n’est pas moi votre patron ». C’était terrible pour cette personne, il me disait toujours « je vais vous expliquer les choses autrement car vous n’allez pas comprendre». Et à moi de lui rétorquer : « mais qu’est-ce qui vous fait penser que je ne vais pas comprendre (d’emblée, ndlr) ? ».

Justement avez-vous parfois ressenti qu’il vous fallait, en tant que femme entrepreneure, des compétences et/ou des qualités que l’on ne demande pas forcément aux hommes ?

Une femme entrepreneur doit faire preuve de vision, d’intuition, de détermination. Des compétences qui sont également nécessaires aux hommes mais que les femmes doivent posséder en quantité majeure. Elle doit avoir la tête bien faite car elle doit prouver son pouvoir sans pour autant le montrer. Parce que (si elle montre son pouvoir, ndrl) on ne le lui pardonne pas, parce que du coup elle devient pénible. Je vais me mettre les hommes à dos mais j’oserais dire qu’on est plus rapide, moins laborieuse et plus intelligente parce qu’on n’a pas le choix (pour réussir, ndlr).

 

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