Les entreprises familiales sont majoritaires en France. En 2016, elles représentaient 83% du total des entreprises. Pourtant, passer le flambeau n’est pas toujours évident et seules 14% sont reprises par la génération suivante. Dorothée Mani et Anne-Charlotte Fredenucci ont chacune repris l’entreprise de leur père, Evermaps et Ametra. Deux entreprises dans des secteurs très masculins. Témoignages de ces deux femmes qui ont dû s’imposer et faire accepter la succession.
« J’ai fait muter une entreprise familiale. » Aucune fanfaronnade, rien qu’un constat et le résultat d’un dur labeur. Dorothée Mani est directrice générale d’Evermaps depuis 2014. Comme 14% des entreprises familiales*, elle a pris la suite de son père. Pour les générations suivantes, succéder au dirigeant en place est souvent un challenge, tant sur le plan humain que sur celui de l’équilibre économique de l’entreprise. Pour Dorothée Mani, le passage de flambeau s’est fait en douceur, mais non sans difficultés, par une double gouvernance de deux ans. Une période délicate.
Tout commence en 2004. La jeune femme sort de l’Essec et rejoint son père qui édite des annuaires, les fameux Bottin, et des cartes pour les entreprises. En 2007, à l’explosion du numérique, le dirigeant vend l’entreprise, mais conserve la partie cartographie. Ainsi est née Evermaps. Cette société propose du « drive to store » à savoir une solution en ligne qui allie cartographie et géolocalisation pour générer du trafic en magasin. Dorothée Mani prend alors la direction marketing de la société. C’est aussi à cette époque que Google commence à proposer un service gratuit de carte en ligne. « L’enjeu était de faire face aux GAFA », souligne-t-elle. Et donc de passer de la cartographie papier et en ligne aux solutions « drive to store ». Après avoir pris la direction commercial, elle devient Directrice Générale en 2014. Sans licencier, l’entreprise a formé plusieurs membres de l’équipe à prendre le virage du numérique.
« Même vison, mais un management différent »
« La transmission ne s’est pas trop mal passée. J’ai la même vision que mon père, mais pas le même management », raconte Dorothée Mani. Principale difficulté, le passage de témoin. Pour Evermaps, la double gouvernance a été rapide, deux ans. « Le risque est de voir l’ancien Directeur général réaffirmer son leadership de manière ponctuelle. J’ai d’abord été adjointe, et mon père m’a laissé de l’espace petit à petit », souligne la Directrice Générale qui raconte avoir passé beaucoup de temps avec chaque membre de l’équipe. Côté management, elle dit mettre l’accent sur la responsabilité des équipes, et donc s’imposer une certaine transparence.
Aujourd’hui, l’entreprise emploi 24 personnes et a réalisé trois millions de chiffre d’affaires en 2017, dont 400 000 euros de bénéfice. Elle travaille principalement avec des grands groupes et des banques.
Si la transmission de l’entreprise chez Evermaps s’est accompagnée d’une transformation évolutive de l’entreprise, parfois, elle se passe dans un moment de crise. Cela a été le cas d’Ametra, une ETI industrielle reprise en 2009 par Anne-Charlotte Fredenucci.
Aéronautique, spatial, défense, médical, nucléaire… Ametra propose des solutions à la pointe, dans des secteurs de pointe. Une entreprise construite de A à Z par son fondateur, le père d’Anne-Charlotte Fredenucci qui lui indique, quand la jeune femme rejoint l’entreprise familiale qu’elle ferait « un bon bras droit ». Diplômée de l’Essec en 1998, elle passe quelques années en conseil et stratégie, notamment sur Internet. Quand elle rejoint son père, c’est naturellement qu’elle devient cheffe du développement et s’attelle à l’informatisation du groupe. « Mon père avait alors 76 ans, le groupe était ancien, je représentais un changement de génération », raconte-t-elle.
En 2009, c’est la crise. Directement liée à la crise économique mondiale de l’année précédente. « Une crise violente. » Le Directeur général prenait sa retraite, quant au président il avait alors plus de 80 ans. « Mon père voulait déposer le bilan. Pour moi, c’était hors de question, et j’ai alors repris l’entreprise en faisant comprendre à tout le monde qu’une transformation radicale était indispensable. »
Si la reprise a été facile à accepter dans l’entreprise, grâce à ce que certains pourraient qualifier de « droit divin » qui permet aux enfants de reprendre naturellement la société du père, cela a été plus difficile à faire passer auprès de sa sœur et de sa mère. Notamment sur la gouvernance. Pour elle, il est indispensable de « bien faire la différence entre le familial et le patrimonial et l’entreprise ». « J’ai constamment dû rappeler les limites. » Dix ans après, Ametra emploie 650 personnes et le groupe rencontre une croissance de 20% avec 45 millions d’euros de chiffre d’affaires.
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