Dans un monde parallèle, Nazli Mendes aurait pu vivre une vie rangée de femme au foyer en épousant à 18 ans son fiancé. A la fleur de l’âge, c’était l’objectif ultime de cette jeune fille romantique. Et pourtant, dans « ses plans » rien ne s’est passé comme prévu. Lorsqu’elle reconstitue le puzzle de sa destinée, la chef d’entreprise à succès comprend que la succession de combats à mener lui balisaient simplement le terrain jusqu’à son œuvre : Sima Couture. Une marque florissante de robes de mariée et de tenues de soirée devenue la griffe fétiche des célébrités. Parmi elles, Georgina Ronaldo, la très médiatique femme de la star planétaire du ballon rond Ronaldo, les Miss France, en passant par des milliers d’anonymes.
Dernièrement, c’est « l’institutionnalisation » de sa marque qui a propulsé sur le devant de la scène cette femme de l’ombre. Sima Couture a été choisi entre mille pour habiller les reines de beauté au concours national de Miss France. Une consécration. Il faut dire que jusqu’à présent aucun styliste ne s’était vu confier l’honneur de costumer les candidates sur les principaux tableaux : « J’ai été approchée pour confectionner toutes les robes destinées à l’ouverture, soit une trentaine. Le thème était : Titanic. Le Comité Miss France m’a aussi commandé les cinq tenues des finalistes et tous les looks de Diane Leyre qui passait le flambeau. », partage Nazli Mendes. Devenue partenaire officielle de la compétition la plus glamour de l’Hexagone, la designer vit un rêve éveillé. Les tapis rouges, les voyages en business class, les sollicitations de la presse… sont à présent son lot quotidien.
Pour autant, n’attendez pas d’elle de mettre de la distance avec ses clientes de la première heure, des filles ordinaires qu’elle aime plus que tout sublimer, ni de tomber dans le travers des strass et paillettes. La Française d’origine turque continue de défendre sa vision de démocratiser les robes de princesse, d’offrir les plus beaux apparats à ces acheteuses en quête de rayonner le jour J lors de leur cérémonie de mariage ou à l’occasion d’un cocktail dînatoire privé ou professionnel. Lorsqu’on lui répète qu’il est temps pour elle de quitter son showroom du Val d’Oise à Montmagny (95), elle répond par l’ambition de développer un concept encore plus audacieux : celui de bâtir le premier centre commercial de France intégralement dédié à l’univers nuptial. Toujours hors de Paris. L’entrepreneure à succès n’entend pas se faire dicter ses choix. Elle ne veut plus.
Un sentiment de fin du monde
Nazli Mendes reste en effet marquée au fer rouge par sa longue expérience dans un cabinet de recrutement au management toxique l’ayant mené au burn-out. « Tout allait bien dans ma carrière jusqu’au départ à la retraite de mon ancien patron. Cet homme brillant, infiniment respecté de ses équipes, qui vous faisait grandir, a été remplacé par tout son contraire. Son successeur avait installé un climat de terreur, il assumait de pratiquer des discriminations à l’encontre de profils portant un nom à consonnance étrangère. Venir au bureau devenait chaque jour pour moi un cas de conscience. Oui, j’étais très bien payée, mais à quel prix ? Un jour, j’ai été témoin de la discrimination de trop et j’ai poussé un coup de gueule sorti du cœur. Nerveusement, j’étais à bout comme beaucoup de collègues. », confie-t-elle en reprenant régulièrement son souffle.
C’est sur un brancard que la cadre dynamique quittera cette entreprise où elle se voyait poursuivre toute sa carrière.
Elle sombre un temps dans la dépression, remuant son douloureux passé qu’elle avait à peu près réussi à oublier. Elle repense à son enfance coupée de sa mère restée en Turquie pour vivre en France avec son père aimant, mais qui ne voulait plus la partager. Elle ressasse un autre épisode éprouvant lorsque son fiancé la laissera tomber deux semaines avant sa cérémonie de mariage… C’était comme un sentiment de fin du monde.
Désorientée, épuisée, broyant du noir, la désormais chômeuse se souvient d’une scène particulièrement marquante : « A 18 ans, j’ai surpris mon père pleurer comme un enfant sur les genoux de sa mère. Il lui disait – qu’impuissant – il me voyait sombrer dans la dépression et ne savait plus quoi faire pour me redonner le goût de la vie. Il implorait le ciel pour voir de nouveau sa fille adorée sourire. Ce jour-là, j’ai spontanément surgi dans le salon pour le rassurer et lui dire qu’il ne le savait pas encore, mais que je le rendrai fier. J’ai pris une claque qui m’a réveillée. La souffrance de mon père m’était insupportable. », rembobine-t-elle. En convoquant les démons du passé, elle se dit qu’elle devrait mettre à profit ses mois de repos forcé pour s’adonner à son activité favorite : les shooting photos, le stylisme, la couture.
Son mari l’encourage à passer du hobby à une véritable activité salariée. L’idée est très séduisante sur le papier, néanmoins Nazli Mendes n’imagine pas qu’il soit possible de vivre de sa passion. Elle se dit – après tout – qu’elle n’avait rien à perdre en tentant l’aventure. Il faut dire qu’elle ne part pas de zéro, elle maîtrise parfaitement l’organisation d’un événement fashion : de la recherche du lieu, à la négociation avec les prestataires, au choix des mannequins, à la confection des robes…Cette designer du dimanche s’est toujours épanouie le plus en supervisant des shootings dans les plus beaux palaces au sein de localisation de rêve : Venise, Santorin, Istanbul ou Reykjavik…
Chaque série mode devait être esthétiquement parfaite comme si elle était mandatée par un magazine. Début 2017, elle souhaite sortir de l’amateurisme et commence à contacter des ateliers. Objectif, industrialiser ses créations et lancer de véritables collections en s’appuyant sur des designers talentueux. Dans le même temps, elle fait connaissance avec une certaine Silva Erkoc, créatrice fondatrice de la marque déposée Sima Couture. Cette entrepreneure établie en Allemagne est déjà à la tête d’une affaire qui roule, néanmoins elle se heurte à une concurrence de plus en plus féroce et n’arrive pas à développer sa marque hors des frontières germaniques et turques.
De plus, elle dispose d’un carnet d’adresses limités dans l’univers de l’art de vivre ce qui lui ferme bien des portes pour organiser les shootings de ses collections. A l’ère d’Instagram, la cliente finale est très sensible à la scénographie, aux images, elle ne se contente plus d’un visuel figé sur catalogue. Lady Sapiens 3.0 veut qu’on lui raconte une histoire, qu’on la fasse voyager à Venise, Santorin, là où elle compte bien se rendre aussi pour prendre la pose. L’une des aspirations de Silva Erkoc est notamment de se voir ouvrir les portes du mythique Kempinski d’Istanbul. Un hôtel majestueux et iconique posé sur les rives du Bosphore. C’est un défi pour beaucoup que de pouvoir y improviser une séance photos.
A la conquête du marché français
Pas pour Nazli Mendes. Cette forte tête saura convaincre en un éclair les dirigeants. Pleine de bagou, rien ne résiste à la trentenaire quand elle prend la parole. Le soir venu au terme de la session, Silva surprend cette dernière en lui demandant de devenir officiellement son associée. Tout va très vite, Nazli est prise au dépourvu. Pour sa part, elle voulait juste aider une consœur à réaliser un rêve, lui mettre des étoiles dans les yeux. Mais face au sérieux de l’Allemande, elle comprend que les astres sont alignés : « J’ai accepté en posant une condition, celle de lancer Sima Couture en France et de conserver l’exclusivité sur le marché français. », relate-t-elle.
C’est le début d’un projet fou car il s’agit là de se faire un nom dans la capitale mondiale de la mode… Qu’importe, le train est lancé, l’associée et son mari travaillent d’arrache-pied pour propulser la marque. Premiers défis : trouver un espace généreux et créer une identité forte autour de la griffe afin de se distinguer. Le couple a un coup de cœur pour un ancien entrepôt à proximité de leur commune du Val d’Oise. Il le réaménage de fond en comble pour le métamorphoser en boutique élégante avec canapés et table basse design pour offrir également un espace détente. L’expérientiel est très vite intégré à leur grille de lecture.
Tout semble enfin aller dans le bon sens avant qu’un nouveau coup dur ne s’abatte sur Nazli : l’entreprise de son mari traverse une crise sectorielle, le secteur du BTP est en berne… Ce nouveau projet devient leur planche de salut au cas où. L’échec, n’est plus une option. La désormais entrepreneure mise tout sur Instagram pour gagner en visibilité. Sa stratégie digitale consistera à reproduire sur écran ce qu’elle sait faire de mieux : la mise en scène de shootings et de ses collections. Son génie sera aussi de mettre en vedette ses premières clientes ravies pour certaines de partager leurs essayages, leurs émotions en trouvant LA robe de mariée. « Une rencontre à part entière », vous diront des spécialistes du secteur.
Au fil des publications empreintes d’authenticité, le nombre d’abonnés augmentent exponentiellement et une solide communauté autour de Sima Couture se constitue. Rapidement, des influençeuses en vue contactent l’enseigne pour des collaborations. Bientôt, des Miss en devenir s’intéressent aux créations à l’instar d’Amandine Petit qui sera sacrée Miss France 2021. Le nom de Nazli Mendes circule de partout jusqu’à atteindre TF1 qui dépêchera une équipe pour une interview. La machine s’emballe, SIMA Couture est assailli de demandes auxquelles répond personnellement la fondatrice. Il faut dire que la maison détonne dans le paysage en faisant le trait d’union entre anonymes et célébrités, en proposant des robes haut de gamme, cousues main, à des prix accessibles.
Un luxe abordable pour lequel l’instigatrice se bat au quotidien afin de demeurer compétitive.
Dans le petit microcosme, des mauvaises langues lui prédisent une fin prochaine, ce ne serait qu’un « feu de paille ». La femme d’affaires répondra par un nouveau coup de maître, celui d’habiller l’une des personnalités les suivies : Georgina Ronaldo, qui forme au côté de son footballeur de mari un power couple. La robe rouge flamboyant signée Sima Couture qui tape dans l’œil de la cover girl, fait le tour du monde et des magazines…Cette publicité gratuite l’installe solidement parmi les marques de mode digital natif qui comptent. Attirant à présent des clientes de toute l’Europe, du Moyen-Orient, d’Afrique et même d’Etats-Unis, la griffe n’a de cesse de grandir jusqu’à sceller ce partenariat en or avec le comité Miss France.
Dans ce conte de fées, Nazli Mendes tient particulièrement à souligner que ses premières égéries demeureront toujours les clientes non célèbres, le grand public à qui elle s’efforce d’offrir de la beauté, de la magie, des souvenirs. En attendant de les accueillir dans son centre commercial inédit, elle leur rappelle qu’aucun rêve n’est impossible.
Pour aller plus loin :
Sima Couture
201 Rue Jules Ferry
95360 Montmagny
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