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Success Story : Alexia Laroche-Joubert, une architecte de l’entertainment

Alexia Laroche Joubert
Alexia Laroche Joubert

De Loft Story à Star Academy, en passant par Koh-lanta Alexia Laroche-Joubert a marqué plusieurs générations en réinventant le paysage médiatique avec des émissions devenues cultes. Elle a toujours su capter l’air du temps et bousculer les codes du divertissement. Aujourd’hui à la tête d’un groupe Banijay, elle continue d’innover avec une énergie inépuisable. Entre défis, management et vision stratégique, retour sur le parcours d’une femme qui, depuis ses débuts, façonne l’histoire du petit écran. Interview.


Vous avez débuté très tôt dans l’audiovisuel, portée par un environnement familial déjà très ancré dans ce milieu. Qu’est-ce qui vous a vraiment donné envie de faire carrière dans ce secteur ?

ALJ : Disons que j’étais presque programmée pour ça ! Ma mère était grand reporter de guerre, mon beau-père l’un des fondateurs de Canal+. Ça m’a permis de baigner dans l’univers de la télé, de voir comment ça fonctionnait en coulisses. Très tôt, j’ai accompagné ma mère en reportage et en salle de montage, et j’étais fascinée par la façon dont les histoires prenaient forme à l’écran. J’ai vu des heures de rush se transformer en récits captivants, et cela m’a marquée. Cette immersion m’a aussi appris l’importance du rythme et du storytelling dans la production.

Et puis j’ai eu la chance de cumuler beaucoup de petits boulots dans l’audiovisuel, ce qui m’a permis de toucher à tout : assistante de réalisation, script, assistante de production… J’ai même fait la météo à une époque ! Tout cela m’a donné une compréhension globale du métier et un goût pour l’action.


Vous avez ensuite produit des émissions majeures, comme Loft Story, qui a littéralement changé la donne en France. Qu’est-ce qui vous a convaincue de miser sur ce concept alors très controversé ?

ALJ : En fait, j’ai lu un article sur John de Mol et son Big Brother hollandais. J’ai tout de suite senti qu’il y avait un côté profondément nouveau et disruptif. À l’époque, on ne connaissait pas la télé-réalité ; tout se jouait un peu à l’instinct. J’aimais l’idée d’expérimenter un format totalement inédit.

Et comme personne ne voulait le produire, pour des raisons éthiques ou de disponibilité, j’ai sauté sur l’occasion. Honnêtement, je savais que ça allait secouer le paysage audiovisuel, mais je n’imaginais pas l’ampleur du phénomène. Le lendemain de la première diffusion, il y avait des débats passionnés dans la presse, et moi, j’étais en pleine gestion de l’émission, sans trop réaliser à quel point ça bousculait la société.

Comment l’avez-vous vécu ?

ALJ : Sur le moment, je n’avais pas vraiment le temps de réaliser. J’étais plongée dans la production, dans l’organisation quotidienne du programme, et je voyais bien que ça prenait une ampleur énorme, mais j’étais trop occupée pour prendre du recul. C’est avec le temps, et en voyant les réactions dans la presse, sur le terrain, que j’ai compris que Loft Story n’était pas juste une émission de télé, mais un véritable phénomène de société. Il y avait un mélange d’enthousiasme, de rejet, de fascination… et moi, j’étais au milieu de tout ça, essayant juste de faire en sorte que l’émission fonctionne chaque jour.

Après ce succès, vous avez lancé Star Academy sur TF1, qui a également explosé les records d’audience. Comment gérez-vous la pression et la responsabilité de ces grands projets, qui mobilisent énormément d’équipes et de moyens ?

ALJ : C’est vrai qu’on se retrouve à la tête d’une grosse machine. On ne va pas se mentir : c’est très intense. Mais je suis quelqu’un d’assez hyperactif, j’adore être dans l’action.

La clé, c’est de bien s’entourer : nos équipes sont composées de gens passionnés et compétents. On se soutient mutuellement dans la gestion du stress. Ce qui fait la force d’une émission comme Star Academy, c’est qu’on y met du cœur. Le public le ressent. On n’est pas là pour simplement produire du contenu, on veut raconter quelque chose, offrir une expérience qui marque les esprits.

La question de l’inclusivité s’est posée très tôt pour vous. Vous avez mis à la télé des personnes issues de tous milieux et origines, donnant ainsi une visibilité nouvelle à des profils parfois absents du paysage audiovisuel. Quelle a été votre approche face à ces choix de casting et comment les avez-vous vécus ?

ALJ : Pour moi, c’était une évidence. Je n’ai jamais cherché à faire de l’inclusivité un combat marketing ou un argument. J’ai toujours pensé que la télévision devait refléter la société dans toute sa diversité. Quand je faisais des castings, je ne me posais pas la question de l’origine, du genre ou de la couleur de peau des candidats. Ce qui comptait, c’était le talent, la personnalité, ce qu’ils pouvaient apporter à l’émission.

J’ai été l’une des premières à mettre en avant des personnes transgenres et racisées à la télévision, simplement parce qu’ils avaient leur place. À l’époque, ce n’était pas courant et cela a suscité des débats, mais pour moi, c’était naturel. Peu importe d’où tu viens, si tu as du talent, tu fais la Star Ac ; sinon, tu ne la fais pas. J’espère que cela a contribué à ouvrir des discussions et à faire évoluer les mentalités.

Cela a permis d’ouvrir des discussions et, je l’espère, de contribuer à une évolution des mentalités. Aujourd’hui, ces questions sont plus centrales dans le débat public, mais il y a encore du chemin à faire pour que la télévision soit le reflet fidèle de la société dans toute sa richesse et sa diversité. 

Vous évoluez dans un milieu extrêmement compétitif où l’échec fait partie du parcours. Comment le vivez-vous et comment rebondit-on après un revers ?

ALJ : L’échec, c’est une réalité incontournable dans ce métier. Pour 15 projets que vous défendez, il y en a peut-être un seul qui verra le jour. Mais quand un projet marche et rencontre son public, c’est magique. C’est cette petite flamme qui nourrit notre envie de produire toujours plus et toujours mieux. La télé, c’est aussi ça : un métier de persévérance où chaque succès rachète les nombreux refus et obstacles qu’on a rencontrés sur le chemin.

 
 
 
 
 
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Vous êtes aujourd’hui à la tête de Banijay France, un groupe audiovisuel qui rassemble plusieurs sociétés de production. Comment s’organise votre quotidien de dirigeante, quand on connaît l’exigence de l’antenne et la diversité des projets ?

ALJ :  Je jongle beaucoup ! (Rires) Mon rôle principal, c’est d’assurer une vision stratégique tout en accompagnant les équipes dans leur développement. Ce qui m’a donné une vraie légitimité en arrivant à la tête du groupe, c’est que j’ai exercé presque tous les métiers avant. J’ai été sur le terrain, j’ai produit, négocié, travaillé avec les chaînes. Cela me permet de comprendre les difficultés des équipes et d’adopter un management basé sur l’accompagnement. Mon objectif est d’aider à structurer, innover et permettre aux talents de s’exprimer pleinement, tout en assurant la pérennité et la croissance du groupe. Je ne suis pas une dirigeante qui dicte en permanence. Je suis plutôt là pour apporter une vision, arbitrer parfois, encourager toujours.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la télé-réalité, un genre qui a profondément évolué depuis ses débuts ?

ALJ : La télé-réalité, c’est l’histoire d’une mort annoncée qui ne vient jamais. Depuis ses débuts, on prédit sa fin, mais elle continue d’exister et de captiver un large public. Elle a connu beaucoup de transformations. À l’époque du Loft et de Star Academy, il y avait une vraie fraîcheur, un aspect expérimental qui a disparu avec le temps. Aujourd’hui, elle s’est professionnalisée, avec des candidats qui savent exactement comment se comporter face aux caméras et qui savent très bien pourquoi ils sont la. La télé-réalité reste un format incontournable qui permet aux chaînes de capter un public jeune, ce qui est essentiel dans un paysage médiatique qui évolue vers le digital. 

Vous avez également produit de la fiction, comme la série Culte, inspirée de l’époque du Loft. Pourquoi avoir choisi de la proposer à une plateforme  Prime Video plutôt qu’à une chaîne traditionnelle ?

ALJ : Les plateformes autorisent un ton plus libre, moins « formaté » famille, si je puis dire. Pour raconter l’histoire, ou plutôt les dessous du Loft, je voulais pouvoir être franche, sans craindre les limites d’une diffusions sur les chaine concernées par cette histoire. Sur M6 ou TF1, il aurait été difficile d’avoir la même liberté de ton et de ne pas lisser certains aspects de l’histoire.

C’était donc logique de tenter l’aventure chez Amazon. Et puis, il y avait une forme d’ironie à raconter les coulisses d’un programme qui avait révolutionné la télé en utilisant un média qui révolutionne, à son tour, notre manière de consommer du contenu.

 Aujourd’hui, alors que la télévision traditionnelle se transforme et que les jeunes se tournent vers les plateformes et les réseaux sociaux, quels sont, selon vous, les enjeux pour les prochaines années ?

ALJ : Le gros enjeu, c’est la capacité des grandes chaînes à évoluer vers des services digitaux. Elles doivent proposer des contenus innovants, des formats plus courts, plus adaptés au public qui consomme l’info et le divertissement en mobilité. La transition vers ces nouveaux modes de consommation ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme une opportunité de repenser la manière dont on engage le public. L’enjeu est d’expérimenter de nouveaux formats tout en conservant ce qui fait la force des grandes chaînes : leur capacité à fédérer une audience large et à proposer des contenus de qualité. C’est un défi passionnant, mais qui demande de l’audace et une vraie vision stratégique.

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