Il n’aura fallu que trois décennies à la marque Valmont pour s’ériger en fer de lance du savoir-faire cosmétologique suisse et pour fédérer un cercle d’inconditionnels fréquentant les murs dorés des palaces, les grands magasins et les plus beaux spas du monde. Cette saga familiale a pris un tournant décisif dans les années 2000 avec l’arrivée de Sophie Guillon. Elle a transformé la marque aux côtés de son mari, Didier Guillon. Rencontre avec une femme d’affaires visionnaire.
Les murs d’un blanc immaculé sont habillés d’œuvres d’art contemporain, ethnique ou rétro qui témoignent d’un univers créatif foisonnant. Des crèmes, des sérums et des fioles Storie Veneziane en verre soufflé et aux couleurs chatoyantes, façonnées tels des visages, trônent élégamment sur du mobilier précieux. Le visiteur pourrait aisément s’imaginer évoluer dans une prestigieuse galerie d’art. Le bâtiment, lui, affiche un point de vue imprenable sur les rives du lac Léman. Le soleil, si généreux en cette matinée presque printanière, renforce l’idée de carte postale rattachée à Morges, ville bourgeoise de Suisse romande. C’est ici qu’a élu domicile le groupe CVL Cosmetics SA, plus communément appelé Valmont.
Depuis ce siège où s’affairent 70 collaborateurs (sur un effectif global de 500 salariés répartis à travers le monde), le tandem français Sophie Guillon, CEO de la marque, et Didier Guillon, président et directeur artistique de la société, pilote de concert un véritable empire de la cosmétique. Avec son allure griffée, toute parisienne, Sophie Guillon initie Forbes à la success-story de l’entreprise qui réussit chaque année la prouesse de doubler son chiffre d’affaires.
Culture du luxe
Sur les bancs de l’Essec où elle a étudié le marketing international, l’entrepreneure s’est forgée une solide culture du business appliqué à l’export. Ses passages chez Sanofi Beauté et Yves Saint Laurent, branche cosmétologie, seront des étapes clés. « Mes premières années ont été charnières, car c’était des années de terrain qui m’ont permis de me confronter à d’autres cultures, à d’autres manières de consommer. J’ai toujours été intéressée par le triptyque origine, marque et distribution, par la manière d’appréhender le business à 360° », explique cette brune de caractère. Ses sept années d’immersion dans l’iconique temple du chic hexagonal YSL lui permettent de ciseler sa culture du luxe et d’en maîtriser les codes. Parfaitement. Cette sensibilité sera cruciale dans la suite de sa carrière au sein de l’entreprise conjugale qu’elle transformera en écrin.
Aborder Sophie Guillon, c’est aussi lever le voile sur sa rencontre providentielle avec Didier Guillon, héritier d’un groupe familial d’industriels. Son père, Claude Guillon, a notamment co-fondé en 1950 l’entreprise à succès Expanscience au côté de l’entrepreneur Paul Berthomé. La société, connue pour détenir la pépite ‘Mustela’, a développé un savoir-faire éprouvé en matière de prise en charge de pathologies rhumatologiques et dermatologiques. En 1996, le fils de Paul Berthomé, Jean-Paul Berthomé, a racheté l’intégralité des parts à la famille Guillon.
Cet héritage patronymique place également l’homme d’affaires dans une lignée de fins collectionneurs d’art, une passion qu’il perpétue ardemment. Dans les années 1980, Didier Guillon est dépêché en Suisse par le patriarche pour mettre un pied dans le monde feutré de la cosmétique helvétique : charge à lui de réveiller cette belle endormie appelée Valmont qui vient de tomber dans l’escarcelle familiale. Il faut dire que le marché est prometteur avec ces grandes fortunes qui affluent tous azimuts dans l’espoir de déjouer l’œuvre du temps en se confrontant à la science anti-âge suisse érigée comme référence mondiale. D’autant que les classes moyennes ne sont pas en reste en voulant, elles aussi, accéder à la vénusté.
Brique par brique, l’entrepreneur construit, affermit la marque. Imprégné des valeurs de rigueur, de pragmatisme, de précision propres à sa nouvelle terre d’accueil, Didier Guillon se laisse le temps qu’il faut pour faire émerger un champion crédible. « Nous ne sommes pas dans la tendance ou le glamour, mais dans la confiance, l’efficacité, le résultat. », commente celui qui a démarré l’affaire depuis le sous-sol d’un bureau avec « vue sur les poubelles » à Lausanne. Son équipe de biologistes et cosmétologues suisses triés sur le volet s’applique à étudier la cellulothérapie dans toute sa complexité. Objectif : pénétrer au cœur même de la cellule, dans son noyau, pour extraire avec un procédé breveté unique dans l’industrie deux molécules aux vertus anti-âge remarquables : l’ADN et l’ARN.
Par une technique d’extraction « secret défense », Valmont réussit à recueillir intactes ces macromolécules, conservant de facto leur capital régénérateur. Il sera par ailleurs décidé de faire entrer dans la composition des produits de la marque l’eau des glaciers, puisée à 2 000 mètres d’altitude dans le canton de Valais, et la laitance de saumon sauvage du Canada.
Le savoir-faire, l’innovation et le cœur sont là, mais les débuts restent néanmoins poussifs. « À mon arrivée début 2000, il manquait cet accompagnement opérationnel pour mettre en pratique l’aspect visionnaire de Didier », développe Sophie Guillon, qui va vite endosser le rôle d’hémisphère gauche dans le binôme, tout en jonglant avec son rôle de jeune maman. Son âme de scientifique la pousse à étudier toutes les peaux « qui ne sont pas identiques et qui n’ont pas toutes la même épaisseur d’épiderme, de derme. Il fallait accorder nos produits avec la réalité de la cliente, laquelle est plurielle. » Son instinct, qui ne l’a jamais trahie, l’amène également à appréhender la femme sous l’angle de sa personnalité, de son style de vie, de ce qu’elle a pu observer lors de ses déplacements sur les cinq continents. « Les femmes, je les trouve passionnantes, vibrantes et si inspirantes !».
De succès en succès
Quant aux Françaises, « elles sont certainement les plus exigeantes et expertes en matière de cosmétiques », confie celle qui fera la jonction entre les blouses blanches et la cliente finale. « J’ai entrepris un travail de fond sur l’identité de la marque. Le challenge était double : concilier le côté clinique, sévère et authentique de la cosmétique suisse – en respect avec l’ADN de Valmont – avec les notions de préciosité, de raffinement et d’exclusivité inhérentes au monde du luxe qui m’habitait. », poursuit l’architecte de la modernisation de la marque.
En 2003, la gamme « Radiance » est la conclusion de cette nouvelle impulsion : « Nous avons été précurseurs en lançant le concept de l’éclat, qui aujourd’hui est entré dans les mœurs. » Un pari risqué pour l’époque, mais un pari réussi ! Très rapidement, Valmont réalise son deuxième coup de maître : se faire accepter aussi bien par les professionnels de la beauté, comme les esthéticiennes et les cabinets de médecine esthétique, que par les grands magasins, à l’instar du Bon Marché, et enfin, tout aussi stratégique, par les spas.
Ces collaborations signent une nouvelle ère, hissant le groupe de succès en succès, parmi lesquels un partenariat de dix ans avec la compagnie aérienne Swiss Air. D’un vol à un autre et d’un spa à un institut d’esthétique, le bouche-à-oreille fait son œuvre. « Valmont, c’est le gage d’une efficacité visible : quand vous commencez à utiliser nos cosmétiques, cela se voit, lorsque vous arrêtez, cela se voit aussi… Par conséquent, la confiance se crée très rapidement entre la cliente et son élixir, et cela n’a pas de prix ! Notre taux de fidélité est exceptionnel. », se félicite Sophie Guillon. Très vite, les palaces s’intéressent à la marque qu’ils convient dans leurs murs dorés, et surtout… bien fréquentés. Du Meurice à Paris, aux Airelles à Courchevel, au Plaza Athénée à New York, en passant par Constance Halaveli aux Maldives et par de nombreux Relais & Châteaux, Valmont pénètre dans l’élite de l’hôtellerie internationale pour ne plus la quitter. « Cela procure une fierté et un sentiment de reconnaissance de l’excellence de nos produits », observe cette gardienne de la qualité de la marque.
Dans un univers aussi concurrentiel que dynamique, où chaque maison défend son pré carré et ses parts de marché, la créativité reste de mise, tandis que l’innovation doit présider à chaque action. Sophie Guillon en a pleinement conscience : « Être au sommet, c’est bien, mais y rester, c’est encore mieux. » Sa clairvoyance lui fait pressentir de dépoussiérer le soin pilote « Renewing Pack », un masque liftant qui remonte aux origines de la saga et dont elle charge ses marmitons de perfectionner la formule. Pour ce faire, elle passera plus de temps dans les laboratoires qu’à courir le monde. Encore un choix judicieux. Le produit quintessencié va se vendre comme des petits pains pour devenir son plus grand best-seller à ce jour. Ses collaborateurs décrivent volontiers Sophie Guillon comme « exigeante et perfectionniste », elle assume pleinement ces qualificatifs. Son seul standard est l’excellence, rétorque cette hyperactive.
En quinze ans, la société est passée de cinq marchés à une cinquantaine, tandis que la gamme de cosmétiques s’est enrichie de 15 à 120 produits. À présent, le groupe veut développer son concept de « Maisons Valmont » dans des pays aussi stratégiques que la France. « Nos maisons sont conçues comme un laboratoire de la beauté, où l’expérience client est élevée à un niveau ultime. Des œuvres d’art associées à des éléments décoratifs tels que de beaux vases fabriqués à la main à Murano, ainsi que d’autres surprises, égaient le parcours du visiteur, qui sera accompagné de la manière la plus délicate, personnalisée et efficace qui soit. Dès nos origines, Valmont a toujours considéré l’art et la beauté comme deux composantes indissociables. », expose Sophie Guillon.
Et c’est tout logiquement près de la place Vendôme, rue Castiglione, que sera inaugurée prochainement la première Maison Valmont française.
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