Sonia Souid est l’une des rares femmes agents de footballeurs au monde avec à son actif des exploits notables comme le fait d’avoir, en 2012, permis le premier transfert d’un joueur venu du Golfe persique, Hamdan Al Kamali, en Europe. Ou encore de s’être engagée pour la promotion du football féminin jusqu’à avoir obtenu le transfert payant d’une femme footballeuse en France. Retour sur un parcours en zigzag qui ne l’a finalement pas éloignée de son premier amour : le sport.
Avec sa peau caramel, ses yeux noisettes, ses 1m81 et sa voix douce, Sonia Souid aurait pu être la tête d’affiche de grands films. Elle aurait pu se contenter de son physique, cadeau inné, or elle a préféré utiliser sa vive intelligence et sa capacité de travail hors normes afin de porter avec sensualité le costume d’agent sportif. Une passion qui lui a été transmise par sa famille : son père, Moncef, travaille dans les pays du Golfe Persique depuis une quinzaine d’années en tant que préparateur physique dans le monde du football. Son frère, Samy, use le ballon rond depuis ses cinq ans. Sa mère, elle, est arrivée d’Algérie enceinte. La parturiente est professeure de mathématiques, avant d’évoluer en auxiliaire de vie dans un EHPAD.
Née à Clermont-Ferrand le 19 juin 1985, Sonia Souid vit jusqu’à ses 15 ans dans le quartier des Vergnes. « L’un des plus défavorisés du coin, mais non loin du stade de foot ! » lance-t-elle, joyeuse. En 2000, elle passe le plus clair de son temps sur les terrains de volley-ball et intègre le centre de formation de Riom, dans le Puy-de-Dôme, avant de devenir joueuse professionnelle. « 20h de volley par semaine, en plus des cours ». En 2003, son bac en poche, elle intègre la fac de médecine mais la même année le concours de Miss Auvergne, qu’elle remporte, l’éloigne des schémas d’anatomie. À l’issue de sa deuxième PCEM1, elle obtient un poste de sage-femme qui ne l’intéresse guère. À l’aube de ses 19 ans, comme de nombreux provinciaux, une idée parcourt son cerveau… « Partir à la conquête de la capitale». Des mois durant lesquels elle travaillera en tant que mannequin ou hôtesse dans des salons. Les cours d’art dramatique, les cours Florent, le studio Pygalion ne la contenteront pas plus que ça. Du reste, apporteur d’affaires dans l’immobilier de luxe pendant quatre ans, elle en profite pour voyager, établir un réseau et développer une capacité de négociation impressionnante.
En 2009, la nostalgie du sport l’envahit. Après s’être renseignée auprès de la Fédération Française de Football (FFF), elle n’hésite pas à leur faire parvenir son CV ainsi qu’un chèque de 200 euros. Coup d’envoi réussi : en avril 2010, ses révisions en autodidacte sont concluantes, elle obtient sa licence. Une voie qui sera loin d’être coulante. En tant que femme, ex-miss Auvergne, ses interlocuteurs croyaient peu en elle. « Les Présidents, les membres du staff ou autres pensaient que je n’étais pas réellement agent. On me fermait la porte au nez ».
Fait étonnant, c’est au Émirats arabes unis, et non en France donc, qu’on lui ouvre les portes des grands bureaux afin de l’écouter. À son compte jusqu’en 2013, Sonia Souid finit par rejoindre le quatrième groupe mondial dans le domaine du sport, CSM Sport & Entertainment, présidé par Sebastien Coe. Avec leurs 25 bureaux à travers le monde, elle n’hésite pas à embraquer vers des destinations parfois surprenantes. Corée du Sud, Japon, Chine, Iran, les nouveaux marchés la stimule… « Il y a des talents partout et pas forcément qu’en Europe » avance-t-elle, visionnaire. Cela lui permet de maîtriser quatre langues. « Une véritable valeur ajoutée », confie-t-elle.
Le premier joueur qui lui signe un contrat de mandat est Ismail Matar – le Zidane des Émirats. En France, Jean-Michel Aulas lui accorde sa confiance. Aujourd’hui, son équipe gère une quarantaine de joueurs dans différents championnats.
Du métier d’agent, elle précise qu’il en existe deux types : l’agent qui est une sorte de manager de joueur, mandaté pour un ou deux ans, qui va s’occuper de son client et de son agenda, et l’agent qui se rapproche des clubs, leur proposant des profils. « Les deux activités ne sont pas incompatibles » précise-t-elle. Agent double, elle sait pour sa part autant négocier un contrat que conseiller un club.
Sur son salaire, elle reste très discrète. « Sur 400 agents licenciés, seuls 40 en vivent. En France, une poignée d’agents est milliardaire, moi j’en vis plutôt bien mais c’est loin d’être le cas de tous ». De ce milieu essentiellement masculin, concurrentiel, dans lequel il faut oser des opérations financières risquées, la jeune femme, loin d’être naïve, explique que ces défis audacieux sont d’autant plus réalisables lorsque l’agent a lui-même une assise financière stable et un réseau solide. « Je ne vous cache pas que le football abîme » souffle-t-elle. « Cela peut déformer une personnalité et c’est une passion qui consume. Il faut se préserver, prendre du temps pour ses enfants… Personnellement, je ne souhaite pas me réveiller à 50 ans en ayant oublié ma vie de femme ».
En quelques printemps, son don atavique pour le sport l’aura emporté sur ses expériences précédentes. Grâce à des coups tels que l’arrivée de Corinne Diacre à Clermont, le prêt d’Al Kamali à l’OL, le premier transfert payant en foot féminin en France, la négociation de Lucas Ocampos à Marseille, Sonia Souid nous réserve encore de belles surprises…
Pegah Hosseini
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