Plus épanouie que jamais dans sa nouvelle vie de serial entrepreneure, Sarah Ourahmoune, la boxeuse française la plus médaillée de l’Histoire, met à présent sa combativité au service des entreprises. La championne olympique nous raconte comment elle a su transposer les valeurs de la boxe au monde salarié à travers ses ateliers ‘Boxer Inside’. Très engagée également sur le ring sociétal, elle vient de publier son autobiographie « Mes combats de femme ». Interview.
Vice-championne olympique de boxe, championne du monde, ambassadrice des J.O Paris 2024, entrepreneure, écrivaine et maman de deux enfants… A 37 ans, vous avez déjà eu plusieurs vies. D’où vient ce besoin de se challenger constamment ?
J’ai toujours eu ce besoin de voyager d’un univers à l’autre, de me lancer sur plusieurs projets en parallèle. Avoir plusieurs casquettes est un vrai moteur chez moi. Je suis également habitée par la nécessité de me remettre sans cesse en question, de progresser et d’apprendre.
Au sommet de votre gloire, vous avez suivi la voie entrepreneuriale en fondant ‘Boxer Inside’ après une incubation à Sciences Po. Racontez-nous la genèse de ce projet.
J’ai suivi à Sciences Po un séminaire intitulé « Initiation à l’entrepreneuriat » dirigé par Jacques-Henri Eyraud, l’actuel président de l’Olympique de Marseille. A l’issue de chaque cours, des entrepreneurs venaient échanger avec nous. J’ai retrouvé dans leurs discours inspirants les valeurs qui me portent, qui me motivent dans la pratique de mon sport : la persévérance, le collectif, la compétition, la remise en question permanente, la recherche de l’excellence…des situations qui ont une forte résonance en moi. Dès lors, j’ai décidé de mettre ma passion et mon expérience de la boxe au service d’une nouvelle vocation : l’entrepreneuriat. Ainsi et, très naturellement, est né ‘Boxer Inside’.
Ce début d’année, j’ai créé une seconde entreprise : ‘La tête et les baskets’. Il est également question de faire dialoguer mes univers de prédilection, le sport, la nature, ainsi que cette forte envie d’apprendre par le biais de découvertes. Celles-ci pouvant prendre la forme de séjours expérientiels dans des lieux naturels d’exception : montagne, désert…Autant d’expériences multi-inspirationnelles à vivre à plusieurs pour s’évader, repousser ses limites et se révéler !
Concrètement, en quoi consiste votre concept ‘Boxer Inside’ ?
Boxer Inside, ce sont des conférences inspirantes et des ateliers boxe où différentes thématiques sont traitées. Cela peut être : l’ambition, l’audace, la peur, l’innovation sous tension. Parfois, j’associe les deux : une conférence suivie d’un atelier boxe sur le même thème. Munis de gants et de façon très ludique, les participants mettent en pratique les notions abordées en conférence.
La boxe, dit-on, est une école de la vie. En quoi les valeurs intrinsèques à ce sport peuvent-elles faire écho au monde rigide de l’entreprise ?
Les valeurs intrinsèques à la boxe sont tout à fait transposables et solubles dans la vie personnelle et professionnelle. La remise en question, le goût de l’effort, la persévérance, la discipline mais aussi la gestion des émotions et la bonne connaissance de soi (points forts et points faibles) nous habitent tous à des degrés divers. La boxe m’aide à me dépasser et à faire preuve de générosité dans l’effort et dans mon relationnel. Cette activité impose une prise de risque constante. Quand on boxe, on est amené à élaborer une stratégie en fonction de l’adversaire, et chaque coup porté est une prise de risque, car on s’expose à une attaque adverse. Cette tension permanente et cette exposition au risque sont donc nécessaire à la réussite d’un combat. Elle l’est aussi dans ma vie d’entrepreneure.
Finalement, cette reconversion s’inscrit dans une suite logique…
Je dois dire que la pratique d’un sport à haut niveau est finalement presque plus facile que la vie d’entrepreneur ! Je m’explique : un athlète se prépare, il se met en danger pour explorer ses limites, et ce n’est que lorsqu’il monte sur le ring qu’il se met à nu. A rebours de l’entrepreneur qui se retrouve tout de suite exposé à la compétition, dès son entrée dans l’arène. Il n’y a pas de véritable phase d’entraînement puisque l’apprentissage se fait sur le tas. Etre entrepreneur, c’est la possibilité de se réaliser et de réussir de plusieurs façons. On peut vivre une belle histoire entrepreneuriale, et exister comme chef d’entreprise, sans avoir la médaille d’or… Une philosophie bien plus compliquée dans le monde de la boxe car on est soit numéro 1, soit on n’est rien. La médaille d’argent est portée par un anonyme… Maintenant que je ne boxe plus, je m’épanouis pleinement dans ma vie d’entrepreneure.
Quid des entreprises que vous accompagnez aujourd’hui à travers le concept Boxer Inside ? A quels écueils vous heurtez-vous ?
Mes clients sont très variés. Je travaille aussi bien avec des grands groupes cotés évoluant dans le domaine du luxe, de l’assurance, dans l’audit et le conseil, mais aussi avec des PME, des collectivités et des associations. Quand j’ai débuté mon activité, certains patrons craignaient que leurs collaborateurs ne se servent de l’atelier boxe comme une occasion de régler leurs comptes… Ce n’est pas du tout le cas ! A travers Boxer Inside, les salariés collaborent, respectent mes consignes et s’amusent également.
Aujourd’hui, l’image de la boxe a énormément évolué socialement. On l’appréhende davantage comme un excellent outil de développement personnel tout en créditant ce sport de valeurs positives.
Que recommanderiez-vous aux nombreux entrepreneurs qui lisent Forbes pour atteindre leurs objectifs et faire face à l’adversité ?
Ce que je retiens de mes années d’athlète, c’est la chance d’avoir trouvé une réelle passion. La passion pour la boxe m’a permis de surmonter plus facilement les difficultés : en définitive, la passion est plus forte que l’effort. La boxe a donné du sens à ma vie, une direction, une signification. De fait, le premier conseil que je donnerai est celui de prendre son rêve au sérieux et de se donner les moyens de le réaliser. Oser croire en ses chances humblement, résister aux jugements des autres et agir sans chercher à se justifier. Le second est de se fixer des objectifs intérieurs (basés sur des engagements personnels, qui dépendent directement de soi), plutôt que de se fixer des objectifs uniquement quantitatifs, de résultats (extérieurs). Une démarche qui peut prendre la forme d’un engagement à améliorer telle qualité ou à s’attaquer à tel défaut. Parfois, les résultats sont décevants et pourtant les objectifs personnels sont en voie de se réaliser… Cela payera forcément à un moment ou à un autre…
Et mon ultime recommandation est de se concentrer sur ce qu’on peut contrôler. Sa propre performance, par exemple, car elle dépendra de soi. Plus on est concentré sur des éléments incontrôlables, moins on sera dispersé.
Vous avez publié ce printemps votre autobiographie « Mes combats de femme » aux éditions Robert Laffont. Ce livre rappelle combien vous êtes une femme engagée. Ces ‘combats’, quels sont-ils ?
Mes combats sont multiples. Ce sont surtout des combats pour l’Egalité. J’ai toujours été très engagée auprès de ceux que la vie a « cassés ». Aujourd’hui, je suis investie, notamment auprès du ‘Comité National Olympique du Sport Français’, sur des sujets ayant trait à la mixité. Mes actions sont tournées sur la place des Femmes dans le sport mais aussi au niveau des postes à responsabilité. J’ai aussi des engagements auprès de ‘Paris 2024’ et du ‘Conseil National des Villes’ pour valoriser les territoires et faire en sorte que les habitants des quartiers voient leurs conditions de vie s’améliorer.
D’origine algérienne et élevée à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, vous êtes un exemple de réussite sociale. Qu’avez-vous envie de dire aux personnes qui pensent que « l’ascenseur social » ne fonctionne plus en France en 2019 ?
J’aime à penser que même si l’ascenseur social est en panne, il faut se battre pour prendre l’escalier ou la cheminée. Il y a de beaux exemples dans les quartiers. De belles réussites qu’il faut valoriser pour créer de l’espoir et de l’ambition chez les jeunes. Alors oui, c’est dur, plus qu’ailleurs, et c’est aussi pour ces raisons que je m’engage pour faire bouger les lignes.
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