Où sont passés l’esprit critique et la prise de recul ? Dans l’organisation moderne, réactivité et efficacité dominent, imposées par une concurrence accrue et la pression des marchés financiers, les entreprises sont incitées à innover sans cesse. Ces injonctions sont piégeuses, elles peuvent conduire à des jugements simplistes et des décisions précipitées. Comment introduire plus de réflexivité et de nuance dans l’entreprise, tout en répondant aux exigences de rapidité et de résultats ?
Une contribution de Caroline Nancy, DRH du groupe Scalian
La réflexivité comme enjeu pour les collectifs de travail
La tâche est dure mais indispensable. Nous devons résister à nos modes de fonctionnement habituels et nous affranchir des contraintes externes et des effets de mode qui mènent aux solutions simplistes.
Être réflexif, c’est analyser ses propres actions et schémas de pensée collectifs et individuels. C’est prendre du recul et réinterroger ses systèmes, se méfier des « faux amis » que sont nos croyances et ce que l’on considère comme des évidences. Ce travail introspectif, permet de mieux comprendre les causes des problèmes, d’apprendre de ses erreurs et de s’adapter aux besoins et au contexte spécifique de l’organisation.
Mais comment introduire la réflexivité en entreprise ?
Pour intégrer la réflexivité, il s’agit d’abord de revoir régulièrement ses process en s’appuyant sur des retours concrets du terrain. Cette initiative, lorsqu’elle s’appuie sur l’esprit originel des démarches qualité identifie les points positifs et négatifs et devient un moteur d’adaptation et d’efficacité durable. Dans cette optique, encourager les questionnements, qu’ils soient individuels ou collectifs, est aussi essentiel pour instaurer un climat où l’incertitude ne serait pas perçue comme une faiblesse, mais comme catalyseur d’opinions diverses. Des actions comme la mise en place d’analyses de pratiques, des sessions de co-développement, des temps de questionnement dédiés à l’exploration de nouvelles perspectives peuvent s’avérer puissantes et précieuses.
Au-delà des outils méthodologiques et pratiques, c’est aussi un changement d’état d’esprit qui doit s’opérer. Cela signifie renoncer aux solutions de facilité, éviter les réponses toutes faites, considérer que les réussites d’hier ne garantissent pas celles de demain et favoriser la réflexion au détriment de la réactivité. En somme, il faut se prémunir d’une certaine paresse intellectuelle et d’une suffisance qui peuvent parfois s’avérer dangereuses pour les organisations.
Engager les parties prenantes dans la transformation
Le rôle des managers dans cette transformation culturelle est central. Situés à la croisée des attentes des instances de gouvernance, des équipes et des clients, ils sont les mieux placés pour être acteurs de ce changement. Cependant, une réflexion doit s’effectuer sur le profil du manager. Dans le monde complexe dans lequel nous vivons, le manager qui guide au mieux la performance durable de son activité et de ses équipes, est capable d’écouter, de nuancer ses jugements et de se remettre en question constamment. Nous devons dépasser ce préjugé qui voudrait que cette attitude ferait de lui un manager lent, indécis et inconsistant.
Il est donc nécessaire de former les responsables à la réflexivité et de leur fournir les outils appropriés. Ils doivent prendre conscience des biais et filtres à travers lesquels ils perçoivent la réalité.
Pour cela deux clés : intégrer des points de vue divers au sein de leurs équipes afin d’éviter les prises de décisions verticales et plutôt bâtir la co-construction des solutions. Un autre facteur clé, celui du temps. On le sait, c’est une contrainte dans les organisations et la pression des délais se fait ressentir sur les projets. Cependant, ralentir pour réfléchir et peser les conséquences de ses choix se révèle souvent plus efficace à long terme, car cela conduit à des décisions plus robustes et pérennes, car prises à la suite d’une plus grande analyse critique.
Enfin, tous les collaborateurs ont un rôle à jouer dans cette démarche. Pour eux aussi, le développement de la réflexivité passe par des actions concrètes : des formations continues, des moments de recul quotidien pour réfléchir aux pratiques de travail, ou encore l’instauration d’un feedback constructif. En valorisant les dynamiques d’équipe, en perfectionnant les processus et en recherchant une amélioration continue, ces actions favorisent une culture d’entreprise qui privilégie la réflexion collective et s’engage pour une performance durable, adaptée aux enjeux du monde actuel.
Introduire la réflexivité et la nuance dans le monde de l’entreprise est aujourd’hui une nécessité stratégique. C’est en investissant dans la capacité de réflexion de leurs équipes, en encourageant la remise en question et en valorisant la nuance que les entreprises pourront non seulement améliorer leurs performances, mais aussi développer des collectifs plus agiles, plus résilients et finalement plus humains.
À lire également : Une communication écrite maîtrisée, la clé d’une collaboration réussie
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits