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Numérique – Cybersécurité : Où Sont Les Femmes ?

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Souffrant d’un déficit d’attraction, la cybersécurité est de facto confrontée à une pénurie de main d’œuvre, les entreprises ayant toutes les peines du monde à attirer dans leur giron de nouveaux talents. A fortiori des femmes dont le taux de représentation dans le métier dépasse à peine les 10%.

« Tout le gouvernement est mobilisé sur la question de l’orientation des filles dans les filières du numérique. Nous sommes en pleine période d’orientation et nous vous implorons, mesdemoiselles, mesdames de vous orienter vers des filières numériques !». Un « cri du cœur » poussé de concert par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’Egalité Femmes-Hommes, et Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat au numérique, les deux jeunes ministres déplorant la désaffection des filles pour ces cursus pourtant en demande permanente de forces vives. Quelques chiffres pour mesurer l’ampleur de la tâche à accomplir. Selon des données dévoilées par le Syntec numérique (premier syndicat de l’écosystème numérique hexagonale), les femmes ne montrent que peu d’attrait et d’engouement pour les activités inhérentes au numérique. Elles ne représentent que 27% des employées du secteur. Un taux qui plonge à 11% en ce qui concerne plus spécifiquement la cybersécurité.  Kaspersky Lab, acteur de renommée mondiale s’est penché sur cette dramatique tendance et tente de poser un diagnostic, condition sine qua non à l’élaboration de propositions pour enrayer cette dynamique inquiétante.

Premier enseignement de cette étude : les femmes renoncent très tôt à faire carrière dans la cybersécurité. Faute d’informations suffisantes en la matière. En effet, 71% des jeunes ignorent même qu’il existe des possibilités de diplômes en cybersécurité. Edifiant. Dans un tel cas de figure, la pédagogie, le dialogue et l’échange font office d’impérieuses nécessités. C’est d’ailleurs en ce sens que l’entité française de Kaspersky Lab et  l’école d’ingénieurs du monde numérique (ESIEA) ont organisé une table ronde, ce jeudi 15 février, dans les locaux de l’école d’ingénieurs, nichée au cœur du Ve arrondissement, à quelques encablures de l’avenue des Gobelins. Au menu, cybersécurité (évidemment), échanges, dialogues et élaboration de pistes de réflexion pour pousser les jeunes filles à ne pas dénigrer des filières dont les besoins vont croître de manière exponentielle ces prochaines années.

« Les conseillers d’orientation ne comprennent pas les enjeux du numérique »

Première de cordée, l’hôtesse de ces lieux, Fatiha Gas, directrice de l’ESIEA. De manière posée et structurée, cette ingénieure en électronique et docteur en informatique pointe le manque de références auxquelles les jeunes femmes peuvent s’identifier. « Les rôles-modèles ne sont malheureusement pas légion dans notre branche d’activité. Si vous évoquez Facebook, tout le monde connaît Mark Zuckerberg, mais qui est capable d’expliquer le rôle de Sheryl Sandberg (numéro 2 du réseau social, ndlr) ».  Si l’exemple – un peu trop servi au point de faire presque office de poncif – ne fait pas ciller une assistance particulièrement studieuse et attentive, Fatiha Gas cisèle, en revanche, avec une certaine maestria ses arguments lorsqu’elle évoque la cybersécurité et la défiance suscitée par cette discipline dans l’entourage des aspirants.

 « Les conseillers d’orientation et les prescripteurs comme les parents peinent à saisir les enjeux du numérique. Il y aura entre 170 000 et 200 000 postes à pourvoir dans le secteur à l’horizon 2020. Nous devons amplifier ce travail de pédagogie ».  Sa voisine, Salwa Toko, maître d’œuvre du programme Wifilles, qui initie justement collégiennes et lycéennes aux enjeux du numérique opine du chef. « Il faut garder à l’esprit que ce sont les femmes qui ont posé les jalons de la Tech. Le numérique obéit encore, malheureusement, à une vision très genrée. Avec Wifilles, nous avons réussi à réduire ce « gender gap », à créer l’envie et la curiosité et a donner confiance à ses filles qui sont désormais particulièrement agiles sur toutes les thématiques relatives au numérique ». Et de narrer un épisode pour le moins cocasse  lors d’une visite de François Hollande aux « Wifilles » qui se retrouva fort dépourvu au moment de s’asseoir derrière un clavier. « Il n’était pas parvenu à trouver la touche entrée », sourit la sémillante jeune femme.  

« Susciter l’enthousiasme »

Mais même – ou devrait-on dire surtout – en entreprise, certains clichés ont la vie dure.  Se faire une place dans des domaines aussi masculins relève parfois du parcours du combattant. Pour contrecarrer cet ordre malheureusement établi, Virginie Galindo, autre intervenante à cette table ronde, et responsable de la communication et de l’innovation chez Gemalto, prône la politique de l’exemple et n’hésite pas non plus à pratiquer, à son échelle, la discrimination positive. « Je ne procède à aucune embauche aux fonctions que j’occupe mais, en revanche, si je peux valoriser un profil féminin pour une intervention ou une prise de parole, par exemple, je le fais bien volontiers », souligne la responsable. L’assistance, les oreilles grandes ouvertes, s’enhardit et les questions fusent d’un bout à l’autre de l’amphithéâtre donnant encore davantage d’épaisseur et de synergies à des débats passionnants.

Une fois n’est pas coutume, le seul homme de cette table ronde, Tanguy de Coatpont, directeur général de Kasperky Lab, confirme les difficultés de son entreprise à trouver des profils idoines pour certains besoins, faute de candidatures suffisantes. Ce qui a pour effet mécanique de faire jouer à plein la concurrence et donc de proposer des salaires particulièrement attractifs pour attirer les talents de demain. Surtout s’ils se conjuguent au féminin, l’entité Kaspersky Lab abritant en son sein 1 390 employées… dont seulement 336 qui œuvrent dans les domaines relatifs à la recherche et au développement.  Et le dirigeant de tirer la sonnette d’alarme sur cette pénurie de profils. « L’incapacité à susciter de l’enthousiasme chez cette génération pour une carrière dans ce secteur pourraient avoir des conséquences extrêmement coûteuses ».  L’urgence est manifeste. Tout comme le potentiel. Pourvu qu’il ne reste pas dormant.

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