« Tes rêves sont trop grands pour toi ! ». Miriam Cherrati ne s’est jamais accoutumée à ce sermon. Bien que bienveillant, car il émanait de proches : amis et famille, l’étudiante issue d’un milieu modeste a toujours eu la conviction que le travail et la passion ne pouvaient que payer. Aujourd’hui, cadre dirigeante en gestion de fortune dans le Saint des saints, la banque UBS, la banquière d’affaires mène grand train. Portrait.
Dans son quotidien, elle accompagne, conseille, connecte les UHNWI, une abréviation désignant les Ultra High Net Worth Individuals, traduisez les fameux 1%… Des grandes fortunes qu’elle arrive à enrichir par ses conseils avisés que ce petit microcosme s’arrache. Cette financière en or s’est vue confier l’un des portefeuilles les plus convoités : les pays du Golfe. « Aujourd’hui, je peux naviguer aussi bien dans un dîner cossu parisien que sous une tente bédouine en Arabie où des familles princières sont réunies pour parler business et loisirs. », confie celle qui a déjoué tous les pronostics. Sa vie au milieu de l’élite ne lui fait aucunement oublier ses racines, ses échecs, ses doutes, ses premiers succès arrachés aux forceps.
L’adolescente de banlieue issue de l’immigration algérienne a très tôt affiché des facilités scolaires mais, plus étonnamment, a su trouver sa voie en voulant faire carrière dans les sphères économiques et financières. Lycéenne, elle se passionne déjà pour ces sujets à mille lieues de son quotidien où la peur du lendemain restait une réalité.
« Avec sept frères et sœurs et un papa ouvrier, nous ne pouvions nous permettre de sorties de route dans le budget familial. Ma mère était une source d’inspiration qui a consacré sa vie, non pas à une carrière, mais au bien-être de sa famille. Je percevais cette figure maternelle comme une chef d’entreprise ! Il en fallait du leadership pour élever huit enfants et gérer habilement les ressources financières du foyer ! », s’émeut la fille prodige aujourd’hui âgée de 30 ans. Mature avant l’heure, Miriam Cherrati comprend que pour intégrer le monde de la finance, il faut fréquenter les « bonnes écoles ». Elle se dirige vers une école de commerce, poursuivant le double objectif de construire son CV à l’international et de se spécialiser en finance. Des études qui la mènent à Londres, en Italie et en Suisse, des destinations incontournables pour qui veut comprendre les rouages de ce monde.
Une femme en mission
« C’était très dur ! Je devais combiner études et petits boulots en parallèle car mes bourses au mérite ne suffisaient pas à couvrir les frais importants de ces cursus. », se remémore-t-elle. Serveuse, ouvrière en usine ou vendeuse, l’élève ne se ménage pas pour décrocher son diplôme à l’INSEEC et à l’Université d’Economie et de Finance de Reggio Emilia en Italie. Lorsqu’elle se met à douter ou que son corps lui crie stop, elle se fait violence pour ne pas flancher. Sa hantise ? Donner raison à ceux qui lui ont dit d’aller à l’université, là où les études sont gratuites, et tant pis si la formation ne cadrait pas avec son projet professionnel.
Les rêves étant plutôt à la portée de bourses que de tous…
Pour elle, l’enjeu est énorme puisqu’elle veut se prouver que l’on peut échapper aux déterminismes sociaux. Noble, également, car à ses yeux sa réussite aurait potentiellement le pouvoir d’ouvrir la voie à ses jeunes frères et sœurs, et même d’inspirer par-delà son cercle familial. Miriam Cherrati est une femme en mission. En 2014, elle parvient à entrer par la petite porte chez UBS qui l’intègre à son département banque de détails à Genève. Un poste qu’elle survole au point d’attirer l’attention de ses supérieurs prêts à la challenger. Ils lui offrent l’opportunité de prouver sa valeur en collaborant au sein de la division gestion de fortune. Un univers où il faut montrer patte blanche.
Elle se voit confier dès 2016 la région du Levant (Liban et Jordanie), des marchés très volatiles particulièrement pour le Pays du Cèdre dont on connaît l’instabilité. La jeune gestionnaire de fortune relève le gant en donnant pleinement satisfaction tant aux clients qu’à l’institution helvétique. Miriam Cherrati tisse sa toile. Un responsable l’invite en 2017 à se positionner pour le rôle très convoité de gestionnaire de fortune à Paris où il s’agit de développer la branche Moyen-Orient et Afrique du Nord. Sa double culture franco-algérienne est indéniablement un atout grâce à sa maîtrise courante de l’arabe. Entre temps, elle acquiert le titre de « Certified Wealth Management Advisor » délivré par la Swiss Association for Quality, un autre argument qui conforte l’équipe UBS SA France et son directeur membre du directoire, Emmanuel d’Orsay.
Un homme qu’elle cite régulièrement dans ses discussions. « Le tournant de ma carrière, je le dois à sa confiance car il m’a soutenue et gratifiée d’un poste à responsabilités. Emmanuel d’Orsay a toujours promu l’inclusion des femmes et la diversité culturelle, ce qui dénote dans le milieu élitiste et très masculin de la gestion de fortune. », souligne-t-elle. Elle ne veut pas, ne peut pas échouer. Miriam Cherrati se répète que sa réussite ouvrira la voie. Ainsi, elle étudie l’Histoire de toutes les grandes familles de France et du Moyen-Orient, un préalable essentiel pour éclairer ses choix et lui permettre de cerner chaque profil, chaque tempérament en vue de comprendre la psychologie de ses futurs clients.
La fierté d’être recommandée par sa clientèle nantie
« Vous devez vite comprendre que les attentes ne sont pas les mêmes en fonction des pays. Les entrepreneurs et héritiers du Moyen-Orient aspirent avant tout à sécuriser leurs actifs du fait de l’instabilité politique et économique qui sévit dans leur pays. Nous sommes donc pour eux comme un coffre-fort les mettant à l’abri eux et leur famille. Je prends donc à cœur leurs intérêts en raison de cette épée de Damoclès qui pèse sur eux. Par ailleurs, en gestion de fortune, nous constatons une croissance significative des femmes fortunées, souvent originaires des pays du Golfe où elles prennent le contrôle de leur fortune. Elles sont plus à l’aise à côtoyer une femme pour parler des affaires patrimoniales qu’un homme. Ma clientèle française, pour sa part, a d’autres préoccupations. Sa curiosité intellectuelle est sans limites ! C’est pourquoi nous devons ségréguer les marchés. », expose la conseillère.
Miriam Cherrati : J’ai voulu faire mentir les études sociologiques condamnant certains au fatalisme de la ‘reproduction sociale’.
En dehors de ces différences culturelles nécessitant une approche distincte, existe-t-il un archétype du client UHNWI ? Miriam Cherrati explique que cette clientèle partage à 90% le trait commun d’être des entrepreneurs, des personnes ayant fait preuve de beaucoup d’agilité, de travail et d’innovation dans ce qu’ils ont entrepris. Leur niveau de sophistication et d’exigence est très élevé impliquant un dévouement de tous les instants. « C’est du 24/24h, 7/7 jours dans tous les fuseaux horaires ! », prévient la Parisienne. Adepte de défis, la jeune femme carbure au bon stress, elle se réjouit d’être aux avant-postes d’un monde remodelé par des investisseurs à l’esprit visionnaire. Ses clients sont sa principale source d’innovation, ils soulèvent des secteurs, des montagnes, et sont à l’origine de la politique de diversification grandissante des actifs et des secteurs géographiques sur lesquels l’écosystème bancaire œuvre au quotidien.
Derrière des portefeuilles pesant sept à dix chiffres et des noms de personnalités dont elle tait l’identité, il y a aussi le lien humain. A l’épreuve des dossiers, Miriam Cherrati a réalisé la prévalence de cette facette dans la relation – très formelle – entre client et gestionnaire de fortune ; le caractère intrusif de son métier ne devant souffrir d’aucune maladresse, aucun manque de discernement. L’enjeu étant d’être là sans être là et de consolider le niveau de confiance. Un numéro d’équilibriste qu’elle exécute très bien en témoignent les invitations à pénétrer le cercle des intimes de ses protégés. Conviée par exemple dans des demeures d’exception dont on imaginerait même pas l’existence, à des évènements exclusifs de grandes maisons de Luxe, ou à des soirées très privées à Monaco où l’une de ses clientes a fait venir sa collection d’art au Musée moderne, le tout accueillie par la famille princière du Rocher. Autant d’occasion pour elle de provoquer des « deal off market » en permettant des connexions mutuelles fructueuses.
A à peine 30 ans, la self-made woman est à présent introduite de partout. Sa plus grande fierté reste d’être reconnue sur la place et d’être recommandée par ses clients. Parallèlement à sa riche vie, elle se consacre aussi à un jeune étudiant issu d’un milieu défavorisé qu’elle accompagne dans la construction de son parcours professionnel et pédagogique. Grâce à son mentoring, l’aspirant financier a pu intégrer sa banque UBS SA France.
Transmettre, aider, encourager, inspirer Miriam Cherrati endosse aujourd’hui le rôle modèle qui lui a tant manqué.
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