Rencontre la réalisatrice d’animation tchèque, déjà très remarquée, venue présenter son premier long métrage « Ma famille afghane ». L’histoire, adaptée du roman Freshta de Petra Procházkova, raconte une femme d’origine tchèque qui vient s’installer en Afghanistan avec Nazir, son futur mari. A travers cette histoire d’amour, la réalisatrice réussit le tour de force de déjouer certains stéréotypes sur la société afghane… En salle mercredi !
Comment peut-on résumer votre film d’animation ?
Michaela Pavlátová : C’est l’histoire d’une femme européenne, en l’occurrence tchèque, qui se trouve immergée dans la société afghane en suivant son mari dans son pays. Avec elle, nous découvrons un nouvel univers, une nouvelle culture – très patriarcale – dans laquelle il y a moins de différences qu’on pourrait le penser. S’il y a les différences culturelles, on trouve en même temps beaucoup de points communs, intrinsèques à la vie de famille.
C’est-à-dire ?
Et bien pour ma part je crois que tout le monde aspire à avoir une belle vie, c’est-à-dire sans problèmes. Chaque famille doit gérer ses propres problèmes quotidiens, mais dans certaines conditions c’est plus compliqué. En Afghanistan comme ailleurs, la société souhaite vivre sans conflit, sans se soucier de la politique : elle ne veut pas de la guerre ! Maintenant, je reste une étrangère donc pas toujours la mieux placée pour en parler, mais je pense que le film parle de la nécessité de voir chaque personne comme un individu et non de les juger comme appartenant à un pays.
Pourquoi le choix de l’animation ?
Parce que l’animation peut parler de sujets très différents. Assez étonnamment, le dessin d’animation simplifie – par rapport au jeu d’acteur – autant qu’il amplifie certains détails sur lesquels je peux me concentrer : l’animation sert surtout de verre grossissant. Il est par exemple plus facile de montrer la violence extrême ou le sexe ou encore la mort à travers l’animation, parce que ce n’est pas réel et que cela laisse plus la place à l’imaginaire… bien plus qu’un film ou un documentaire. Finalement cela permet de dire beaucoup de choses. Et enfin parce que c’est mon outil, dans lequel je me sens le mieux pour m’exprimer.
Ce regard que porte l’Occident aussi bienveillant que maladroit sur l’Orient est bien incarné par l’ONG américaine…
Oui c’est une situation parfois paradoxale car, si les organisations humanitaires sur place savent qu’il faut du temps pour que les choses évoluent, certains stéréotypes persistent dans leurs esprits souvent cristallisés par la burqa. Pourtant, il est également difficile de dire aux gens ce qu’ils doivent faire. Il faudrait éduquer les hommes plutôt que de décider à la place des femmes afghanes.
La situation s’est beaucoup aggravée pour les femmes depuis la prise du pouvoir par les talibans. Avez-vous entretenu des liens là-bas ?
Je ne me suis pas déplacée là-bas mais j’ai eu quelques contacts que j’ai entretenus avec celles et ceux qui ont enregistré les voix et qui travaillent dans le studio afghan : ils sont dévastés. La plupart sont restés sur place et je suis inquiète pour eux. J’ai fait connaissance aux États-Unis d’une Afghane qui a beaucoup aimé le film et qui est devenue une fervente supportrice du film qu’elle considère comme nécessaire. Il faut parler d’eux.
En tant que femme réalisatrice, donner la voix aux femmes est important ?
Il faut parfois se battre deux fois plus que les hommes pour être visible dans une société où l’on confie l’argent et les responsabilités plus facilement aux hommes. Maintenant, il y a beaucoup de femmes cinéastes dans le long métrage d’animation… Je pense que si vous avez une vision et que vous ne vivez pas en Afghanistan ou dans certains pays comme la Corée du Nord, vous avez toutes les chances de faire ce que vous voulez.
Quels sont vos projets après la sortie de « Ma famille afghane » ?
J’aimerais à nouveau faire un long métrage d’animation, avec cette fois-ci une histoire plus personnelle où je parlerais non sans humour du monde des femmes. Mais c’est encore en réflexion.
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