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Martine Liautaud, L’Entrepreneure Qui Rend Ce Qu’on Lui A Donné

Le rendez-vous est donné boulevard Malesherbes, quartier dont Martine Liautaud a finalement peu bougé, changeant de rue aux alentours selon l’activité professionnelle. Paradoxal, quand on connait son profil international : une fondation aux Etats-Unis, des livres en anglais… Portrait de celle qui rend ce qu’on lui a donné.

Martine Liautaud est rentrée dans le monde de la banque d’affaires « par la grande porte ». A 22 ans, celle qui voulait faire ce métier depuis toute petite, rencontre Jack Francès, alors président de la Banque de Suez : « Je lui ai dit que je voulais y travailler. Je lui ai sorti le grand jeu, à cette époque, je voulais restructurer l’économie française ! Des dizaines d’années après, il m’a dit qu’une fille aussi jeune, avec cette audace, il ne pouvait pas dire non », confie-t-elle. Elle intègre le département d’exploitation bancaire et étonne tout le monde en prenant des libertés. Son épingle du jeu ? Une grande liberté justement. Personne n’attendait quelque chose d’elle : « Ca a été une chance formidable. Dans ma carrière ou ma famille. Même si durant mon enfance, j’ai été beaucoup aimée. Les gens n’ont jamais rien attendu de moi. J’étais donc libre et audacieuse. » Son « papa » la considérait comme une merveille, qui n’avait pas besoin de travailler. A chaque promotion, elle a le droit à « ma pauvre chérie ». N’empêche qu’en 1974, elle devient la première femme banquière d’affaires au sein de la Banque de Suez (devenue Indosuez quelques années après, puis Crédit Agricole Indosuez, Calyon et enfin Indosuez Health Management). Et grimpe les échelons assez vite. Avant 35 ans, elle passe associée.

« Elle ressemble à une femme mais c’est un homme »

Quand on lui pose la question de sa place de femme dans un monde aussi masculin, elle hésite, marmonne « il faut que j’arrête d’être si optimiste », évoque la discrimination comme un moteur pour finalement ajouter : « On m’a mis des bâtons dans les roues mais pas plus qu’un homme.» A l’extérieur de la banque, tout va bien, des clients la demandent pour faire de la fusion-acquisition, notamment Serge Kampf (fondateur de CapGemini, NDLR). Elle intervient dans la privatisation de TF1. Sauf que la première nomination arrive avec une année de retard. Ils ont nominé des hommes blancs, semblables des membres de la direction. Elle a fait ce que toutes les femmes devraient faire dans ce cas : protester. « Ils m’ont nommée l’année suivante. Ils n’avaient pas trop le choix, ce que je faisais les embêtaient, ils ont dit « elle ressemble à une femme mais c’est un homme » », se souvient-elle.

Un nouveau défi

Dans les années 90, vient l’envie d’entreprendre parce qu’elle commence à être « très bien payée » et n’aurait jamais le courage de se lancer plus tard.  Ses parents ne sont pas du tout dans le milieu. « Papa » était directeur de recherche dans l’aérospatiale et sa mère, au foyer. Des rôles modèles l’entourent professionnellement, et non des moindres : Serge Kampf, Francis Bouygues ou Warburg… « J’avais des exemples de personnes qui se donnaient tous les moyens. Je les conseillais certes, mais je me demandais si j’étais capable de faire quelque chose seule ». Capable, elle l’est, mais a trouvé ça quand même assez rude à cause de la solitude, tout en apprenant beaucoup : la modestie, les gens, la trahison et les problèmes à gérer. « Vous devenez votre maître, ça remplit l’égo et en même temps, vous êtes collée au mur. Vous ne pouvez pas vous rater ». Ses clients l’ont faite entrepreneure, elle qui demandait à se faire payer avant même de commencer à travailler sur un dossier. 

 

« Je suis passée de l’audace au sens »

Autant sa jeunesse a été marquée par le sceau de l’audace, autant les années d’expérience ont fait naître une quête de sens. « Votre ambition est incarnée dans quelque chose qui est plus grand que vous. » Le manque de mixité dans les conseils d’administration l’interpelle, le peu de femmes dans l’entrepreneuriat aussi. Des livres prennent le relais pour prêcher sa bonne parole. Le dernier, Breaking Through (en anglais), reprend les bonnes pratiques d’entrepreneurs. Il y a aussi un programme à Stanford, destiné à une quarantaine de femmes créatrices d’entreprise du monde entier. De nombreux événements ponctuent l’année. Des études sur l’entrepreneuriat européenne sont prévues pour la fin de l’année 2017, ainsi que d’autres programmes universitaires. Le tout enrobé dans une fondation. « Quand je vois une entrepreneure au bord de larmes disant qu’on lui a apporté beaucoup, c’est magique. Je suis passée de l’audace au sens. » Martine Liautaud veut aider ces femmes à faire les bons choix, qu’elles se fassent confiance. D’où le programme de mentoring. Une dizaine de femmes y participent chaque année, mentorées par des femmes et des hommes : confiance en soi, bureau à l’étranger, problèmes financiers… Tout y passe. Elle considère qu’avoir des rôles modèles est primordial : « Cela peut être intéressant de raconter son histoire pour dire que l’on a le droit de rêver, que tout est possible ». C’est l’histoire du boomerang ou de celle qui veut rendre la monnaie de sa pièce, à presque 67 ans.

Un avenir philantropique 

Que fait Martine Liautaud quand elle ne travaille et qu’elle n’aide pas les autres à mieux travailler ? Elle fait de la gymnastique trois fois par semaine, décore ses maisons, elle adore le design et fait du shopping, elle adore aussi les vêtements. Une nouvelle venue dans la famille l’occupe beaucoup, sa petite fille « Je suis complètement folle d’elle ! Elle est adorable. C’est euphorisant. Je pense qu’elle va occuper une partie de mon temps ! ». L’avenir de Martine Liautaud est définitivement tourné vers les autres.

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