De l’Antiquité, où chacun avait un rôle en fonction de sa place dans la société, à notre époque, où l’Intelligence Artificielle menace notre position de travailleur humain, en passant par les religions qui ont accordé des valeurs contradictoires au travail, en n’oubliant pas Adam Smith* qui prône le travail comme richesse au moment de la révolution industrielle, le travail est-il une activité émancipatrice comme le disait Marcel Maus* ou une valeur en voie de disparition comme le publie Dominique Meda* ? Et si nous le demandions aux femmes ?
Car c’est entre les années 1960 et 80 que les femmes sont entrées massivement dans le monde du travail dans nos pays européens. Si elles ont toujours travaillé, leurs tâches ont durant longtemps étaient, soit lourdes et peu rémunérées, soit familiales et totalement invisibles pour l’économie.
Voilà que désormais 54% des femmes dans le monde travaillent, sont rémunérées, visibles, créent des entreprises, occupent des postes importants, et participent à la richesse de leurs pays. Leur entrée bouleverse totalement ce monde professionnel régit par des codes écrits par des hommes pour des hommes.
Le travail fait désormais partie d’un tout décloisonné
Les femmes l’ont demandé, la technologie l’a fait. La plupart des femmes qui travaillent emportent avec elles la gestion de la famille, du quotidien et son organisation. Certaines peuvent sous-traiter le ménage, les courses, ou la présence à heure fixe pour les enfants, même si cela ne résout pas tout, alors que d’autres courent, menacées de « burn out » et jonglent avec leurs multiples rôles. Certains hommes partagent ce quotidien mais ils sont encore peu nombreux. Depuis 40 ans les femmes ont envahi le monde public en emportant avec elles le monde privé, les hommes eux sont toujours dans le monde public et sont restés sur le pas de la porte du privé. Qu’ils veulent s’occuper de leurs enfants, épisodiquement ils sont considérés comme des héros, quotidiennement, ils seront alors vus comme des salariés peu engagés. Le politique et le business n’ont pas su anticiper les bouleversements de la société que cette montée en puissance des femmes implique et que les nouvelles technologies amplifient. Car puisque l’on peut travailler le soir après le bain des enfants, on commande aussi les courses et la baby-sitter au bureau. Bien ou mal, c’est ainsi, les frontières vie privée vie publique n’existeront bientôt plus et cela non seulement grâce à la révolution d’internet mais aussi parce que c’est ainsi que les femmes voient la vie pour la plupart d’entre elles, comme un tout. Et comme la Génération Y voire la Z.
Le travail doit avoir un sens
On l’a critiquée car elle nous donnait l’impression de tout vouloir en même temps, cette génération Y, qui place avant tout un équilibre entre la vie privée et la vie publique, mais en fait, elle a des revendications qui ressemblent à si méprendre à celles des femmes. Puisque la technologie nous le permet, travaillons où bon nous semble, car nous voulons avoir un métier, s’occuper de notre famille, faire du sport ou exercer une passion. Bref, nous voulons un équilibre dont les générations précédentes rêvaient.
Est-ce possible ? Oui nous disent les générations Y et Z, cette génération mixte qui souhaite une parentalité équilibrée, qui veut du sens à sa vie, une vie qui comprend un boulot, des passions, des amis, de l’amour bref un tout qui ne se morcelle pas. Cette génération, tout comme les femmes, ne veut pas tout donner au travail, ce qui ne signifie pas ne rien faire. Au contraire, ils peuvent être acharnés à réussir un projet, mais veulent en comprendre le sens et leur rôle. Ils évaluent aussi la journée comme une succession de moments et peuvent continuer à penser au boulot à 11h si une idée leur vient mais refusent les obligations et les rigidités inutiles. Pour eux, comme pour les femmes, la vie est un tout.
Le travail doit être un outil de libération pas d’aliénation
Une activité stimulante intellectuellement, une ambiance de travail positive et un salaire à la hauteur de ses espérances, ce sont les attentes des femmes selon une étude menée en 2016 par la start-up « Social Builder*. » Si le monde des affaires était aseptisé autrefois, l’entrée des femmes combinées à celle de ces nouvelles générations bousculent les conceptions jusqu’alors en vigueur dans le monde professionnel. On entrait au boulot comme en religion,
Aujourd’hui, on veut y apporter toute sa personne, ses sentiments comme ses compétences.
Et si les grands groupes ne comprennent pas leurs attentes, les femmes créent leur société. Certes tout le monde n’en a pas la capacité, mais si l’on sait que bon nombre de tâches ingrates comme celles de caissière pourraient être remplies par des machines, on pourrait espérer de nouvelles formes de travail d’ici peu. Nous savons déjà que 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore selon le « Word Economic Forum. «
Alors si le travail était une libération, ne pourrions-nous pas imaginer une vie dans sa globalité dans laquelle travail, amour, famille, amitié auraient leur place. Il en a été ainsi de Marie-Thérèse d’Autriche, comme nous le démontre si bien Elisabeth Badinter*. Marie-Thérèse a su gérer les rôles d’épouse, de mère de seize enfants et souveraine. Certes, il est plus facile d’avoir des enfants sous son bureau quand on dirige un pays que lorsque l’on est cadre dans une entreprise, mais le monde évolue car les femmes osent dire tout haut ce que les autres n’osent pas demander mais dont ils rêvent.
Muriel de Saint Sauveur
Présidente Fondatrice de Women Masterclass
*Marcel Maus, « Essai sur le don ».
*Dominique Meda, « Le travail, une valeur en voie de disparition ».
* http://www.journaldesfemmes.com
*Elisabeth Badinter, « Le pouvoir au féminin, Marie-Thérèse d’Autriche ».
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