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Les Combats D’Ellen Johnson Sirleaf, La Première Femme Africaine Présidente

«L’amour de la liberté nous a amené ici». La devise du Libéria ne saurait être démentie par « la Dame de fer » africaine. Alors que le prix Nobel de la paix vient d’être décerné au Programme Alimentaire Mondial, l’ancienne Présidente et récipiendaire du prix Nobel de la paix 2011 continue d’œuvrer assidûment pour les droits des femmes. Interview pour Forbes France sur l’émancipation des femmes avec la première femme Présidente élue d’Afrique.

 

Le prix Nobel est une distinction exceptionnelle, mais c’est aussi une responsabilité très importante. En tant que récipiendaire du prix Nobel, comment continuez-vous à vous battre pour les droits des femmes? Et comment pouvons-nous favoriser individuellement l’émancipation des femmes aujourd’hui?

Ellen Johnson Sirleaf: Le prix Nobel ainsi que mon élection en tant que la première femme Présidente démocratiquement élue sur le continent africain m’ont donné des responsabilités majeures. J’ai le devoir de représenter les aspirations et les attentes des femmes; la responsabilité de défendre leurs causes et d’incarner de manière exemplaire ce que signifie être une femme au pouvoir. Nous pouvons définir l’émancipation des femmes comme le droit à l’équité en matière d’éducation, d’opportunités, de justice et de leadership. Récemment, je suis allée au-delà avec la création du «Ellen Johnson Sirleaf Presidential Centre». Ce centre cherche à promouvoir les femmes au plus haut niveau dans la fonction publique. Aujourd’hui, ces femmes à fort potentiel bénéficient de leur propre plateforme pour échanger leurs expériences et se donner des conseils. En créant ce centre, je continue à valoriser davantage les femmes à des postes de direction et à leur permettre d’avoir plus d’influence dans leurs domaines d’activité respectifs.

Pour améliorer la situation et les droits des femmes au niveau individuel, nous devons briser les stéréotypes sur les femmes. Il est nécessaire de changer les mentalités, quant au rôle des femmes et à leur contribution dans la société. Prenons l’exemple du Covid-19, les pays qui ont pu lutter contre cette pandémie et la vaincre étaient tous dirigés par des femmes. A travers le monde, nous avons des femmes au plus haut niveau de direction que nous pouvons admirer et qui peuvent nous inspirer.

Quels conseils donneriez-vous aux hommes à cet égard?

Les hommes doivent changer leur état d’esprit. Ils doivent apprécier et valoriser la contribution que les femmes apportent. A travers le monde, les femmes contribuent au développement et veillent à ce que les économies puissent évoluer plus rapidement. Les hommes doivent mettre de côté certaines de leurs pensées et actions archaïques. Nous devrions remettre en question la raison d’être de toutes les réunions ou sommets uniquement composés d’hommes. L’équité exige la participation de 50% de la population mondiale dans l’ensemble de la vie publique.

Vous avez survécu en tant que prisonnière politique sous le régime meurtrier de Samuel Doe et avez dirigé le Libéria de janvier 2006 à janvier 2018. Pourriez-vous partager les mesures concrètes que vous avez mises en œuvre au Libéria pour contribuer à l’émancipation des femmes?

Premièrement, j’ai donné à notre pays 15 années consécutives de paix. Cela signifie que les femmes pouvaient avoir une certaine sécurité dans l’exercice de leurs responsabilités. Nos femmes en zones rurales n’avaient pas à avoir peur en se couchant parce qu’elles savaient que leur société les protégeait. Lorsque je suis devenue Présidente, l’une des premières choses que j’ai faites a été de placer des femmes dans des rôles non traditionnels tels que le Ministère de la Justice et le Ministère des Finances. Je suis presque arrivé à la parité aux postes de direction ainsi que pour notre représentation diplomatique. La création de fonds par des institutions non gouvernementales a donné une voix aux femmes et a contribué à l’amélioration des conditions de travail.

Pendant mon mandat, les frais de scolarité au niveau du primaire ont été supprimés, ce qui a entraîné une augmentation spectaculaire des inscriptions en seulement deux ans, tant pour les garçons que pour les filles.

Présidente Ellen Johnson-Sirleaf – © Office of Former President Ellen Johnson-Sirleaf

Vos initiatives pour l’émancipation des femmes sont de très grande ampleur et variées. La loi est-elle selon vous un outil efficace pour promouvoir la liberté des femmes?

Nous avons besoin d’appliquer davantage les lois pour s’assurer que les femmes obtiennent des droits égaux. Le Libéria est confronté à un problème majeur de viol. J’ai adopté une loi qui empêche un homme suspecté de viol d’être libéré sous caution jusqu’à son procès. Je me suis battue pour des lois en faveur de la protection des femmes et pour l’interdiction de l’excision. J’ai adopté ces mesures juridiques par décret présidentiel avant de quitter mes fonctions. Ce combat par la loi reste encore une tâche inachevée, mais ce sont là les premières étapes pour un changement dans la bonne direction.

Pendant votre mandat de Présidente, vous avez réussi à multiplier le budget national par 8 et à obtenir l’annulation de la dette du Libéria – tout cela après une guerre civile qui a tué près de 10% de la population du pays. Pouvez-vous nous donner plus de détails ?

Lorsque j’ai pris mes fonctions en janvier 2006, notre budget était de 80 millions de dollars. Nous avons réuni une jeune équipe qualifiée composée de femmes et d’hommes qui avait les bonnes compétences pour être en mesure de faire face aux graves problèmes auxquels nous étions confrontés.. Nous avons établi un système fiscal afin de bâtir une économie plus robuste et augmenter nos revenus. Une condition sine qua non était l’allégement de notre dette de près de 5 milliards de dollars. Nous avons institué des systèmes de contrôle financier et établi et renforcé nos institutions. Nous avons aussi attiré des capitaux privés par le biais d’investissements étrangers directs pour la croissance de l’économie libérienne, dont la plupart n’a malheureusement pas été utilisé en raison de notre capacité de mise en œuvre et de problèmes d’infrastructures. Quel est aujourd’hui mon souhait pour le Libéria ? Je souhaite plus que jamais que les Libériens mettent de côté leurs divergences politiques dans le but commun d’essayer de maintenir la paix et de développer notre pays.

Quelle est enfin votre définition du succès?

Rester fidèle toute ma vie à mes valeurs fondamentales m’a conduit à ce succès. Si j’avais à nouveau 25 ans, je serais exactement qui je suis. Je serais moi, ni plus ni moins. L’honnêteté, l’ardeur au travail et l’humilité. Si l’on peut combiner toutes ces valeurs et les incarner dans tout ce que nous entreprenons, je pense que cela mène à des succès importants . Au-delà de ces trois principes directeurs, mes autres valeurs comprennent le courage, la détermination et l’empathie. Il s’agit là de ma capacité à prendre des décisions qui pourraient me rendre impopulaire, mais aussi la capacité à ressentir la douleur et la souffrance des autres. Enfin, je crois en Dieu : cela apporte le courage et l’endurance nécessaire durant les moments les plus sombres où vous devez prendre des décisions difficiles, comme durant la crise d’Ebola.

 

 

 

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