En novembre dernier, le guide du Fooding dévoilait son très attendu palmarès 2023. On y découvre un léger « goût de revenez-y » pour la cuisine de nos aïeux campagnards, revisitée avec talent par des fermes-restaurants installées dans la Manche ou encore dans le Perche. En attendant de dévorer ce guide avec appétit, nous avons demandé l’éclairage de Christine Doublet qui chapeaute le Fooding avec passion.
Quel est le palmarès de cette année ? Paris est-elle la capitale du Fooding ?
Christine Doublet : Il n’y a pas beaucoup de Parisiens, à l’instar de l’année dernière qui était d’ailleurs un palmarès un peu particulier de sortie de covid : il n’y avait que deux gagnants sur dix dans la métropole, et cette année, sur quinze adresses, seulement quatre sont parisiennes. Ce qui est important de préciser quand on parle de palmarès du fooding, c’est que cela ne coche aucune case, avec aucune obligation pour les chefs. Le palmarès est fait avec eux. Néanmoins parmi les grandes tendances que l’on observe – et qui concernent la meilleure table récompensée -, c’est le départ de Paris de trois chefs – des stars de la bistronomie – qui se sont installés dans différents coins de la France : James Edward Henry et Shaun Kelly avec le restaurant Le Doyenné, à Saint-Vrain, Edward Delling-Williams avec The Presbytere dans la Manche, et enfin Sven et Marianne Chartier qui ont ouvert fin octobre « Oiseau oiseau » dans le Perche. Et ces trois adresses se ressemblent pas du tout mais sont vraiment en train de créer de nouveaux écosystèmes autour d’eux.
Comment définir cette nouvelle tendance « néo-rurale » ?
C. D. : Pour ces trois chefs, ce sont des projets qui lient le perso et le pro car ce sont des projets de famille. Par exemple, chez « Oiseau Oiseau », Sven travaille avec sa femme Marianne et son frère Niels qui s’occupe de la cave, du vin et du service. Edward de son côté a déménagé avec toute sa famille mais aussi toute l’équipe dans la Manche. Ils ouvrent également une brasserie et une cabane sur le front de mer. Ils construisent aussi leur potager… Bref, ils s’investissent dans la communauté locale qu’ils dynamisent en créant des lieux à part. Pour James et Shaun, leur projet a démarré il y a cinq ans avec l’achat d’une propriété qu’ils ont restaurée pendant les années Covid. Ils sont d’ailleurs en quasi autarcie pour la production de légumes et de fruits mais également pour la viande, avec l’élevage de cochons et de volaille. Ils livrent également pas mal de restaurants dans Paris avec leurs produits.
Peut-on dire que le Fooding a contribué a casser les codes d’une cuisine académique et a vraiment permis de parler de bistronomie ?
C. D. : Parmi les douze autres adresses retenues, vous aurez des concepts très différents. Qu’il s’agisse de street-food à Perpignan, de petites adresses de quartier à Marseille ou plus raffinées sur le front de mer en Bretagne, le palmarès est très varié. Cela ne reflète pas l’absence d’une ligne directrice mais plutôt notre désir de mettre en lumière et d’accompagner ce qui semble incarner le goût de l’époque. Nos articles, notre palmarès soutiennent toute démarche qui peut sembler bonne ou qui est intéressante. On parle de ce qui se passe aujourd’hui en cuisine. On est ouvert à tout, comme à des nouvelles choses que l’on ne connaissait même pas.
Comment fonctionne l’organisation du guide du Fooding?
C. D. : On a en interne notre rédaction de journalistes mais aussi 60 chroniqueurs qui sillonnent la France toute l’année pour le guide. Le fonctionnement consiste à retester toutes les adresses qui étaient dans le guide papier de l’année précédente. Le print ne publie que les nouveautés ou les nouveaux entrants mais, sur le site, il y a l’exhaustivité de nos adresses : restaurants, les bars, les chambres, les commerces et les caves. Et enfin, on teste des nouveautés. A titre d’exemple, sur 1500 adresses toutes catégories confondues, il y a 30 % de nouveautés et 25% qui ne seront pas renouvelées d’une année sur l’autre, et ce pour plein de raisons comme la fermeture d’adresses, le départ de chefs ou une expérience moins convaincante que l’année précédente. Le guide est un très gros projet qui nous prend neuf mois de l’année.
Quel est le dénominateur commun entre vos chroniqueurs ?
C. D. : Le dénominateur commun entre des profils aussi différents que des médecins à la retraite, des profs d’arts plastiques ou des étudiants en journalisme est leur amour de la food et de la gastronomie. On parle d’ailleurs de chronique et non de critique gastronomique car le seul critère pour qu’une adresse puisse entrer dans le guide est d’avoir envie d’y retourner : c’est notre ligne directrice. Leurs chroniques doivent savoir parler de ce qu’on mange, de la carte et des boissons avec une plume qui peut être très précise, mais elles n’émettent pas d’avis négatifs. Sinon, cela signifie qu’il ne faut pas la garder dans le guide. Et c’est vrai qu’en théorie on estime qu’il ne faut pas être professionnel pour ça mais passionné.
Il y a eu un article il y a dix ans environ dans le New Yorker qui disait que le Fooding était à la gastronomie ce que la Nouvelle Vague était au cinéma. Ce qui est évident c’est que l’art, le cinéma, la musique sont autant de sources d’inspiration pour le fooding.
Si vous deviez résumer votre ligne directrice ?
C. D. : L’ADN du Fooding, quand on parle de critique ou de jugement, c’est cette notion de plaisir à ne pas perdre de vue quand on va au restaurant, mais aussi l’investissement des personnes qui vous y reçoivent : peu importe qu’il ou elle soit investi(e) pour te faire un smash burger ou un menu dégustation en huit étapes. Le palmarès doit refléter un concentré de tout cela avec en général une recommandation par plusieurs chroniqueurs mais aussi des personnes de la rédaction : on va la tester ensuite pour confirmer cette impression.
Comment se renouveler et éviter de vivre sur ses acquis ?
C. D. : Dans nos projets qui se sont lancés dans l’année, on vient de lancer notre nouveau site avec du contenu plus interactif, mais également depuis septembre un newsletter payante « Saucisse » qui s’adresse à une communauté très fidèle en quête d’un maximum de contenus comme des recettes ou des mini guides de voyages… Et puis nous organisons des événements toute l’année qui peuvent parfois accueillir jusqu’à 600 personnes. On a inauguré également notre premier podcast sous forme d’épisodes enregistrés en live pendant l’événement qui est sponsorisé par San Pellegrino, notre partenaire depuis plus de 20 ans. Le dernier épisode était sponsorisé par Veuve Clicquot avec qui on travaille sur les questions de mise en avant de la femme dans la gastronomie. On a un partenariat depuis 3 ans avec eux à travers la production d’une série qui s’appelle « cheffe de bande » et qui raconte le parcours toutes celles qui travaillent dans la cuisine comme les cheffes mais aussi des sommelières, des mixologues, des éditrices de livres de cuisine, ou des journalistes.
Quel est le modèle économique du fooding ?
C. D. : On fonctionne comme une agence, avec la production à la fois de nos propres contenus mais aussi du contenu et des événements pour des marques auxquelles il faut qu’on adhère. Par exemple, le projet « cheffe de bande » nous tenait à cœur. Il faut faire un contenu honnête, sincère, et indépendant pour garantir sa qualité et intéresser notre lectorat tout en répondant aux besoins des marques.
Avec le Fooding, peut-on parler de courant culinaire similaire aux grands courants artistiques du début du siècle ?
C. D. : Il y a eu un article il y a dix ans environ dans le New Yorker qui disait que le Fooding était à la gastronomie ce que la Nouvelle Vague était au cinéma. Ce qui est évident c’est que l’art, le cinéma, la musique sont autant de sources d’inspiration pour le fooding. A commencer par la couverture de notre guide faite par une jeune peintre qui s’appelle Maïté Grandjouan, mais aussi des dizaines d’artistes pour illustrer le palmarès.
Le Guide Fooding est disponible partout en France en kiosque, librairie, en direct sur leur eshop et au Super Marché Fooding (30, rue du Vertbois Paris 3e) du 24 au 27 novembre de 11h à 19h
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