Jeanne Moreau, le Tourbillon De La Vie S’En Est Allé

L’actrice, chanteuse, et réalisatrice Jeanne Moreau est décédée le 31 juillet 2017, à l’âge de 89 ans. Née le 23 janvier 1928 à Paris, Jeanne Moreau, avec sa voix grave et son tempérament, s’est imposée dans le monde entier comme l’incarnation du cinéma français et de la femme française, libre, séductrice et cérébrale.

Jeanne Moreau, c’était une bouche. Des lèvres pulpeuses aux commissures tombantes qui susurrent au téléphone un « je t’aime » éperdu à Julien Tavernier (Maurice Ronet). Des lèvres qui désespèrent dans la nuit parisienne, attendant le retour de l’amant transformé en meurtrier parfait, et un amour qui monologue au son de la trompette de Miles Davis. C’était dans Ascenseur pour l’échafaud (1957), de Louis Malle, Jeanne Moreau avait 29 ans.

Jeanne Moreau, c’était une voix. Chaude, grave, sensuelle. Une voix rocailleuse qui reprenait les mots de Margueritte Duras dans L’amant, de Jean-Jacques Annaud (1992). Une voix taquine empreinte de nostalgie qui chantait Le tourbillon de la vie dans Jules et Jim de François Truffaut (1962).

Une moue

Jeanne Moreau, c’était une moue, entre la femme fatale, forte, séductrice et cérébrale. Elle est décédée ce 31 juillet, dans son appartement parisien, à l’âge de 89 ans, a annoncé son agent à l’Agence France Presse. Une actrice  qui a incarné la femme française libérée, comme le rappelle Télérama qui présente son portrait en dix rôles et dix visages : de la « femme de tête » dans Ascenseur pour l’échafaud (Louis Malle, 1958), à la « femme fatale » dans Eva (Joseph Losey, 1962), de « la scandaleuse » dans La Baie des anges (Jacques Demy, 1963) à « la comique canaille » dans Le Miraculé (Jean-Pierre Mocky, 1987).

Née à Paris le 23 janvier 1928, elle passe une grande partie de son enfance à Vichy, avant de revenir dans la capitale où son père tient une brasserie dans le 9^ème arrondissement. Sa mère, anglaise, est danseuse. Jeanne Moreau se prend d’amour pour la littérature et le théâtre et suit les cours de Denis D’Inès, de la Comédie française. Elle débute au théâtre, durant la deuxième moitié des années 1940. Un choix rejeté par son père qui la chasse du domicile.

Féministe

« Dans une société corsetée, elle aura montré à toute une génération de femmes le chemin de l’émancipation et de l’affranchissement », a souligné l’ancien ministre de la Culture Jack Lang. Féministe « sans en revendiquer l’étiquette », comme le souligne justement Libération. « Comme Simone de Beauvoir, Marguerite Duras ou Catherine Deneuve, Jeanne Moreau fait partie de celles qui ont eu le courage de signer le manifeste des 343 Françaises qui, le 5 avril 1971, déclaraient dans le Nouvel Observateur : « Je me suis fait avorter », appel retentissant à la légalisation de l’IVG », rappelle Libération. Elle ne se disait pas féministe, n’aimait pas l’étiquette, mais déclarait en 2015 à Causette, « il n’y a pas besoin de mot, c’est l’action qui compte. »

Des actions, avec des scènes qui font scandale, notamment dans Les amants (Louis Malle, 1958) ou de Mademoiselle (Jean Genet, Tony Richardson, 1966) ou encore Les Valseuses (Bertrand Blier, 1974).

Reconnaissance

Fidèle et muse des grands cinéastes, elle joue dans une quarantaine de pièces et 130 films. En France et à l’international, son talent est reconnu : en 1992, elle reçoit le César de la meilleure actrice pour La vieille qui marchait dans la mer. En 1995 elle reçoit un César d’honneur et un Oscar d’honneur en 1998 pour l’ensemble de sa carrière.

En 1960 elle est lauréate du prix d’interprétation féminine à Cannes pour son rôle dans Moderato Cantabile. Cannes, qu’elle est la seule à avoir présidé deux fois, en 1975 et en 1995. Cette année-là, Vanessa Paradis entonnait de sa voix fluette, la chanson de Jules et Jim, « Le tourbillon de la vie », qu’elle accompagna de sa voix rocailleuse.