À 45 ans, l’entrepreneure franco-américaine est à la tête de 2Spark, un éditeur de logiciels destiné à améliorer les connaissances et l’engagement des collaborateurs de grandes entreprises. Avant de se lancer dans l’entrepreneuriat, elle a passé sa carrière à des postes de chef de produit à l’international pour le compte de 3M, Philips et Gemelto.
Bureau. Avant : Je travaillais de façon très classique. Chez 3M, dans le Minnesota, c’était un campus très agréable, de plusieurs hectares, avec un service de bus pour aller d’un bâtiment à un autre. À l’intérieur, c’était un système de cubes, chacun avait le sien. Cela ne me déplaisait pas. En Hollande, le siège de Philips est aussi un campus, sur un site d’usine. Après : 2Spark est logé au WAI de Bnp Paribas, un bâtiment intégralement rénové, dédié aux start-up en phase d’accélération. Les espaces sont agréables, ouverts et collaboratifs. Nos bureaux sont assez petits, environ 40m² pour 15 personnes, nous faisons donc attention à ne pas faire trop de bruit dans l’open-space. Tout le monde a un casque sur la tête. La communication est assez fluide. Tout le monde entend tout ce qu’il se passe.
Collègues. Avant : J’ai longtemps été la plus jeune et la seule Française dans les équipes. La grande entreprise pouvait davantage être une jungle comparée à aujourd’hui, on peut tomber sur des gens avec qui on ne partage rien, ce qui peut polluer le travail. Il pouvait y avoir des phénomènes de jalousie, de politique qui nous empêchaient d’être productifs. Après : La grande différence c’est que je choisis les gens avec qui je travaille. Ils sont à l’image de mes valeurs. Nous partageons des choses fortes. C’est formidable d’avoir le sentiment de ne travailler qu’avec des gens sympathiques et compétents. L’ambiance s’en ressent, il n’y a que du positif qui ressort des moments collectifs. J’ai beaucoup d’admiration pour les gens de mon équipe. Ils sont bons, engagés et autonomes.
Salaire. Avant : J’avais le salaire d’un poste dans le marketing d’une grande entreprise, avec une fonction managériale pour le dernier. Après : Je gagne considérablement moins, même si j’ai un salaire raisonnable.
Journée type. Avant : Au début de ma carrière, je mettais un point d’honneur à être au bureau avant 6h du matin. À l’époque, je venais d’arriver dans le Minnesota, je n’avais pas encore de famille, ni trop de vie sociale. J’étais tellement enthousiaste, je voulais tout donner. Je finissais vers 18h/19h et me couchais tôt, vers 21h. J’ai toujours beaucoup donné. Plus tard, je suis quand même arrivée moins tôt au bureau. En Hollande, tout le monde commence sa journée vers 7h30/8h, c’est culturel. On déjeune devant l’ordinateur avec deux « broodjes », petits sandwichs hollandais, pour partir à 17h. Comme je suis une « workaddict », je me remettais à travailler le soir à la maison. Après : Je n’ai jamais autant travaillé de toute ma vie. Sauf que ma journée est « saucissonnée » pour m’occuper de mes filles de 9 et 12 ans. Les enfants demandent de l’attention, ils ont besoin qu’on s’occupe d’eux de manière exclusive. Ils ont raison, c’est leur moyen de défense. Une fois que je les couche, je m’y remets jusqu’à minuit environ.
Réussites. Avant : En tant que chef de produit, on est un peu son propre patron, dans un rôle transversal, avec beaucoup d’autonomie et d’influence. C’est tout à fait gratifiant, on va de la naissance d’un produit jusqu’à la gestion de sa fin de vie. Le moment du lancement est assez euphorisant, l’engouement est général, particulièrement pour les commerciaux qui vont avoir quelque chose de nouveau à proposer aux clients. À chaque fois que je parvenais à mettre un nouveau produit, innovant et disruptif, sur le marché, c’était une réussite pour moi. Je suis particulièrement fière d’un « viewer web », créé il y a 15 ans pour Philips, qui permet de distribuer des images de radiologie, pour le corps médical non radiologue. EasyWEB s’est très bien développé dans les pays du tiers-monde parce qu’il permet de transférer un dossier médical complet à moindre coût. Après : C’est le côté humain qui prime, l’équipe que nous avons réussi à réunir autour de nous. Et aussi la bonne relation avec mes associés. C’est comme un mariage, on s’engage sur les dix, quinze prochaines années à passer nos journées à travailler ensemble pour réussir un projet qui va évoluer. Il faut avoir un socle de valeurs solide, du respect et de la confiance. C’est ce qui me rend fière et heureuse. D’autant que ce n’était pas nécessairement cet aspect là que j’avais le plus anticipé lorsque je pensais à l’entrepreneuriat. Ce côté humain a été une grande découverte pour moi.
Frustrations. Avant : J’avais plein de frustrations. J’avais surtout le sentiment que je ne pouvais pas être moi-même parce que je devais rentrer dans des cases. J’étais identifiée comme haut potentiel et mainte évaluée par des test type Myers Briggs qui définissent notre type de personnalité avec des lettres qui ont chacune une signification. Dans mon cas, il y en avait toujours une qui sortait du cadre attendu. Cela me frustrait parce que je savais que je cela n’avait rien à voir avec mes performances ou celles de mon équipe. J’ai quand même eu la chance d’avoir des managers qui me laissaient toute latitude pour évoluer. J’ai aussi rencontré des gens qui ont voulu me freiner pour des raisons personnelles ou politiques. Néanmoins, j’avais calculé que je pouvais passer 30 % de mon temps à faire du relationnel interne pour m’assurer que mon travail et celui de mon équipe était connu et reconnu. Après : J’aimerais encore que tout aille beaucoup plus vite. Plus l’entreprise grandit, plus les choses prennent du temps. Mais c’est comme ça, ce n’est pas de la mauvaise volonté. Le temps, c’est ce qu’une start-up a de plus précieux. On n’a pas le temps d’en perdre.
Ambitions. Avant : C’était un parcours linaire dans une grande organisation. Je gravissais les échelons. J’étais contente, j’allais devenir patronne d’entité ou d’usine. Je n’avais pas pensé à devenir entrepreneure. Après : Même si une start-up gagne en maturité, elle continue à être en mutation constante. C’est assez grisant et déroutant. Nous avons de la visibilité sur six mois mais si les choses ne se passent pas comme on le souhaite, ce temps peut marquer la fin du projet. Nous sommes arrivés à un stade où j’aimerais une pérennité plus solide, pas seulement pour moi mais aussi pour les équipes. J’ai une grande responsabilité vis-à-vis des salariés, des clients, de nos investisseurs et des institutionnels avec qui nous travaillons.
Réseaux sociaux. Avant : Cela ne prenait pas du tout à l’époque, je n’en avais aucune utilisation. Après : En internet, on essaie de travailler sans s’envoyer d’emails, tout doit passer par nos réseaux sociaux internes ou par le drive. On essaie d’être inclusif vis-à-vis des gens qui travaillent à distance. Ce qui est plutôt drôle, c’est qu’on s’envoie nos blagues via ces réseaux, on entend les gens rire, dans l’open-space, quand ils tombent dessus, parfois avec un peu de retard.
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