Inès Besbes (Seedext) : « L’IA comme moteur d’innovation et pilier de responsabilité, voici la clé pour que l’Europe s’impose durablement sur la scène internationale »

Inès Besbes, cofondatrice et CEO de la start-up d’IA Seedext, a profité du Sommet pour l’Action sur l’Intelligence Artificielle à Paris pour présenter les défis que l’Europe et la France devront surmonter pour s’imposer dans la course mondiale à l’IA.

Forbes France : Vous participez au Sommet pour l’Action sur l’Intelligence Artificielle les 10 et 11 février 2025 à Paris. Quelles sont vos attentes pour cet événement ?

Inès Besbes : Le Sommet est une occasion unique de réunir les forces vives de l’innovation en intelligence artificielle (IA). En tant que cofondatrice et dirigeante de Seedext, une start-up spécialisée dans l’IA, mon expertise au croisement de la technique et de la stratégie business permet d’apporter une vision concrète sur les enjeux actuels. Mon intervention à l’événement portera sur les grandes questions de l’innovation, de la productivité en entreprise et surtout sur l’utilisation responsable de l’IA.

J’espère que cet événement contribuera à faire évoluer les mentalités et à accélérer la reconnaissance du potentiel français en matière d’innovation. Il est crucial de démontrer que la France et l’Europe peuvent s’imposer non seulement en innovation technologique, mais aussi en matière de responsabilité sociétale et environnementale. Un autre enjeu clé est la mise en place de ponts entre entrepreneurs, chercheurs et décideurs politiques pour une stratégie IA cohérente et efficace.

Comment percevez-vous la place de l’Europe dans la course mondiale à l’IA ?

I.B. : L’Europe est souvent prise en étau entre les États-Unis et la Chine et ne tire pas suffisamment parti de son potentiel. Nous avons d’excellentes pointures en recherche, mais elles restent sous-exploitées. Réglementairement, nous avons fait parler de nous avec l’AI Act, notamment à travers les dossiers de régulation liés à Apple et l’iPhone, mais nous devons aussi savoir promouvoir nos propres innovations. Par exemple, Mistral AI attire des investisseurs américains plutôt que français. Beaucoup de start-ups en phase de série A partent à l’étranger pour lever des fonds, faute d’investissements européens suffisants.

Chez Seedext, nous prévoyons une levée de fonds en série A d’ici la fin de l’année. Nous privilégierons les fonds français, mais tout dépendra des conditions qui nous seront offertes.

Quelles sont les opportunités pour l’Europe dans cette compétition mondiale ?

I.B. : Nous devons arrêter de penser uniquement à l’échelle nationale et développer une culture européenne de l’innovation. L’IA doit être adaptée à nos marchés locaux et à nos différences culturelles. Il est aussi essentiel de capitaliser sur nos forces en matière de réglementation pour développer une IA souveraine, sécurisée et conforme aux normes européennes. Trop d’IA aujourd’hui reposent sur des modèles gratuits qui exploitent les données des utilisateurs. L’avenir est à des solutions ultra-personnalisées et ultra-sécurisées et notamment avec des modèles économiques fondés sur des abonnements par volume d’heures ou par licence individuelle.

Seedext a annoncé une levée de 2 millions d’euros en seed en octobre dernier. Comment avez-vous utilisé ces fonds ?

I.B. : Ces fonds ont principalement été utilisés pour accélérer le développement de notre équipe technique et commerciale. Nous avons investi dans l’amélioration de notre service client et le recrutement des meilleurs développeurs afin d’offrir une solution IA de haute performance.

Quels seraient les leviers pour faire émerger des champions européens de l’IA ?

I.B. : Nous avons des candidats crédibles comme Mistral AI ou Poolside, mais ce sont avant tout des fournisseurs. Sur le court terme, ils peuvent surpasser d’autres acteurs, mais sur le long terme, leur capacité d’adaptation sera clé. La question du coût et de la performance reste un défi pour ces start-up.

Chez Seedext, nous explorons toutes les solutions disponibles sur le marché, y compris Deepseek. Cette année, nous avons aussi adopté le cloud Bleu d’Azure certifié SecNumCloud. Cela nous permet d’utiliser une infrastructure souveraine avec les mêmes normes de sécurité que Microsoft Azure, tout en garantissant une IA par client avec des données totalement encryptées. C’est une avancée majeure vers une véritable souveraineté numérique européenne.

En conclusion, quel message souhaiteriez-vous faire passer aux acteurs de l’IA en France et en Europe ?

I.B. : Il est temps de croire en notre potentiel et d’investir dans nos propres solutions. Nous avons les talents et les capacités techniques, il nous faut maintenant une véritable volonté politique et économique pour créer des leaders de l’IA en Europe. L’IA comme moteur d’innovation et pilier de responsabilité, voici la clé pour que l’Europe s’impose durablement sur la scène internationale.

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