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Inégalités Salariales : Comment Fonctionne Le Plan Du Gouvernement ?

Getty Images

Ce jeudi, les ministres du Travail et de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Muriel Pénicaud et Marlène Schiappa, ont dévoilé leur plan pour mettre fin aux inégalités salariales en entreprise. Un plan sur trois ans avec un index qui permettra de mesurer (et publier) les écarts de rémunération. Isabelle Ayache-Revah, du cabinet Raphaël Avocats décortique l’annonce.

 

Le gouvernement vient d’annoncer la mise en place d’un plan pour lutter contre les inégalités salariales, quelles entreprises sont concernées ?

Isabelle Ayache-Revah : Muriel Pénicaud et Marlène Schiappa ont dévoilé jeudi soir un plan de lutte contre les inégalités salariales. Toutes les entreprises, peu importe leur taille, vont devoir mesurer les inégalités salariales, mais à des niveaux différents et selon un calendrier différent. Ce qui est intéressant ici, c’est que ces mesures doivent aboutir à la fin des inégalités. Il y a une obligation de résultats.

De nombreuses choses existaient déjà sur les écarts de salaires, mais on le voit, ces écarts tournent toujours aujourd’hui entre 15 et 20%. En France, notamment par rapport aux pays nordiques, nous sommes très en retard. Le gouvernement veut des résultats rapide, ce qui explique aussi la mise en place d’un calendrier serré à trois ans.

Pour les entreprises qui auront échoué, elles seront sanctionnées à hauteur de 1% de la masse salariale au maximum. Ce n’est plus la carotte et le bâton, mais simplement le bâton.

Comment fonctionne l’Index qui sera mis en place ?

I.A-R. : La directrice des ressources humaines de Schneider Electric [Sylvie Leyre] et l’ANDRH ont développé un index avec des indicateurs pour mesurer les inégalités. En-dessous de 75 points l’entreprise encourt des sanctions si elle ne s’attache pas à mettre un terme à ces inégalités.

Le premier critère est la suppression des écarts de salaires pour 40 points. L’entreprise doit démontrer ses actions et afficher ses résultats en matière d’écarts salariaux. Ainsi, elle doit atteindre 0% d’écarts entre les femmes et les hommes à poste équivalent et par tranche d’âges.

Le deuxième concerne l’égal probabilité d’avoir une augmentation pour 20 points. Il s’agit ici d’inciter les managers à récompenser les personnes en fonction de leur mérite, non en fonction de leur réclamation. En effet, les hommes ont tendance à demander plus facilement que les femmes des augmentations salariales. Le problème avec cette mesure est que le mérite est très subjectif et que ce critère semble être adapté aux très grandes sociétés de plus de 1 000 salariés.

Le troisième s’attaque aux mêmes chances d’obtenir une promotion pour 15 points. L’entreprise doit montrer qu’elle promeut autant les femmes que les hommes. Ce critère également est compliqué dans la mesure où l’on est rarement à 50/50 dans une entreprise. Je regrette que ce plan ne mette pas plus l’accent sur les écarts de promotion car ils entraînent les écarts salariaux.

Le quatrième point s’intéresse au retour de congé maternité pour 15 points. Le rattrapage salarial est déjà obligatoire, mais les mères gagnent toujours moins que les femmes sans enfant. Il était donc indispensable de mettre l’accent là-dessus, mais encore une fois, l’écart de promotion au retour de congé maternité n’est pas pris en considération.

Enfin, le cinquième indicateur étudie la part de femmes dans le top management. Plus on monte dans la hiérarchie, moins il y a de femmes. Dans les dix rémunérations les plus élevées, il devra y avoir quatre femmes.

Pour la mise en pratique et les sanctions, vous parliez de calendrier et de niveaux différents en fonction de la taille de la structure ?

I.A-R. : Un test a déjà été réalisé sur 40 000 entreprises. Elles doivent installer un logiciel pour suivre les différents indicateurs.

Les entreprises de plus de 1 000 salariés auront jusqu’en mars 2019 pour publier leurs résultats, celles de 250 à 1 000 salariés jusqu’en mars également, mais pourront être accompagnées jusqu’en septembre, enfin, les autres auront jusqu’en mars 2020.

Les sanctions ne seront applicables qu’à partir de 2022 pour laisser le temps aux entreprises de mettre en place l’indicateur, constater les écarts et les combler. Ensuite viendra le temps de la sanction.

Reste la question de l’argent. Où les entreprises vont-elles le chercher pour combler des écarts qui s’élèvent parfois à 25% ? Je pense que la progression globale des salaires va être ralentie pour tout le monde.

La loi est intéressante car l’obligation de résultats va sans doute accélérer les choses, malheureusement, je crains que le calendrier devra être aménagé.

Enfin, il faudra être attentifs à un potentiel effet pervers : certaines entreprises qui se disaient « j’embauche une femme parce qu’elle me coûte moins cher » vont-elles se mettre à recruter plus d’hommes ?

[Pour faire appliquer les sanctions, le ministère a prévu de faire passer les contrôles de l’Inspection du travail de 1700 à 7 000 par an.]

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