Hélène a 2 passions : l’expérience client et les cycles d’innovation ! Elle a expérimenté concrètement et pendant 17 ans sa vision de l’expérience client dans différents environnements industriels, internationaux et multiculturels avant de créer Umantex et de s’engager dans des Conseils d’Administration. Convaincue que les entreprises doivent partager et expérimenter pour innover différemment, elle a fondé il y a 5 ans Pink Innov, une association qui rassemble plus de 200 femmes et hommes de l’innovation. Elle organise régulièrement des ateliers innovation avec comme objectifs : explorer les technos, transformer le business, désigner le durable et intégrer l’humain.
Pourquoi évoque-t-on toujours l’adaptabilité ou l’agilité quand on évoque l’innovation ?
J’aime bien faire référence au paléoanthropologue Pascal Picq. Selon lui, « L’entreprise doit s’adapter au monde qu’elle change ». Il explique que nous, les Hommes, nous co-évoluons et que cette évolution repose à la fois sur nos innovations techniques et culturelles et sur la biologie et nos capacités cognitives. Ces évolutions évoluent par phases dont certaines connaissent des accélérations brutales.
Ainsi, il a fallu 2 millions d’années entre l’homo erectus et le feu et l’expansion de l’homo sapiens sur la planète, puis 90 000 ans seulement pour l’invention des techniques d’agriculture. De même, il s’est écoulé 50 ans entre la 3ème et la 4ème révolution industrielle, et maintenant, il arrive une nouvelle évolution avec les NBIC (nanotechnologie, biotechnologie, intelligence artificielle et sciences cognitives) qui sont d’ailleurs annonciateurs de transhumanisme.
À chaque étape d’évolution, on constate des facteurs déclencheurs tels que les facteurs technologiques (les NTIC, la blockchain, l’IA, les jumeaux numériques, les robots, l’impression 3D, la réalité virtuelle…), les facteurs entrepreneuriaux (l’ubérisation, la plateforme économie, la bio-inspiration, de nouveaux écosystèmes innovants et les facteurs sociétaux tels que de nouveaux usages et la prise de conscience des changements qui interviennent dans le monde.
Le premier tournant, c’est le web. À cette époque, Steve Jobs disait qu’il allait changer le monde. En fait on ne savait pas comment. C’est nous, les consommateurs, qui nous sommes emparés de ses produits et avons modelé de nouveaux usages. Après l’avènement d’Internet, il y a eu les smartphones, puis le langage informatique a évolué avec Facebook et Twitter. Au tour de Travis Kalonick de s’impatienter en attendant un taxi et d’inventer Uber. Arrivent ensuite Airbnb, Blablacar…
Tout cela interroge sur les organisations, les grandes entreprises, leurs stratégies R&D ou même d’innovation qui sont trop souvent autocentrées. La transformation numérique de nos sociétés a commencé loin des grandes entreprises. C’est ainsi que les innovations de rupture, les faibles coûts liés à la duplication des applications, les nouveaux usages et leur commodité se sont vite répandus pour s’emparer du monde et le changer. Nous sommes entrés dans une économie de plateforme et d’écosystème.
Tout changement impacte les entreprises. Je fais un constat : face aux évolutions, ce sont les espèces les plus spécialisées qui disparaissent car, quand l’environnement change, elles ont perdu de leur agilité et de leur capacité à s’adapter.
Comme l’annonçait Darwin : Ce n’est pas l’espèce la plus forte ou la plus intelligente qui survit, mais celle capable de s’adapter !
Quelles sont les conséquences pour les entreprises ?
Areva, Alcatel, Kodak, Nokia, Moulinex, Banania… Qu’ont toutes ces sociétés en commun ? Elles ont disparu !
- Kodak passe à côté de plusieurs innovations comme l’appareil photo grand public et la caméra super 8 et finit par être dépassé par l’explosion de la photo numérique. La société dépose le bilan en 2012.
- Nokia, premier constructeur mondial de téléphones portables, n’a pas suivi la révolution des smartphones. Dépassée par Samsung, la marque est rachetée par Microsoft en 2014.
- Moulinex refuse de s’adapter à l’évolution des tarifs du marché liée à l’arrivée des produits chinois. Résultat : liquidation judiciaire et rachat par SEB.
- Quant à Areva, il n’en reste qu’une petite partie devenue Orano après avoir été démantelé suite à son déclin entre 2015 et 2017.
Elles n’ont pas su s’adapter aux cycles d’innovation et à leur accélération, mais aussi à l’évolution des usages. Ces entreprises n’ont pas su être différenciantes en apportant de la valeur et de l’expérience à leurs clients.
Si on regarde du côté des cycles d’innovation, les dernières grandes innovations présentent la particularité d’avoir proliféré à une vitesse sans précédent : deux tiers des objets et produits consommés aujourd’hui n’existaient pas il y a vingt ans. Contrairement à la révolution industrielle dont les répercussions ont essentiellement concerné les modes de production, les évolutions en cours bouleversent aussi les habitudes de vie, de consommation et même de travail.
Quels sont les facteurs déclencheurs ?
Les applications numériques notamment ont accéléré à la fois la création et la diffusion d’innovations. Ces dernières années, les cycles d’innovation se sont accélérés et le laps de temps entre chaque cycle s’est raccourci. Schumpeter explique que les innovations naissent à l’issue d’une innovation de rupture technologique ou scientifique. C’est d’ailleurs ce qui oblige les entreprises à faire de la veille, à s’intéresser à la prospective et à anticiper l’avenir pour ne pas être dépassées par des innovations dans leur secteur.
J’explique souvent que ces raccourcissements de cycles d’innovation s’imposent à toutes les entreprises et concernent indifféremment tous les secteurs. C’est le cas du digital, et d’ailleurs toutes les entreprises s’inscrivent dans une transformation « digitale ».
Ce qui est intéressant aussi, c’est de voir l’impact de l’innovation sur les consommateurs. Nous avons de plus en plus d’early adopters : les courbes d’adoption augmentent à une vitesse impressionnante. Avant, on avait des cycles d’innovation longs tous les 15 ans. Maintenant, c’est tous les ans, voire tous les 6 mois avec une entreprise techno. La R&D et les brevets ne protègent plus suffisamment de ce monde qui change. Ce sont les entreprises qui font qu’un produit ou un service réalisé est unique, qui sécurisent le marché et résistent.
Quelles sont les entreprises qui contribuent ou même sont à l’origine à ce chamboulement ?
Uber, Airbnb, Blablacar, Apple, Google, Tesla…
Certaines de ces entreprises ont même enrichi notre vocabulaire : on parle aujourd’hui d’ubérisation ou de teslarisation pour désigner de nouveaux modèles qui disruptent notre marché. C’est une évolution très intéressante car on voit apparaître de plus en plus de nouveaux modèles : fintech, legaltech, assurtech…
Ce qui veut dire que ces nouveaux modèles de disruption s’imposent partout, dans tous les secteurs, dans toutes les entreprises. Ce modèle est irréversible. En outre, la disruption est partout et concerne tout le monde. Mais il est à souligner que ces entreprises disruptrices se sont avant tout inscrites dans l’économie de plateforme et d’écosystème et ont pris en compte le client en le mettant au centre de leur stratégie et de leur organisation.
Alors qui seront les disrupteurs et les disruptés de demain ?…
Grande question ! Nous allons continuer à explorer, partager et apporter des réponses concrètes dans nos prochains ateliers Pink Innov’.
Propos recueillis par Dominique Barreau
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits