Chaque mois, Forbes France vous fait découvrir une personnalité du monde de la musique. De ceux et celles qui font surgir les talents. Nous vous proposons une rencontre avec Louise-Marie Marguet. Entretien signé Florence Petros.
Jeune femme dynamique et entrepreneuse, Louis Marie Marguet a fondé Emojam, une plate-forme mobile qui accompagne les musiciens et influenceurs dans la création, la distribution et la monétisation d’emoji sonores sur les applications de messagerie. La start-up est basée à Los Angeles et compte pas moins que CJ Entertainment, Structure Capital, Evolution VC Partners, Baron Davis ou encore Sébastien Borget (The Sandbox) comme investisseurs. Avant de fonder Emojam, Louise-Marie « LouMa » Marguet a eu une solide expérience dans l’univers de la musique, pour avoir occupé les fonctions de marketing international et eCRM chez Atlantic Records, Def Jam, Republic Records et Universal Music, à New York et à Londres.
Comment vous est venue l’idée de créer « Emojam » et son univers d’émojis musicaux ?
Louise-Marie Marguet : L’idée d’Emojam m’est venue lorsque je travaillais chez Universal Music Group. J’étais alors chargé du eCRM, c’est-à-dire tout ce qui touchait à l’acquisition et rétention de fans en ligne, pour le monde entier, quel que soit le type de musique. Ma principale activité consistait alors à envoyer des newsletters aux fans dès qu’un artiste ou un groupe sortait un nouveau titre, annonçait une tournée etc. Seulement, les emails sont à peine lus par les jeunes. En revanche, nous passons aujourd’hui 91% de notre temps à envoyer des messages, que cela soit SMS, MMS ou messages directs sur les réseaux sociaux. Alors je me suis dit qu’il fallait trouver un moyen de promouvoir les artistes dans ces messageries. Certes, il s’agit d’un écosystème privé ou l’envoi de publicité n’est pas possible, mais 70% de ces conversations contiennent des emojis, stickers et autres GIFs. J’ai donc décidé, d’une part, de customiser leurs apparences afin qu’ils reflètent l’univers de l’artiste, et, d’autre part, de les combiner avec quelques secondes de son, la musique permettant de faire partager davantage d’émotions.
Quels ont été les premiers challenges que vous avez rencontrés au début de l’aventure ?
L.-M. M : Ne venant pas de l’univers de la tech, j’ai commencé par me rapprocher d’agences de développement mobile afin d’estimer le temps et coût de développement du format emoji sonore. A ma grande surprise, il n’était pas possible d’associer visuel et son sans créer une vidéo, format qui retire tout le charme lié à l’emoji. Il m’a donc fallu trouver des développeurs chevronnés, passionnés par le challenge technique. 6 mois plus tard, nous avons trouvé un moyen et mis au point le format d’emoji sonore. Puis nous avons commencé à lever des fonds. A l’époque, personne ne voulait investir dans la musique à cause des droits faramineux à payer aux labels. Là encore, il a fallu être malin et se débrouiller, en travaillant directement avec quelques artistes de renom pour démontrer que le format Emojam est plus puissant que le GIF traditionnel, et positionner Emojam comme un outil marketing.
Louise-Marie Marguet : Entourez-vous de gens qui sont plus intelligents que vous et qui croient sincèrement en ce que vous faites. Toujours mieux si ces personnes sont reconnues dans votre industrie.
Comment avez-vous identifié votre marché et quelles stratégies avez-vous déployées pour construire une base de consommateurs ?
L.-M. M : Il est toujours important de se demander quelles sont les forces de votre start-up. Outre la nouvelle technologie, notre force était le réseau d’artistes que mes expériences en maisons de disque m’avait permis de constituer. Je me suis rapprochée de ce réseau non seulement pour valider le concept d’Emojam, mais aussi pour identifier les artistes avec des refrains conversationnels et une identité visuelle forte. Emojam s’adapte à tout type de musique et nous avons également appris que les Emojams pouvaient être utilisés quel que soit l’âge ou le genre : il y a des supers fans partout. En marketing, le vecteur de communication le plus fort est le bouche-à-oreille. Nous avons donc priorisé la communication artiste vers consommateur, puis laissé les fans s’approprier le format entre eux. Ils aiment montrer qu’ils appartiennent à la communauté de l’artiste et utiliser des formats qui les différencient des autres. La stratégie parallèle que nous mettons en place est d’inviter les développeurs à intégrer le format Emojam nativement dans leur plateforme afin que le fan n’ait pas à télécharger Emojam. Le moins de points de friction, le mieux c’est. Cela suit en fait la même stratégie que Tenor ou GIPHY ou encore Bitmoji.
Pouvez-vous partager un moment ou une décision qui a significativement impacté la croissance et le succès de votre start-up?
L.-M. M : Nous travaillions sur une campagne pour l’artiste pop Dua Lipa. Avec un nom pareil, nous nous sommes dits que cela pouvait nous ouvrir les portes pour intégrer Emojam dans quelques grosses applications du type YouTube, WhatsApp… Un de mes conseillers nous a présenté à YouTube. C’est alors que YouTube nous a invités à imaginer Emojam pour la « creator economy », soit les influenceurs indépendants du type gamers, fan clubs de foot, etc. Ils nous ont également suggéré de monétiser les Emojams sous forme de souscription mensuelle : à partir de $0,99 par mois, les fans peuvent obtenir des Emojams exclusives de leurs influenceurs préférés. Après 6 mois de pilote, et des résultats plus que bluffants, YouTube nous a intégré ! Nous sommes maintenant l’une des six sociétés intégrées dans YouTube permettant aux créateurs d’engager et monétiser leurs audiences grâce aux emojis sonores. Certains gamers gagnent presque jusqu’à $7000 par mois, grâce à Emojam !
En tant qu’entrepreneur, comment restez-vous innovante et vous adaptez-vous aux changements pour rester compétitif ?
L.-M. M : Je lis tous les jours ce qui s’écrit sur les divertissements en ligne et la presse tech. Par exemple, nous voyons une montée en puissance du gaming, le gaming devient le nouveau réseau social. Nous commençons donc à nous rapprocher de ce secteur et à imaginer par exemple l’utilisation des Emojams dans les jeux vidéos à travers les avatars. Nous parlons beaucoup à nos consommateurs afin d’identifier des nouvelles tendances et répondre à leurs besoins. Enfin, j’entretiens également des bonnes relations avec les fonds d’investissements prestigieux qui ont accès à des nouvelles innovations avant qu’elles soient accessibles sur le marché. L’avantage d’Emojam c’est qu’il y aura toujours des fans, et que l’on ne cessera jamais d’avoir besoin de les toucher avec différents formats innovants.
Quels conseils pourriez-vous donner à quelqu’un qui souhaite se lancer dans l’entrepreneuriat ?
L.-M. M : Bien s’entourer ! Entourez-vous de gens qui sont plus intelligents que vous et qui croient sincèrement en ce que vous faites. Toujours mieux si ces personnes sont reconnues dans votre industrie. Invitez-les à rejoindre votre réseau de conseillers. Cela vous donnera de la légitimité. Il est également important de se poser continûment des questions et d’avancer vite. Parfois la perfection peut être votre ennemie. Concentrez-vous sur la validation d’un point en particulier, puis, une fois votre point validé, attelez-vous à un autre. Enfin, soyez prêt au sacrifice. L’entrepreneuriat, ce n’est pas les 35 heures, c’est un mode de vie. Vous devez être à l’affût tout le temps, par réflexe… et envie !
Entretien réalisé par Florence Petros
Pour aller plus loin : https://www.emojam.com
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits