💡 Chaque mois, Forbes France vous fait découvrir une personnalité du monde de la musique. De ceux et celles qui font surgir les talents.
Pianiste et concertiste de talent, Lydia Jardon est également une défricheuse de répertoire et femme entrepreneuse. Toujours à la recherche de son indépendance, elle a créé sa propre maison de disque « AR RE SE » pour pouvoir enregistrer des compositeurs rares et notamment les compositrices contemporaines. Elle a également créé sa propre école de piano, pianoyaya. Lydia Jardon a été une pionnière dans la découverte des femmes compositrices, auxquelles elle a offert l’écrin de l’île d’Ouessant pour un festival estival, qui fêtera cette année ces 20 ans. En avance sur son temps, elle a fondé il y a 6 ans le festival Musiciennes en Martinique pour promouvoir la diversité culturelle et musicale. Cette année, les tambours bèlè s’harmoniseront à Chopin.
Propos recueillis par Florence Petros
Lydia Jardon, avant tout, pouvez-vous vous présenter ?
Lydia Jardon : Derrière ces activités qui se complètent, il y a une âme menée par une relation passionnelle à la musique et son pouvoir de faire grandir l’homme, de l’humaniser et le rassembler dans une transcendance qui le dépasse, tout en laissant toutes les curiosités s’épanouir dans leur singularité. Sorte d’humanisme de la pluralité, de la diversité, du savoir et de la joie de l’homme à jamais curieux pour avancer.
Cette passion pour le piano, comment est-elle née ?
L. J. : Mes parents n’étaient pas musiciens et c’est la volonté de ma mère, qui avait eu une vocation contrariée pour le théâtre, qui l’a poussée à mettre l’une de ses filles au violon, l’autre au piano. Dès que j’ai posé mes mains sur un piano avec comme guide une vieille demoiselle professeur au conservatoire de Montluçon, j’ai su que ma vie serait la musique, à travers le piano.
Revenons à votre actualité, celle du Festival de Ouessant, à votre actualité discographique avec vos enregistrements de l’œuvre du compositeur Miaskovsky, de votre label et de votre école de piano. Quels en sont les temps fort ? Les coups de cœur ?
L. J. : Dans l’ordre, le festival « Musiciennes à Ouessant » dont la 20ème édition aurait dû avoir lieu en 2020, et qui risque encore d’être reportée en 2022. Elle verra la compositrice Florentine Mulsant (Grand Prix SACEM 2019) inviter la jeune compositrice Camille Pépin (Victoire de la Musique 2020). Par ailleurs, instruments celtes et chants bretons continueront à se marier à la musique classique. Tout comme je le fais avec le festival « Musiciennes en Martinique » (6ème édition les 22, 23 et 24 octobre 2021) où instruments identitaires territoriaux (tambours bèlè) se marieront à Chopin, avec le violon et le chant lyrique. Je travaille assidûment à l’enregistrement du dernier CD consacré à l’intégrale des Sonates de Miaskovsky en 2022 pour une sortie officielle début 2023.
Qui est ce compositeur russe et pourquoi défendre son œuvre ?
L. J. : Le seul intérêt de créer un label discographique il y a 20 ans était de mettre en lumière des répertoires rares et inédits, des compositeurs oubliés ou maudits. Tel fut le cas de Miaskovsky, confiné avant l’heure par le régime soviétique, assigné à résidence jusqu’à la fin de ses jours après avoir été décoré de plusieurs médailles par Lénine et Staline. Sa musique reflète sa colère intérieure, un hurlement de douleur inextinguible. Musique qui, toute la deuxième moitié de sa vie, avait été retirée de toutes les bibliothèques en Union soviétique et n’était donc plus jamais interprétée. S’il y a désormais une salle Miaskovsky au Conservatoire Tchaïkovsky à Moscou, ses œuvres dans le monde ne sont programmées qu’avec parcimonie. Justice devait être rendue à cet immense compositeur qui écrivit 27 symphonies et préféra achever l’écriture de la dernière plutôt que de se faire opérer de son cancer à l’estomac…
Et enfin mon École de piano franco-asiatique dont les enfants et adolescents viennent de concourir par vidéos cette année au prestigieux Concours national Claude Kahn (52ème édition) et ont remporté de belles récompenses. Émotion grande et essentielle à travers l’enseignement, d’aider tous ces jeunes pianistes en herbe à se dépasser au-delà des contraintes qu’exige l’art.
Votre coup de cœur ?
L. J. : Il ira vers cet autre infatigable bâtisseur au sein de mon label AR RE-SE, avec le dernier opus : les derniers CD de l’intégrale des Messes de Josquin des Prés (10 volumes) portée à bout de bras par Maurice Bourbon. Une vie entière dédiée aussi à apporter du beau sur Terre.
Comment réalise-t-on ce tour de force, en cette période si particulière, pour continuer à enregistrer des disques, à former les enfants et prévoir l’organisation d’un festival ?
L. J. : Je ne sais plus qui a dit que « la liberté est de ne pas avoir le choix »… Telle est ma réponse !
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