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FORTISSIMO | Rencontre avec Hélène Paillette, la Lumineuse (Les Minutes Heureuses & Contraste Productions)

Hélène Paillette

 💡 Chaque mois, Forbes France vous fait découvrir une personnalité du monde de la musique. De ceux et celles qui font surgir les talents.  Nous vous proposons une rencontre avec Hélène Paillette, « La Lumineuse ». Entretien réalisé par Florence Petros


 ➡ Hélène Paillette est une multirécidiviste de l’aventure musicale. Une entrepreneuse en série joyeuse, heureuse à l’avance des partages insoupçonnés qu’elle permet. Notre rieuse normande, dont l’ouverture d’esprit l’avait conduite à approfondir jusqu’en Allemagne ses compétences en gestion, n’aime rien tant que lancer de nouvelles aventures, hors des sentiers battus. A la tête de deux sociétés de production, « Les Minutes Heureuses » et « Contraste Productions », qu’elle a créées, elle a bâti de nombreux projets, souvent autour des enfants, régulièrement avec l’homme de sa vie. Ils réussissent tous deux à sortir la musique classique de son ghetto. Hélène bouge les lignes par réflexe, qu’il s’agisse de mêler la musique classique au jazz et au tango ou de faire confluer musique savante et musique populaire, comme dans « Schubert in love ». Une telle activité lui laisse encore le temps d’être à l’écoute de toutes les idées nouvelles, avec gourmandise, un sourire complice dans les yeux.

 

Comment est née votre passion pour la musique et le désir d’en faire votre métier ?

Hélène Paillette : En 1975, je suis arrivée enfant avec mes parents et mes frères comme toute première habitante de la ville nouvelle du Val-de-Reuil dans l’Eure. Cette nouvelle ville était un formidable terrain d’expériences en tous genres, dont la création d’une école de musique, ouverte à tous. J’y ai fait mes premières expériences musicales : piano, flûte, chorale et musique de chambre. C’est ma professeure de piano, une femme merveilleuse et passionnée qui m’a fait ressentir mes premières émotions artistiques. Pour mes parents qui étaient enseignants, fréquenter des lieux de culture était une habitude : c’est ainsi que la musique a fait partie de ma vie… Après une grande école de commerce en France, je me suis spécialisée en management culturel à l’université de Bayreuth à une époque où cela n’était « pas à la mode » chez les jeunes entrepreneurs. Je souhaitais déjà faire partie de ce monde du spectacle. Il a fallu une rencontre opportune chez le fabricant de pianos Steingraber & Söhne où j’avais un job d’étudiante pour débuter ma vie professionnelle à Dresden au service de deux orchestres régionaux du Land de Saxe. Vivre et travailler en Allemagne de l’Est en tant que jeune Française, si peu de temps après la réunification, a été une expérience hors du commun. De retour en France pour m’occuper du développement de l’Orchestre National des Pays de Loire, je décide rapidement de créer ma première entreprise culturelle : une agence d’artistes et de production de concerts …

 

Comment réalise-t-on ce tour de force, en cette période si particulière, de continuer à créer des projets et à réunir artistes et public ?

Hélène Paillette : Grâce à un enthousiasme chaque jour renouvelé, un caractère sans doute passionné, et surtout une profonde conviction : celle que la musique est essentielle à notre équilibre mental et physique et qu’elle doit être accessible à tout un chacun, quels que soient son origine sociale, son âge, sa situation de vie.

 

Même si aujourd’hui encore, le public peut paraître plus frileux à (re)prendre le chemin des salles de concerts, nous continuons bien évidemment à imaginer de nouvelles productions, à convaincre programmateurs, mécènes et institutionnels de l’intérêt de nos projets musicaux.

 

Il a été difficile de voir les artistes que je produis, notamment ceux de l’Ensemble Contraste, se retrouver totalement démunis pendant la crise sanitaire. Sans possibilité de se réunir pour donner des concerts, ni même répéter ensemble, leur condition intrinsèque d’artiste interprète était questionnée, et rien ne les avait préparés à cela !

A côté de cela, il était effrayant d’observer la surconsommation de musique enregistrée par tout un chacun, achetée au forfait mensuel sur les plateformes et entendre parler de la « non essentialité » de la culture.
Je me suis donc battue avec mes collègues de la Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés (FEVIS), dont je suis la secrétaire générale, auprès de Jacques Toubon pour que notre monde culturel ne s’effondre pas.
Aux côtés de mes artistes, j’ai dû redéfinir les projets, maintenir ce qui pouvait l’être, mais aussi créer autrement et infuser de l’optimisme.

J’ai aussi eu la chance l’été dernier de produire aux côtés du violoncelliste Gautier Capuçon et du groupe Société Générale le festival itinérant « Un été en France » : 17 concerts dans 12 villages et villes de France sur 20 jours et de pouvoir permettre ainsi à 26 jeunes instrumentistes et danseurs de se produire en première partie de ces concerts.

Même si aujourd’hui encore, le public peut paraître plus frileux à (re)prendre le chemin des salles de concerts, nous continuons bien évidemment à imaginer de nouvelles productions, à convaincre programmateurs, mécènes et institutionnels de l’intérêt de nos projets musicaux. Et surtout, avec l’Ensemble Contraste, nous continuons à amener la musique auprès des plus jeunes par le biais de projets artistiques participatifs comme nous le faisons dans le Pas-de-Calais depuis plusieurs années, ou auprès d’enfants placés ou atteints de troubles mentaux par le biais d’ateliers musicaux adhoc.

La musique, son écoute, sa pratique et son partage sont un formidable moteur d’émotions et c’est cela qui me donne des ailes !

 

Chaque année, avec l’association Tous mes rêves chantent, nous permettons à des centaines d’enfants de participer à des programmes artistiques et culturels participatifs, que ce soit à Calais, Boulogne-sur-Mer, Château-Thierry, Arpajon …

 

Réunir des artistes d’univers différents (classique, jazz, lyrique, chansons) a toujours été la force de Contraste Productions. Comment faites-vous pour mener à terme ces projets transversaux ?

Hélène Paillette : Je fonctionne par le dialogue, l’écoute et les échanges, à la fois avec les artistes et mon équipe … De ces conversations parfois informelles naissent de belles promesses. Mon défi est d’arriver à les rendre possibles avec l’équipe qui m’entoure et de convaincre les partenaires : financeurs, programmateurs, influenceurs …

Il suffit parfois d’oser, de voir plus loin et de travailler jusqu’à la réalisation de l’objectif fixé collectivement.

Ma responsabilité est donc de sentir en avance les belles idées qui pourraient éclore. Je mets alors tout en œuvre pour les structurer, les financer, les organiser … Je conseille, je guide, j’arbitre.

 

De quoi êtes-vous finalement la plus fière dans vos réalisations ?

Hélène Paillette : Sur un plan professionnel, je suis heureuse d’avoir réussi à donner une véritable dimension sociale à mon parcours professionnel : grâce à l’émission de télévision Tous en cœur que j’ai produite en 2013 pour France 2 et le conte musical Georgia tous mes rêves chantent paru en 2016, j’ai par exemple contribué avec mon mari musicien Arnaud Thorette à valoriser le travail formidable de l’association SOS Villages d’Enfants auprès des enfants maltraités. Depuis, je continue dans cette lancée : initier des projets pour des personnes en situation de fragilité me remplit de joie. Chaque année, avec l’association Tous mes rêves chantent, nous permettons à des centaines d’enfants de participer à des programmes artistiques et culturels participatifs, que ce soit à Calais, Boulogne-sur-Mer, Château-Thierry, Arpajon…

Pour finir, j’essaye de transmettre à mes deux enfants des valeurs d’humanité et d’ouverture à la différence. Je participe par exemple en famille à l’action de l’association Quartier Partagé qui distribue des petits-déjeuners aux personnes sans domicile fixe du quartier parisien dans lequel je vis.

Bien sûr, la musique est présente en permanence à la maison et nous la pratiquons en famille.

 

Vous êtes très sensible à la jeunesse et vous avez produit plusieurs projets de livre-disque pour les enfants en partenariat avec des associations et des dessinateurs. Le dernier « Siam, au fil de l’eau », a  remporté un grand succès. Avez-vous d’autres projets pour 2022 ?

Hélène Paillette : Siam – au fil de l’eau a été une aventure d’autant plus forte que c’est un projet du confinement : malgré la crise, nous avons pu enregistrer, et l’album est sorti, la veille du 2e confinement ! Malgré cela, il a rencontré un formidable accueil du public, nous avons obtenu le prix Charles Cros du jeune public et l’association Le Rire Médecin a pu être mise en avant grâce à ce projet. Nous en donnons le 16 décembre une version scénique au Théâtre de Coulomniers (77) et nous menons autour de ce conte avec 3 conservatoires et 8 médiathèques de l’agglomération Cœur d’Essonne un projet participatif. C’est cela qui est magique : nous pouvons faire vivre le conte musical au-delà de sa parution grâce à notre travail sur le terrain et nous allons ainsi à la rencontre de nos jeunes lecteurs !

Pour 2022, nous travaillons en effet à une autre histoire, mais que je tiendrai pour le moment secrète !

 

Quelles ont été vos découvertes cette année et vos coups de cœur ?

Hélène Paillette : Je suis une grande lectrice : j’ai été particulièrement touchée par « La loi de la mer » de Davide Enia, un récit bouleversant sur la tragédie des migrants. J’ai aussi découvert le livre « Avant qu’elle s’en aille » de Maïa Kanaan-Macaux, l’histoire poignante d’une famille cosmopolite déchirée par la violence du monde. J’ai pu revoir récemment le Printemps de Botticelli à la Galerie des Offices de Florence, que je trouve tout simplement saisissant. Dans un style plus contemporain, j’ai découvert le travail abstrait et coloré de la peintre Fabienne Verdier qui me parle énormément.

 

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