Être femme chef d’entreprise en France aujourd’hui signe une double réussite, en tant que femme et en tant que dirigeante, mais constitue également un exceptionnel challenge. Le réseau Femmes Chefs d’Entreprise, ou FCE, soutient ces femmes qui entreprennent et les accompagne à la conquête des instances de décision économique dans le monde entier.
Avant tout interprofessionnel et apolitique, le réseau FCE fédère les femmes chefs d’entreprise au sein d’une communauté solidaire. Dans cette organisation largement décentralisée, chaque membre a l’opportunité de prendre des responsabilités et de s’impliquer. Grâce à toutes ces actions menées dans un esprit de convivialité et d’entraide, les adhérentes trouvent en FCE un lieu d’échange et d’écoute. L’association accompagne la croissance des entreprises membres par le développement professionnel et personnel de la dirigeante. Chaque femme peut prendre des mandats dans la vie économique au niveau local, régional et national, et ainsi œuvrer pour une juste place des femmes dans les gouvernances.
La genèse d’un réseau militant
Né en France il y a plus de 75 ans, FCE a depuis largement essaimé dans le monde et contribue au développement d’un réseau relationnel actif sur les cinq continents. Ces femmes participent au développement économique de leurs pays, tant dans les pays industrialisés que dans les pays émergents. Par-delà les frontières et les disparités, elles défendent avant tout les entreprises et la représentation des femmes dans toutes les instances de décision économique. L’histoire du mouvement prend son origine dans la nécessité. En 1914, la guerre était déclarée en Europe et, à tous les niveaux, il fallait remplacer les hommes appelés aux armées. Paradoxalement, les femmes ont acquis le droit d’exercer des activités commerciales, de diriger des entreprises et d’entrer dans des instances économiques avant même de pouvoir exercer leurs droits de vote et d’éligibilité politiques. Dès 1883, elles obtiennent le droit d’être électeur et éligible aux Tribunaux de Commerce, et, en 1898, celui d’élire les membres des Chambres de Commerce. En réalité, il faudra attendre le lendemain de la deuxième guerre mondiale pour que les femmes obtiennent le droit de vote politique et qu’une femme, Yvonne-Edmond Foinant, soit élue dans une Chambre de Commerce. Dix ans plus tard, celle-ci entrera au Conseil Économique et Social en tant que responsable de la section Production Industrielle et Énergie. Ainsi près d’un demi-siècle aura séparé les participations théoriques et pratiques des femmes à la gouvernance politique et économique des entreprises. Pionnière en matière de participation des femmes à la gouvernance économique, Yvonne Edmond-Foinant est une femme chef d’entreprise qui, comme les autres femmes, perçoit les difficultés de chacune à se faire admettre dans les groupements professionnels et à entrer dans les fonctions officielles. Sa réponse résidera dans la création, en 1945, de l’association Femmes Chefs d’Entreprises, avec pour vocation d’inciter la prise de responsabilité des femmes dans les mandats patronaux, d’informer et de former ses membres, et de promouvoir la solidarité, l’amitié et le partage d’expériences.
Des associations ou des réseaux de femmes dirigeantes existent dans de nombreux pays de l’Union européenne. La plupart ont un rayonnement local ou national et il en existe peu dont la portée soit mondiale. Ces associations n’auraient pas existé sans l’engagement de femmes volontaires qui ont milité pour l’amélioration de la condition de la femme et pour qu’elles puissent prendre part, à l’égal de l’homme, aux prises de décision économiques et politiques. C’est à la poursuite de cet engagement et de ces actions que le réseau FCE prend tout son sens. Aujourd’hui, c’est un organisme mondial influent, réunissant dans un vaste mouvement de solidarité et d’amitié des femmes qui partagent une passion commune, l’esprit d’entreprendre.
Accroître le poids économique des femmes
CEO de RG Group, Carine Rouvier évolue dans les milieux très masculins du BTP et des transports. A 53 ans, elle a déjà changé plusieurs fois de vie, mais suit depuis 2005 la trajectoire d’une entrepreneuse à succès. En 2009, elle occupe un mandat aux prud’hommes lorsqu’elle prend conscience de l’absence de femmes dans la section industrielle. Elle part alors à la recherche d’autres femmes titulaires de mandats. C’est en naviguant sur internet qu’elle tombe sur l’association FCE, qui fait la promotion de la prise de mandat pour les entrepreneures. La présidente d’Europamiante fait ses premiers pas dans l’association dans la délégation de Seine-Saint-Denis et ouvre peu après la délégation de Seine-et-Marne. En janvier 2021, elle devient présidente de FCE France et multiplie les initiatives. Lorsqu’en 2017, Anne-Sophie Panseri prend les rênes de l’association, il y a 45 délégations. Aujourd’hui, il y en a 66. Pour Carine Rouvier, 15 délégations ouvriront en 2022. Les délégations sont le lieu privilégié de partage d’expérience, de valorisation du savoir-faire des entreprises et de soutien des engagements individuels de chaque adhérente. Elles encouragent l’unité régionale, assurent le lien avec l’organisation nationale et la représentativité économique des femmes chefs d’entreprise. « Le réseau fonctionne très bien. Nous couvrons désormais l’essentiel du territoire français à travers toutes les délégations. D’ici la fin de ma mandature, j’espère être au moins à 80 délégations ». Jusqu’à aujourd’hui, l’association n’a été tenue que par des bénévoles et pour Carine Rouvier, il est essentiel de structurer le réseau et de mettre des choses en place pour plus d’harmonisation et de coordination. « Mon travail est d’instaurer des idées qui permettent à l’association de ne pas perdre son identité, même lorsqu’elle comptera 90 délégations ». L’objectif de FCE est avant tout de pouvoir briguer des mandats économiques et sociaux. Pour ce faire, le réseau gravite autour de quatre axes de valeurs : permettre aux femmes chefs d’entreprises de trouver des leviers de croissance pour leurs entreprises, au travers de formations, d’accompagnement ; leur permettre un développement personnel à travers des conférences ; la territorialité, avec 66 délégations en France métropolitaine et Outre-Mer ; et enfin, une belle histoire de 75 ans.
Unir les femmes chefs d’entreprises du monde
Aujourd’hui, la fédération mondiale du réseau FCE (FCEM) comprend plus de 70 pays des quatre coins du monde. Chaque année, il s’élargit par de nouvelles adhésions qui contribuent au renforcement des liens de solidarité et consolide la position des femmes chefs d’entreprises dans le monde. FCEM réunit des femmes qui souhaitent échanger leurs expériences, leur savoir et participer au développement économique et social de leur pays, par-delà les frontières et par-delà les disparités pour défendre leur entreprise sous la présidence active de Marie-Christine Oghly. Après trois ans de salariat, cette chef d’entreprise accède à des postes décisionnels pour le restant de sa carrière. Très vite militante dans l’entreprise, elle sait qu’elle est faite pour les réseaux et s’intègre au MEDEF avant d’arriver chez FCE, où elle créé une délégation pour le département des Hauts-de-Seine. « Le MEDEF Île-de-France cherchait régulièrement des volontaires pour occuper des mandats mais je n’étais jamais sélectionnée, au détriment d’hommes qui avaient le même profil que moi. J’ai alors cherché une association de femmes chefs d’entreprises et c’est ainsi que j’ai découvert FCE », explique Marie-Christine Oghly, qui prend rapidement les reines de la délégation. Trois ans plus tard, elle devient présidente nationale et occupe la place de vice-présidente mondiale à la fin de son mandat car ce qui l’intéresse avant tout, c’est l’international. Très occupée par son mandat à la présidence du MEDEF Île-de-France, prendre les rênes de Femmes Chefs d’Entreprises Monde l’intéresse particulièrement. En 2017, la chef d’entreprise est la première française à devenir présidente mondiale depuis la création du réseau en 1945. « Échanger à l’international est quelque chose de très enrichissant pour la femme de réseau que je suis. Je m’enrichie au contact des autres ». La présidente du réseau use de son expérience dans les instances décisionnelles pour mener à bien sa mission au sein de FCEM. « Ce qui est à la fois intéressant et complexe, c’est que l’on a affaire à différentes cultures, différents degrés de positionnement des femmes. Mais on se rend compte que le plafond de verre est présent partout », analyse Marie-Christine Oghly. Cela donne parfois lieu à des surprises.
Si l’on imagine l’Allemagne souvent en avance en ce qui concerne l’entreprise et la parité, ce n’est pourtant pas le cas. Si elle fait partie des pays membres fondateurs du réseau, les choses ne changent que depuis peu pour les femmes dans l’entreprise. Les quotas n’y ont été adoptés que cette année et culturellement, il est difficile de concilier carrière et vie de famille. A contrario, au Burkina Faso, le plafond de verre n’est quasiment pas présent, dans le domaine politique et économique. Il en va de même dans les pays asiatiques où les femmes sont bien reconnues dans le monde de l’entreprise. En France, la situation s’améliore mais le chemin est encore long. « Pour nous femmes chefs d’entreprise, le plafond de verre n’est pas un problème, mais il l’est dans le monde économique, puisque tous les mandats patronaux ou les lieux de décision nous représentent peu ». Au sein du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux lance l’effort pour féminiser les commissions. À profil équivalent, la candidature d’une femme est désormais favorisée pour occuper les mandats. Dans les conseils d’administration, l’instauration de quotas était bel et bien nécessaire parce qu’à présent, la parité est plus naturelle dans les entreprises et les grands groupes.
L’échange international, catalyseur de projets
Le réseau FCE représente un poids économique incontestable. Les femmes représentent 50% de la population active, 55% des diplômés, 80% de la décision d’achat, mais seulement 10% de la gouvernance économique. Par ses actions, le réseau œuvre pour la mixité dans les instances économiques et représente, en termes d’emploi, 40 000 salariés et ses membres détiennent 500 mandats. « Chez FCE, on fait du mentorat. On n’accompagne pas financièrement, mais en ouvrant notre carnet d’adresse et en fournissant des conseils, et ce dans le monde entier », explique Marie-Christine Oghly. Le réseau propose un projet de mentoring interpays et organise des masterclasses sur des thématiques différentes et dans différentes langues pour permettre à tous les membres de participer. S’il se base intégralement sur l’entraide, le réseau féminin est très orienté business. Son but est de permettre à chaque membre d’entrer en contact avec d’autres femmes chefs d’entreprise via la base de données de FCE pour trouver un distributeur ou encore un fournisseur. Le réseau FCE opère également un certain lobbying auprès des institutions. « Nous avions fait un congrès à Berlin auquel nous avions invité Angela Merkel. Nous l’avions alors sensibilisée à ces problématiques du travail des femmes, du plafond de verre et des quotas. Chaque fois que je suis invitée dans un pays pour un congrès, je fais passer des messages auprès des ministres que je rencontre. Ce n’est pas toujours facile parce que parmi les pays membres de FCE, il n’y a pas que des démocraties ». Pendant la crise du Covid, le réseau se plaçait plus que jamais sous le signe de l’échange et de l’entraide, mettant à disposition un service SOS juridique, finance, médiation, accompagnement ou encore psychologie. « Certaines se sont mobilisées pour pouvoir écouter les autres et il y avait beaucoup de solidarité entre les femmes chefs d’entreprise de tous les pays. Il y a de l’entraide et de l’amitié. De véritables liens se créent au gré des événements, c’est quelque chose de très riche ». Pour Marie-Christine Oghly, pas besoin de motivation pour mener à bien la mission de FCE. Un seul leitmotiv : aider les autres, fédérer, et accompagner pour aller plus loin. C’est ainsi qu’en 2017, elle donne un nouvel élan à la structure mondiale, qui depuis quelques années, s’était un peu endormie. La présidente du réseau relance alors la présence de ce dernier au sein de l’ONU, de l’UNESCO ou encore du Parlement Européen à Strasbourg, où il officie en tant que membre observateur. « Seules nous sommes invisibles, ensemble nous sommes invincibles. Je crois beaucoup en ce principe qui nous définit et au fait de travailler ensemble ».
Partager l’expérience et le savoir-faire
« On échange beaucoup pour s’enrichir personnellement et permettre aux gestionnaires que nous sommes de développer de nouvelles compétences et de vivre de nouvelles expériences à travers l’enrichissement et l’expériences des autres », explique Carine Rouvier. Un partage d’expériences qui s’organise autour de réunions mensuelles entre femmes chefs d’entreprise pour évoquer toutes les thématiques qui touchent au métier. « Je me bats avant tout pour la représentativité des femmes dans les mandats parce que l’on estime qu’en France, si environ 30% des entreprises sont à capitaux féminins, les femmes ne sont pas absolument pas représentées à hauteur de 30% dans les instances économiques et sociales », analyse Carine Rouvier. Les quotas sont en place depuis maintenant 10 ans, donc les choses évoluent. S’ils s’adressent plus aux salariés, ils commencent toutefois à s’étendre aux mandats représentatifs. « Nous demandons la représentativité avant l’égalité exacte. Nous avons un bel échantillonnage de femmes chez FCE, qui nous viennent de petites boîtes comme de grands groupes. Nous sommes des méritantes aguerries et tenaces donc on ne lâche pas l’affaire ». Un état d’esprit qui fait ses preuves et qui ouvre des portes au réseau féminin qui apporte un avis consultatif sur les divers sujets de l’entreprise auprès du MEDEF, de la CPME, du CESE ou encore du ministre des TPE/PME. Grâce à son influence dans les institutions politiques et économiques de l’Hexagone, les femmes occupent plus de 800 mandats et FCE porte la voix de 800 000 femmes chefs d’entreprises.
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