Et si aujourd’hui le principal plafond de verre quand on est une femme était soi-même ? Pourquoi continuer à intérioriser ses velléités de changements et ses ambitions, plutôt que de les exprimer au grand jour ? Entre introspection et retours d’expérience, la branche genevoise du réseau Féminin Pluriel se réunissait ce mois de juin au très chic Hôtel Richemond près des rives du Lac Léman. La salle était comble pour accueillir le congrès annuel de l’association autour de sa présidente Béril Gurdogan. Pour cette édition 2019, les débats ont été placés sous le signe de la renaissance. Ou l’art de se renouveler, quand on est une femme.
« Les chats ont neuf vies, les femmes aussi… Comment se réinventer ? », interroge les affiches et cartons d’invitation. « Nous avons tous besoin, à un moment donné, de nous réinventer, et parfois même plus d’une fois. Quels sont nos choix ? Comment embrasser notre destin avec passion et créativité ? Il existe de nombreuses façons de réussir une « réinvention » et de passer à la prochaine étape. », formule Béril Gurdogan, présidente du réseau Féminin Pluriel à Genève, dans une salle conquise. Investis par une diversité de profils professionnels et intergénérationnels, les murs vibrent d’une énergie positive. Politique, danseuse étoile, administratrices de grands groupes, écrivaine, entrepreneures ou athlète se côtoient en partageant l’envie commune d’assumer de visibiliser leurs combats de femmes plurielles. De femmes qui n’acceptent pas d’être reléguées aux arrière-postes. En premier lieu, l’égalité salariale « réelle » avec leurs homologues masculins. « 40 ans après l’inscription de l’égalité dans la loi fédérale suisse, le compte n’y est toujours pas ! », rappelle Sandrine Salerno, maire de Genève. Des participantes venues de France, d’Allemagne ou d’Italie acquiescent dans la salle en se reconnaissant, elles aussi, dans ce discours.
« Le networking et l’entraide entre femmes sont la clef », poursuit l’édile. Un conseil, sinon un appel, qui ne manquera pas de faire réagir Sophie Pagan Sedjai, présidente de la branche Hauts-de-France du réseau Féminin Pluriel : « Les groupes masculins ont toujours existé, et ils sont hyper fermés. Le business se fait entre hommes au tennis, au golf, dans les clubs sportifs… Ils l’ont bien compris : ils savent que se réunir est essentiel. », souligne-t-elle. Anne-Marie de Weck, première femme nommée directrice d’une banque privée de Suisse romande, membre du conseil d’administration de Lombard Odier, apporte également son analyse : « Tant que les très grandes institutions resteront dominées par les hommes, lesquels ont d’ailleurs souvent le même profil, alors ils ne pourront pas échapper à ce travers de tout façonner à leur image. », éclaire la financière. Mais il faut également selon elle se départir d’une autre problématique, celle de privilégier uniquement la culture du résultat immédiat. « Les sociétés cotées y sont confrontées car leur horizon temps n’obéit pas à une logique long-termiste. A rebours d’un groupe familial comme la banque Lombard Odier qui s’inscrit dans une échéance de long cours. Ainsi, il devient possible de travailler sur des enjeux sociétaux comme le développement durable ou l’inclusion des femmes… ». Telle est la nature des discussions au Richemond.
Il est aussi question d’inspirer cette communauté engagée à travers des panels, des retours d’expérience et autres échanges de bonnes pratiques. Mesdames, n’attendez pas d’être quadra ou quinquagénaires pour « prendre confiance », « Foncez ! », exhorte Helga Piaget, femme d’affaires philanthrope et passionaria de la préservation des océans à travers sa fondation ‘Passion Sea’. « Je constate que plus l’on devient senior, plus on gagne en assurance et l’on se sent moins vulnérable. Aujourd’hui, je me dis qu’il faut se désinhiber bien avant. Regardez ce qu’accomplit sous nos yeux la jeune activiste écologique suédoise, Greta Thunberg. Elle agit, se montre imperméable à tous jugements et n’a pas peur de dire les choses. Lorsque l’on vous dit que vous perdrez votre place en société, votre statut, n’ayez pas peur et restez authentique avec vous-même. Vous serez alors portée par une incroyable énergie créatrice et communicative qui vous permettra de vous épanouir plus que jamais ! ». Des propos qui ont une forte résonance dans l’assistance. Rocio Restrepo Ramos, ancienne DRH en Colombie à présent installée à Genève, ajoute : « Les femmes n’imaginent pas à quel point elles peuvent être fortes si elles décident de s’affranchir du regard des autres ! ».
Une certitude qui ne peut néanmoins pas faire l’économie d’un profond travail d’ «estime de soi », témoigne la responsable de Féminin Pluriel, Béril Gurdogan. Son assurance naturelle affichée en ce jour tranche avec ses précédentes déclarations. Cette avocate de profession revient sur les nombreuses situations où elle a cultivé une forme d’auto-censure à exprimer pleinement son potentiel. « Soyons des femmes courageuses, déterminées qui osent être elles-mêmes, pour librement saisir toutes les opportunités en assumant leurs valeurs. », enjoint-elle. Rocio Restrepo Ramos ajoute que « bien souvent, les femmes emploient une sémantique très révélatrice de ce rapport compliqué à l’estime de soi. J’entends régulièrement mes congénères dire qu’elles ont un ‘petit projet’, quand la gent masculine – pour sa part – présentera son idée en vendant un ‘grand projet’ ! Cessons de nous sentir illégitimes. »
Pour la patronne du Cercle Suisse des Administratrices, Dominique Faesch, ce sont avant tout les femmes charismatiques et exemplaires « qui donneront envie à d’autres de les suivre », tout en leur insufflant la confiance « dont nous avons toutes et tous besoin pour nous positionner ». Autant de figures inspirantes qui ont un rôle à jouer au quotidien. Nane Annan a spécialement fait le déplacement pour se joindre au congrès afin de rendre hommage à certaines de ces femmes. Co-dirigeante de la fondation « Kofi Annan », elle a rappelé combien l’inclusion des femmes étaient une chance citant en exemple le remarquable parcours de nombreuses mères, épouses, étudiantes au Burkina Faso.
Au terme de ce temps fort de l’entraide féminine, Béril Gurdogan se réjouira d’un « bilan plus que positif qui démontre l’importance de se réunir physiquement, plutôt que virtuellement, afin de mettre en lumière les talents de chacune, de les synchroniser. Il faut plus que jamais s’imprégner de nos expériences dans les défis tant professionnels que privés, qui nous incitent ou nous obligent à nous réinventer. ».
Entre convergences et bienveillance, le congrès a réaffirmé combien l’adage « l’union fait la force » était d’actualité.
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