Être Une Femme Dans Le Secteur De La Biotech

Nawal Ouzren est CEO de la biotech Sensorion, une société biotechnologique pionnière au stade clinique dédiée au développement de thérapies innovantes pour restaurer, traiter et prévenir dans le domaine des pertes d’audition. Elle partage ici sa vision du domaine des biotechs et son ambition de le faire évoluer.

Vous êtes souvent considérée comme une entrepreneuse

Je me sens davantage CEO d’une biotech qu’entrepreneuse au sens strict du terme, dans le sens où je ne suis pas la fondatrice de la société. Mais que l’on soit entrepreneuse ou dirigeante, courage et conviction sont deux composantes essentielles pour emmener une équipe et une entreprise le plus loin possible, de la manière la plus authentique et la plus efficace possible.

Pourquoi avez-vous choisi l’univers de la biotech ?

Je voudrais tout d’abord donner une rapide définition de la biotech. Une biotech est la combinaison d’une science d’excellence transformée en un produit avec une équipe motivée pour faire bouger les lignes de la médecine.

J’ai découvert cet univers aux États-Unis au sein de grands groupes. J’ai été impressionnée par la vitesse de développement des médicaments et par la qualité de l’innovation. Les biotechs transforment les travaux scientifiques des institutions académiques en réalités-produits. La vitesse de développement est le « nerf de la guerre » ! En effet, la vitesse d’exécution permet de lever des fonds. Aujourd’hui de nombreux grands laboratoires pharmaceutiques collaborent avec les biotechs pour faire avancer la science plus rapidement.

Étant scientifique de formation, évoluer dans cet univers était pour moi naturel. Cet univers implique de rendre la Science sexy : il faut à la fois être créatif, savoir convaincre et valoriser l’innovation. Lorsque l’opportunité avec Sensorion s’est présentée, je l’ai saisie avec d’autant plus de plaisir et d’intérêt que l’aire thérapeutique est passionnante. Sensorion est une biotech pionnière dans le développement de thérapies innovantes pour restaurer, protéger et prévenir la perte audition. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine : par exemple, il existe encore de nombreuses idées reçues sur les problèmes d’oreille interne. Ces pathologies ne sont pas mortelles, certes, mais elles impactent énormément la qualité de vie des patients. Nous contribuons à faire avancer la Science.

Être une femme a-t-il été un frein pour vous ?

Personnellement non. Cependant, une femme scientifique dans un univers masculin interroge parfois ! Force est de constater que les femmes sont sous-représentées dans l’univers des sciences. Un exemple flagrant : lors de congrès biotech d’envergure internationale, les panels de discussion sont très souvent exclusivement masculins. Les mentalités doivent évoluer !

Cela constitue un frein majeur pour les femmes, moins visibles donc moins sollicitées lorsque les opportunités se présentent. Nous constatons malheureusement qu’il est plus difficile d’accéder à des postes à hautes responsabilités : selon le panorama France Healthtech de 2019, on compte seulement 19 % de femmes Dirigeantes d’entreprises de Healthtech.

La démarche d’« ouvrir » davantage les entreprises aux femmes doit être volontaire. Les talents féminins existent déjà ; il faut proactivement les chercher et les solliciter. Sur le terrain, les femmes sont sur le devant de la scène, ce qu’illustre parfaitement la crise de la Covid-19. Les aides-soignantes, les infirmières, les expertes scientifiques sont en première ligne, et pourtant ces femmes sont sous-représentées sur les plateaux de télévision.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Tout d’abord, Christine Lagarde : première femme présidente d’un cabinet d’avocats américain, première femme ministre de l’Économie et des Finances en France, première Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI). Elle ouvre depuis longtemps la voie aux femmes.

Une autre femme exceptionnelle, la Professeure Christine Petit, a créé son unité de recherche de A à Z. C’est une éminente chercheuse, directrice de l’unité mixte de recherche génétique et physiologie de l’audition à l’Institut Pasteur. Elle est membre de l’Académie des sciences et Professeure au Collège de France. Christine Petit a reçu le Prix Kavli en 2018 en neurosciences. Ce prix récompense les scientifiques dont les découvertes ont révolutionné ce domaine.

Enfin, deux femmes, deux scientifiques donnent également beaucoup d’espoir aux jeunes femmes chercheuses : Manuelle Charpentier et Jennifer Doudna ont reçu le Prix Nobel de Chimie. C’est une belle source d’inspiration.

Qu’est-ce qu’une approche féminine peut amener de plus dans une entreprise ?  

De l’audace ! Beaucoup de femmes essaient de changer le statu quo actuel. J’observe cependant que très souvent les femmes qui ont réussi sont parties de zéro et bâtissent de nouveaux projets dans des secteurs où tout reste à faire. Cela n’est sans doute pas dû au hasard : j’y vois plutôt la difficulté d’accéder à des cercles de pouvoir et, par là même, à des opportunités de postes à responsabilités. Rendre l’entreprise plus inclusive est un enjeu prioritaire, nous avons tous à y gagner !

<<< A lire également : Portrait De Valentine Tardieu-Vitali, Directrice Et Oenologue Au Château La Verrerie >>>