Elle appartient à cette catégorie d’actrices qui forcent le respect. Celle que l’on surnomme la « Meryl Streep » noire est au firmament de son art du haut de sa couronne de triple crown of acting, à savoir un Tony Award (théâtre), un Emmy Award (télévision) et un Oscar (cinéma). Gloire, paillettes et blessures intimes, Forbes revient sur le parcours d’une survivante. Rencontre inspirante.
Ses rôles les plus emblématiques l’ont fait entrer dans les foyers américains, accéder aux cérémonies les plus prestigieuses, et l’ont propulsée à l’international, touchant le public sans distinction d’âge, d’origine ou de genre. Lorsqu’elle donne la réplique à Denzel Washington dans le drame Fences, son interprétation d’épouse sacrifiée ayant tu des années durant ses aspirations, ses rêves les plus profonds, et qui finit par mettre à nu ses frustrations – quitte à bousculer enfants, mari et spectateurs – nous renverse par sa beauté. Dans ce cri de vérité, beaucoup de mères se sont reconnues.
Son jeu d’émotion, elle le met aussi en pratique dans son rôle de domestique évoluant dans une Amérique ségrégationniste dans La Couleur des sentiments. Cette fois, elle donne un coup de pied dans le chaudron bouillonnant du racisme toujours ancré dans les États du sud.
Viola Davis, c’est aussi cette avocate calculatrice, froide, sans foi ni loi et diablement sexy, qui nous embarque dans son rôle d’Annalise Keating dans la série How to get away with murder (comment se débarrasser d’un meurtre) désormais culte. Encore un succès planétaire pour celle qui nous fait passer le message qu’on ne la trouve pas toujours là où on l’attend. Actrice, productrice, égérie, philanthrope, à 56 ans, Viola Davis est une femme puissante. Une position qu’elle a acquise en se battant. Lors de son premier tapis rouge au Festival de Cannes, elle s’est confiée à Forbes en nous disant qu’elle était aussi « une survivante ».
Son histoire, son enfance, ses débuts la hantent toujours. La très glamour icône du septième art assume ses cicatrices et ses terribles souffrances qui l’ont construites. Le grand public et la presse ont découvert quelques jours avant la grand-messe cannoise le poignant récit de sa vie dans son livre autobiographique, Finding me : a memoir, dans lequel elle revient sur les épisodes sombres de son existence.
Une agression sexuelle longtemps tue
Née en Caroline du Sud à une époque où les discriminations et le racisme institutionnel faisaient rage, la jeune Viola a grandi dans une extrême pauvreté au milieu de cinq frères et sœurs. Son foyer était rongé par les rats, le froid hivernal mais aussi par les disputes incessantes de ses parents. Le patriarche, alcoolique et violent, a traumatisé toute la famille. « Il n’y aura jamais assez de pages pour décrire les disputes, les réveils dans la nuit, ou lorsque je rentrais après l’école et que je priais pour que mon père ne tue pas ma mère », raconte cette écorchée vive. Dans son ouvrage semblable à une thérapie, elle lève aussi le voile sur l’agression sexuelle perpétrée par son frère qu’elle n’avait jusqu’alors jamais révélée à ses proches.
Viola Davis s’attarde également sur les coups, les moqueries, les insultes répétées de ses voisins blancs lui balançant qu’elle n’était qu’une « sale fille noire moche méritant son malheur ». Le lecteur ne sort assurément pas indemne de cette introspection. Parmi les nombreuses raisons qui l’ont poussée à se livrer, la superstar bankable confie son besoin de partager avec les malchanceux qu’il faut toujours entretenir l’espoir.
Ne laisser personne éteindre ses rêves. L’actrice le martèle en nous invitant à nous entourer de gens qui nous aiment profondément : « Il est essentiel de garder près de soi ces êtres qui vous portent un amour inconditionnel. Leur sincère affection va vous ré-énergiser, vous sauver. J’ajouterais aussi qu’il est important de se répéter que l’on mérite tout le bonheur du monde malgré le mal qui peut nous entourer », assure-t-elle dans sa suite du Martinez à Cannes.
Valoriser les rôles de femmes accomplies, loin des clichés habituelles d’épouses effacées
Dans son tailleur blanc griffé, entourée de gardes du corps et de sa garde rapprochée composée de son agent et de sa glam team, la très attendue Viola Davis ne veut pas seulement faire crépiter les flashs, elle tient à faire passer de nombreux messages. La résilience, l’estime de soi, la diversité, la bienveillance… L’Américaine pleine de sagesse entend transmettre ce qui l’a forgée et menée au sommet. Que voudrait-elle dire à cette petite Viola si elle avait le pouvoir d’aller à sa rencontre en remontant le temps ? « Je la prendrais dans mes bras, je lui répéterais qu’elle est vraiment méritante. Je lui répéterais cette phrase devenue mon mantra, “parce que je le vaux bien” », répond l’ambassadrice L’Oréal Paris.
À l’affiche de la série First Lady au côté de Michelle Pfeiffer, Kiefer Sutherland, l’interprète de Michelle Obama a encore bien d’autres chevaux de bataille. Elle s’engage souvent dans des projets valorisant les femmes, loin des clichés habituels d’épouses effacées ou de faire-valoir, de divas imbuvables ou de méchantes intrigantes. Il lui importe aussi de mettre en avant les femmes de couleur dans ses compositions afin d’inspirer ces semblables.
Hollywood post-#MeToo a certainement évolué sur le sujet mais la route est encore très longue pour les actrices dont on accepte encore difficilement le vieillissement, comparativement à leurs homologues masculins. Distinction s’appliquant également au salaire. « Heureusement qu’il y a de plus en plus de femmes productrices et réalisatrices aujourd’hui, ce qui nous permet de nous émanciper de cette lecture machiste lorsque nous écrivons des scénarios », se réjouit-elle.
La vraie révolution pour Viola Davis serait un jour de se voir confier l’un des rôles principaux dans un Telma et Louise au casting 100 % afro. « Lorsque des femmes mûres afro-américaines entreprendront un girl’s trip dans une ville romantique d’Italie avec au menu fous rires, aventures d’un soir et crises existentielles, alors Hollywood aura vraiment fait sa mue ! », balance-t-elle entre rires et sarcasmes.
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