Se définissant elle-même comme une autodidacte, la cofondatrice et fondatrice de la JFD Connect de la Journée de la Femme Digitale, a su tracer son sillon au gré des vents avec, en filigrane, la volonté indéfectible, tout au long d’un parcours jalonné d’embûches mais également de coups d’éclat, de mettre à l’honneur les femmes, notamment dans le numérique où elles restent dramatiquement sous-représentées.
« La moitié de l’humanité et non l’autre moitié de l’humanité ». Un postulat en parfaite adéquation avec la manière dont la fondatrice de l’agence digitale « the bureau » perçoit la problématique hommes-femmes et tous les aspects qui en découlent, notamment l’inégalité salariale, ou le manque de représentation de la gent féminine dans certaines disciplines, notamment le digital où elles ont pourtant fait office de pionnières et d’avant-gardistes, sous le regard de leurs condisciples masculins.
« Dès les années 1970, les femmes ont massivement investi ce secteur, avec comme figures de proue Grace Hooper, à qui l’on doit l’expression de « bug informatique », ou encore Margareth Hamilton qui a contribué – doux euphémisme – aux premiers pas de l’homme sur la lune », raconte Delphine Remy-Boutang. Mais depuis ? Malheureusement plus rien ou presque. « En 2017, la proportion des femmes dans le numérique s’élève à 28% », se désole l’entrepreneure.
Dans le grand bain de « l’action concrète »
Dès lors, comment permettre aux femmes de renouer avec ce lustre passé ? La défiance est de mise quand il s’agit, pour Delphine Remy-Boutang, d’évoquer l’épineuse question des « role-models » comme Sheryl Sandberg de Facebook ou encore Marissa Mayer qui était à la barre, jusqu’à récemment, du navire amiral Yahoo!. « On voit toujours les mêmes têtes, ce qui est résolument contre-productif car ce sont des figures dites intimidantes. Les femmes doivent davantage chercher des exemples ‘quotidiens’.
Et de poursuivre : « il y a énormément de femmes en France qui montent des starts-up. On n’est jamais mieux servi que par soi-même », souligne celle qui avant de se retrouver à la tête de the bureau – » parce que les plus belles histoires commencent au bureau « – a fourbi ses armes chez IBM où elle a dirigé le marketing et la communication avant de s’occuper des « social media » au sortir d’études de droits rapidement avortées. « Je voulais immédiatement être au cœur du réacteur, en première ligne. Je me considère volontiers comme une autodidacte ». Dans l’action, déjà.
L’émancipation
Un parcours au sein duquel la lutte contre les inégalités occupe une place prépondérante. Après 11 ans passés à Londres, fidèle à son idéal « d’affranchissement », et pour ne plus être considérée simplement comme « le rouage d’une grande machine », Delphine Remy-Boutang franchit le Rubicon et fonde donc sa propre structure tout en réfléchissant à une manière « plus concrète » de matérialiser ses engagements et ses convictions. La Journée de la Femme Digitale est sur rampe de lancement.
« J’intervenais dans beaucoup d’événements autour du web et du digital où j’étais souvent la seule femme. J’ai donc décidé qu’il était temps de mettre un terme à cette situation. Comment se fait-il que les femmes soient si peu représentées au sein de ce qui constitue l’économie de demain ? », s’agace-t-elle, soulignant, à juste titre, que « 60% des métiers de 2030 n’existent pas encore ».
Un monde meilleur
La Journée de la Femme Digitale est devenue, depuis quatre ans, un rendez-vous incontournable de l’innovation et de l’entreprenariat au féminin. Cette cinquième édition baptisée « For a better World » s’inscrit dans la lignée des éditions précédentes avec, toutefois, une touche d’optimisme supplémentaire et avec une marraine prestigieuse, en la personne de Delphine Ernotte, patronne de France Télévisions.
« Avec Delphine Remy-Boutang, nous partageons plus qu’un prénom. Au cours des dernières années, j’ai pu la voir faire ses premiers pas dans son activité actuelle, s’engager sur cette voie tout en gardant le sourire et la confiance. J’ai pu témoigner de son énergie et de son envie », soulignait la dirigeante au moment de remettre les insignes de la Légion d’Honneur à la fondatrice de la JFD.
Faire évoluer les mentalités
Mais l’entrepreneure, si elle fourmille d’initiatives et d’idées, se montre résolument critique lorsque sont évoquées les questions relatives à la parité au sein des comités exécutifs et la désolante nécessité de légiférer pour parvenir – péniblement – à ce que la proportion des administrateurs de chaque sexe ne puisse être inférieure à 40 % au sein des COMEX.
« Et pourquoi pas 50% puisque, après tout, nous sommes la moitié de l’humanité ? Le féminisme en entreprise doit être aussi bien soutenu par les femmes que par les hommes. Eux aussi doivent être aussi féministes que nous ». Une « leçon » également valable pour les médias, en première ligne pour faire évoluer les mentalités. « Quand une femme entre au comité exécutif ou devient présidente d’un directoire cela devient une actualité, alors que cela ne devrait même plus être un sujet », regrette-elle.
« Une femme, soit elle s’adapte, soit elle renonce »
Une évolution des mentalités nécessaire – et sans aucun doute salvatrice – qui passe par la mise en place d’initiatives concrètes. Et Delphine Remy-Boutang n’en manque pas. Dernière en date, lancée l’année dernière, la « JFD Connect », un « club » qui permet aux femmes de « réseauter » et de « networker ». Objectif : créer l’entreprise de demain. « En matière de « networking », les hommes ont plus de facilité que les femmes. Ce qui est normal car le modèle actuel d’entreprise a été créé par les hommes et pour les hommes. Une femme soit elle s’adapte, soit elle renonce ».
Un constat implacable mais empreint de lucidité. Et le digital peut permettre, pour l’entrepreneure, d’esquisser les contours d’un « monde meilleur ». « Etre une femme digitale, c’est être une femme libre. Comme je le dis souvent, le 21e siècle sera féminin ou ne sera pas. Nous devons nous réapproprier une certaine forme de créativité que nous avions lors des balbutiements du digital que j’évoquais en préambule. Il faut arrêter de croire qu’une femme qui veut faire carrière ressemble à un homme. Après tout, innovation et ambition sont des mots féminins, n’est-ce pas ? ». Tout comme les termes performance et réussite.
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