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Décès De Toni Morrison, La Mort D’Une Étoile

Toni Morrison
GettyImages

La romancière de renom Toni Morrison, auteure de L’Œil le plus bleu, Beloved, Sula, La chanson de Salomon, Tar Baby et bien d’autres ouvrages, est décédée mercredi à l’âge de 88 ans. C’est son éditeur, Alfred A. Knopf, qui a fait part de la triste nouvelle.

Le roman Beloved avait valu à Toni Morrison de remporter le prix Pulitzer de la fiction et l’American Book Award en 1988, mais la romancière avait également reçu le prix Nobel de littérature en 1993, devenant ainsi la première femme afro-américaine à en être lauréate. L’auteure avait fait l’objet d’un reportage intitulé Toni Morrison : The Pieces I Am, sorti en salles début 2019 et réalisé par Timothy Greenfield-Sanders.

Le comité du prix Pulitzer a partagé le compte rendu du jury de l’époque sur Beloved, qui déclarait : « Beloved est un travail d’une distinction immense et assurée, destiné à devenir un classique de la littérature américaine. En écrivant sur la vie des esclaves noirs et des anciens esclaves à l’époque de la guerre de Sécession et de la Reconstruction, et en situant son histoire dans des États frontaliers (entre l’Ohio et le Kentucky, sur le bord de la rivière Ohio, près de Cincinnati), Toni Morrison s’inspire du thème central de notre histoire nationale et de notre honte profonde ».

L’auteure fait ses études à l’université Howard, où elle débute l’écriture de ce qui sera son premier roman, L’Œil le plus bleu. En 1955, elle obtient son master à l’université Cornell et écrit une thèse intitulée « Virginia Woolf’s and William Faulkner’s Treatment of the Alienated », qui porte sur le thème du suicide dans l’œuvre de Virginia Woolf et de William Faulkner.

Toni Morrison, de son vrai nom Chloe Ardelia Wofford, a également travaillé en tant qu’éditrice chez Random House à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Elle a pu ainsi côtoyer des auteurs tels que Toni Cade Bambara, Nettie P. Jones, Huey Newton et Angela Davis. Selon The New Yorker : « Avant la fin des années 1960, il n’existait pas vraiment de cursus en African-American studies à l’université, encore moins de cursus en études postcoloniales ou en féminisme. En tant qu’éditrice et auteure, Toni Morrison a joué un rôle décisif dans le développement de ces formations universitaires, soutenue par Random House ». En 1973, elle publie une anthologie d’écrivains noirs intitulée The Black Book, qui se verra rééditée en 2009 pour une édition anniversaire comprenant plus de 500 photographies.

En 1993, la romancière américaine déclare à la revue The Paris Review qu’elle n’a réalisé que très tard que son talent était celui d’écrire, expliquant : « J’ai toujours su que j’étais plutôt douée, parce que c’est ce que disaient les gens autour de moi, mais leurs critères de qualité n’étaient pas forcément les miens. Donc je n’étais pas vraiment intéressée par ce qu’ils disaient, cela ne voulait rien dire pour moi. C’est quand j’ai commencé à écrire La chanson de Salomon, mon troisième livre, que j’ai compris que c’était ce qu’il y avait de plus important dans ma vie. D’autres femmes l’ont déjà dit avant moi, mais malgré cela, dire que l’on est une femme et une auteure, ce n’est pas facile ». Au début de sa carrière, elle fait le choix de ne pas dire à ses collègues qu’elle écrit des livres, de peur d’être renvoyée. « Aucun éditeur interne n’écrivait de fiction. E. L. Doctorow avait démissionné. Il n’y avait personne d’autre à part moi qui publiait ses propres romans ».

Dr Dana A. Williams, professeure en littérature afro-américaine à l’université Howard, a déclaré dans une interview : « Malgré son énorme succès, Mme Morrison ne s’est jamais considérée comme un exemple. Elle était une auteure parmi tant d’autres, certains qu’elle avait publié d’ailleurs, qui étaient imprégnés de langue et de culture et qui osaient nous montrer les particularités de l’expérience afro-américaine ainsi que son universalité. Sans aller jusqu’à dire qu’elle était une anomalie, elle était indéniablement spéciale. Elle a été la première femme noire à remporter le prix Nobel de littérature et peu d’auteurs aujourd’hui peuvent se targuer d’avoir connu un succès à la fois critique et commercial, pas seulement comme auteure, mais aussi comme éditrice. Elle a fait le travail que personne d’autre ne pouvait faire, et elle a changé les choses à tout jamais ».

Des célébrités du monde entier se sont empressées de rendre hommage à Toni Morrison sur les réseaux sociaux, notamment Hillary Clinton, la députée américaine Ilhan Omar, le candidat à la primaire démocrate Beto O’Rourke, la romancière Stacey Abrams, la réalisatrice Ava DuVernay, la productrice de TV Shonda Rhimes, ou encore Kerry Washington. L’ancien président des États-Unis Barack Obama, qui avait attribué la médaille présidentielle de la Liberté à Toni Morrison en 2012, a lui aussi partagé un hommage chargé d’émotion sur Twitter : « Toni Morrison était un trésor national, une conteuse hors pair et captivante aussi bien sur le papier que dans la vraie vie. Son œuvre était un défi magnifique et chargé de sens pour notre conscience et notre imagination morale. Quelle chance que d’avoir pu respirer le même air qu’elle, ne serait-ce que pour un moment ».

Certains auteurs ont par ailleurs félicité le travail de la romancière, sans lequel ils auraient eu du mal à écrire leurs propres ouvrages. Pour Sara Collins, auteure de Les Confessions de Frannie Langton : « Je n’aurais pas réussi à terminer mon propre roman sans l’inspiration de Toni Morrison. Plus que n’importe quel auteur, elle incarne le pouvoir du récit en tant qu’affirmation de l’humanité ».

Le dernier roman de Toni Morrison, Délivrances, avait été publié en 2015.

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