Pour se lancer dans l’entrepreneuriat, elles ont opté pour une partenaire plutôt proche : leur propre sœur. A l’image des célèbres jumelles Marie-Kate et Ashley Olsen, ex-actrices devenues business women, des startupeuses françaises comme les créatrices de Marlette ou de Babbler allient succès et sororité. Sœur et business, une équation infaillible ?
Quand on demande à des sœurs comment l’idée de créer leur entreprise leur est venue, elles répondent souvent le même mot : hasard. Plus que les relations familiales, c’est souvent une idée, née d’une discussion ou d’un constat commun, qui marque le début de l’aventure. « On ne s’était jamais dit qu’on allait lancer une boîte ensemble », assure Scarlette Joubert. Il y a six ans, la jeune femme, alors étudiante à Bordeaux, est venue passer l’été en famille sur l’Ile de Ré pour donner un coup de main à sa sœur Margot, qui se lançait dans la vente de préparation pour gâteaux bio. L’entreprise Marlette – contraction du nom des deux sœurs – était née.
Babbler, réseau social qui met en relation les journalistes et les communicants, a une histoire similaire. Alors qu’elle travaillait dans les relations presse, Sarah Azan a reçu l’aide de sa sœur. Celle-ci a constaté à quel point il était compliqué de joindre les journalistes. Pour résoudre le problème, Hannah Oiknine a proposé d’inventer le Twitter des relations presse. « Dans la vie, on a plein d’idées, mais on les réalise rarement. Ça faisait cinq ans que j’étais dans les relations presse et je lui ai dit que ça n’allait pas être si simple. Elle m’a répondu qu’elle allait travailler sur un business model aux Etats-Unis et me tenir au courant », se souvient Sarah. Trois ans plus tard, ce qui n’était qu’une intuition est devenue un succès. En avril dernier, Babbler a levé 2 millions d’euros. Pourtant, entre les deux sœurs nées le même jour à quatre ans d’intervalle, la relation n’était pas fusionnelle. « Nous avons été dans des internats assez jeunes et nous n’avons pas étudié dans la même ville. Nous étions loin d’être tout le temps ensemble ! », assure Sarah.
« On se fait 100 % confiance »
Fusionnelle ou pas, la relation entre sœurs apporte un atout considérable dans l’univers entrepreneurial : la confiance. « S’associer, c’est comme un mariage. Aller chercher un associé sur la base des compétences pures alors qu’on va élever un bébé avec lui est très compliqué. Il faut aller vers des gens que l’on connaît avec lesquels la confiance est déjà là. C’est la clé du succès », observe Frédérique Clavel, coach et fondatrice du réseau d’incubateurs les Pionnières. « On se fait 100 % confiance, je sais qu’elle ne va pas me voler de l’argent ! On se connaît par cœur et on connaît les valeurs de l’autre, travailler ensemble est assez naturel », assure Scarlette Joubert. « Nous avons une confiance aveugle l’une envers l’autre et nous restons toujours soudées, dans les meilleurs comme les pires moments », ajoute Hannah Oiknine, de Babbler. En créant Kokoroe, une plate-forme de cours particuliers, avec sa sœur jumelle et leur meilleure amie, Elise Covilette a toute suite mesuré les avantages de cette connivence. « La communication est presque intuitive. On arrive parfois à deviner ce que l’autre veut dire. On sait anticiper les réactions de l’autre, les moments où elle est fatiguée… Nous sommes plus fortes parce qu’on se connaît mieux », confie-t-elle.
Pour Frédérique Clavel, les liens qui peuvent unir des sœurs ne doivent pas faire oublier que pour qu’une association fonctionne, il faut que chacune ait des compétences complémentaires. « Nous avons accompagné une entreprise avec un frère et une sœur et c’était compliqué car ils avaient les mêmes forces : ils étaient tous les deux très bons en marketing et avaient du mal à apporter un regard contradictoire », se souvient-elle. Toutes les start-up à succès évitent cet écueil. Chez Marlette, Scarlette, plutôt rat des villes, vit à Paris et gère le marketing, la communication et le développement des cafés, pendant que Margot, plutôt rat des champs, supervise la production et la R et D depuis l’Ile de Ré. Une organisation que l’on retrouve chez Karethic, marque de produits cosmétiques bio et équitables à base de karité imaginée par Carole et Glwadys Tawema. Alors que l’aînée s’occupe de la production et de la certification bio au Bénin, Carole se concentre sur la partie commerciale et marketing en France. « Nos caractères sont aussi complémentaires : je suis calme, dans l’analyse, et Glwadys est plus sociable. Avant d’y aller, je pèse plus le pour et le contre alors qu’elle va droit au but », explique Carole.
Interdiction de parler de Babbler à table
Ces avantages ne doivent pourtant pas faire oublier un inconvénient de taille. Quand les sœurs se transforment en collègues, difficile de ne pas voir le sujet travail envahir la sphère familiale. « Il faut s’interdire d’en parler. Ou alors, si des membres de la famille sont actionnaires, il faut organiser des conseils de famille », recommande la coach Frédérique Clavel. « Ça n’arrive jamais qu’on passe un dîner familial sans parler de Babbler. Il y a un côté non-stop », admet Sarah Azan. Et sa sœur de préciser : « Notre maman nous a pourtant interdit de parler de Babbler à table ! » « Les week-end, on ne parle que de ça », reconnaît aussi Scarlette Joubert, avant d’ajouter : « La force d’être sœurs, c’est qu’on peut s’engueuler dans l’entreprise mais quand on se voit en famille le dimanche, il n’y a pas de rancune. Avec un associé, il n’y pas d’apaisement possible. Vous n’allez pas faire du bateau avec lui le week-end ! »
Outre les balades en mer, la parade aux conflits peut venir d’une personne tiers. C’est en tout cas ce que recommande Frédérique Clavel. « Décider de s’associer à 50/50 est possible, mais en cas de désaccord, la boîte est morte. Intégrer un tiers, même si c’est difficile dans une relation si proche, est préférable », explique-t-elle. Chez Karethic, c’est Karine, la troisième sœur embauchée récemment pour gérer la communication, qui joue les juges de paix. Quant aux jumelles Elise et Raphaëlle Covilette, elles ont choisi de créer Kokoroe avec leur meilleure amie Béatrice Gherara. « Elle apporte un vrai équilibre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous nous sommes tournées vers elle », assure Elise. Après avoir contribué seules à l’explosion de leur start-up L’Habibliothèque, Aurélie et Anahi Nguyen ont décidé d’embaucher leur premier salarié. Alors que leur système de location de vêtements compte 300 abonnés réguliers et ouvre un corner au BHV, cette étape marque un tournant. « Ça peut faire peur pour ceux qui nous rejoignent d’intégrer une start-up familiale. La première embauche sera la plus difficile, mais on attend ce moment avec impatience. Ça va donner un autre élan à la boîte, on ne sera plus seulement en famille, ce sera plus structuré », assure Aurélie. En cas de problème, elles pourront toujours consulter leur troisième sœur : elle a déjà investi dans la start-up.
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits